Hatred Paradox -ASSASSINATION CLASSROOM -

Chapitre 34 : Décision.

Quelques secondes ...

Quelques secondes pour réaliser ce qu'Asano était en train de faire. Quelques secondes pour me rendre compte qu'on le tirait violemment en arrière. Quelques secondes pour reconnaître Karma, alors qu'il se jetait sur lui comme un prédateur sur sa proie.

Les coups s'enchaînaient, toujours à sens uniques. Je devais les arrêter, je le savais. Pourtant je restais spectatrice, la bouche entre-ouverte mais muette. Aucun mot ne sortit, alors que les élèves commençaient éloigner Karma de force. Il émit un bruit, comme un grognement, en essayant d'échapper à l'emprise des élèves qui l'avaient interrompu.

-J'vais t'buter sale crevard ! cracha-t-il en se débattant.

Asano était au sol alors que d'autres élèves essayaient de le relever tant bien que mal pour le mettre hors de porté du rouge. Ce même rouge dont les yeux étaient animés par une haine que je ne lui avais jamais vue auparavant.

Pourquoi ?

Je ne comprenais rien, ni du baiser volé d'Asano, ni de l'attitude subitement violente de Karma.

Pourquoi ?

Ma tête semblait lourde. Les bruits environnants devinrent assourdissants. Et cette fois je les sentis. Ces larmes. Celles qui dévalaient mes joues alors que je ne détachais pas mon regard de cette scène.

... Pourquoi ?

Toutes mes pensées commençaient à m'échapper. Je détestais ce type. Je l'aimais. Il me répugnait autant qu'il m'attirait. Karma me rendait folle, dans tout les sens du terme.

Mes jambes commencèrent à bouger et, comme par automatisme, je m'approchai de Karma, encore fermement maintenue pas les élèves de l'école. Il y eu ce regard, puis ce geste. Cette gifle. Partie toute seule. Mon propre geste me brisait le cœur mais j'étais fatiguée de ressentir ça. De ressentir cette attirance pour quelqu'un que je ne comprenais pas. Quelqu'un qui me voulait du mal, mais était possessif, comme si j'étais voué à être SA victime attitrée. Autrement dit, du sadisme à l'état pur, caractéristique de ce démon à la tignasse rouge et aux yeux perçant d'insolence.

Il resta quelques instants à me fixer, avant de cesser ces débats inutiles. Mes larmes coulaient toujours et une voix s'éleva depuis l'entrée du bâtiment.

-Que se passe-t-il ici ?

Je ne pris même pas la peine de me retourner vers le proviseur, donc la voix dure ne laissait aucun doute sur sa colère.

-Akabane s'est jeté sur Asano, reporta l'un des élèves.

-Akabane... répéta l'homme d'une voix sombre en s'approchant. Je vois que ton exclusion ne t'a pas mis assez de plomb dans la cervelle...

Il releva le regard vers moi, toujours planté devant Karma.

-Es-tu mêlée à cette histoire Nikushimi ? demanda-t-il d'une voix cinglante.

-Elle n'a rien à voir là dedans ! déclara Karma avant que je ne puisse répondre moi-même.

-Votre fils m'a agressé en me forçant à l'embrasser, déclarai-je d'une voix blanche en relevant les yeux. Je suppose qu'aucun des témoins ne parlera contre Asano, mais Akabane pourras vous confirmer les faits. Enfin, en partant du principe que vous traitez vos élèves à égaux ...

-Malheureusement, sa parole ne vaut pas celle d'un élève au comportement exemplaire, ajouta-t-il avec un petit sourire. Venez dans mon bureau, tous les deux.

Il fit un signe aux élèves, qui relâchèrent docilement Karma. Ils commencèrent à avancer, mais je ne suivis pas le pas, tiraillée par la décision que je m'apprêtai à prendre.

Après quelques instants, le proviseur se retourna.

-Qu'attends-tu ?

Mon regard passa de lui à Karma puis descendit vers mes propres mains. Depuis le début de cette stupide mission, je n'avais connu que l'angoisse et la souffrance lié au traitement et à mon passé. Pourquoi étais-je là ? Pourquoi n'étais-je pas simplement resté dans ma cellule, à me changer en zombie docile ? Parce que j'avais acceptée cette connerie, je m'étais retrouvée perdue. Au final, j'aurais sans doute mieux fait de ne rien savoir. De ne rien savoir de mon traitement, ni de mes sentiments envers Karma.

C'était pourtant si simple ...

Ignorant les regards insistant de Karma et d'Asano père, je saisis mon portable et composait le numéro de mon escorte. Après deux sonneries, quelqu'un répondit.

-Nikushimi ?

-Si vous ne venez pas le plus rapidement possible, je ferais le maximum de dégât.

-Que se passe-t-il Nikushimi ?  Interrogea la voix.

-Ramenez-moi en taule, bande d'incapable ! Crachai-je avant de raccrocher.

Alors que je tournais les talons vers la classe E, la voix du proviseur s'éleva à nouveau.

-Où pensez-vous aller ?

-Vous êtes sourd ? J'me barre.

-Attends ! Intervint Karma en avançant pour me rejoindre.

-Ne m'approche pas, espèce d'animal ! hurlai-je pour m'assurer que cette tronche de tomate m'entende bien.

Pourquoi j'me fatiguais à supporter tous ça ? Jusqu'à l'arrivé de Karasuma, j'étais pépère dans ma cellule, là où tous les jours se ressemblaient.

Qui était cette fille dans mes rêves ? Pourquoi Kimochi en avait après moi ? Quel « secret » pourrait me cacher ma mère ? Peu importe, puisque ma personnalité serait effacée par un produit dont j'étais déjà dépendante.

Pourquoi devrai-je m'épuiser pour une cause perdue ? La mienne qui plus est. Dès à présent, tous ce qu'il me restait à faire était de prévenir les profs de la classe E, et de revenir à Yokohama en laissant Kimochi éteindre ma conscience au grès de ses piqûres. Après tout, rien ne semblait me retenir, la souffrance surpassant largement l'amour que j'éprouvais pour Karma...