Chapitre n°19

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21 Juillet 2009, à Amiens en France 13h38

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21 Juillet 2009, à Amiens en France 13h38.

Tout le monde était réuni pour cette soirée en mon honneur. Mes parents avaient insisté pour faire cette fête, pour célébrer mon bac et mon anniversaire en même temps. Pour l'occasion, ma famille s'était rassemblée. Ainsi qu'Élise, Amandine, ainsi que quelques amis et joueurs qui sont formés avec Antoine.

Antoine... Il était bien entendu là. Il n'aurait manqué cette soirée pour rien au monde. Pourtant, j'aurai tout donné pour qu'il disparaisse. J'étais égoïste, me sentant incapable et démunie. Je savais ce qui aller m'attendre. J'observai son visage enjoué. Il était si heureux, joyeux, épanoui. Rien qui m'aide à franchir le pas. Pourtant, je n'avais pas le choix. C'était aujourd'hui, ou jamais. Mais plus je m'approchai de sa silhouette rayonnante, plus je doutai. Je savais qu'il allait mal réagir. Comment en serait-il autrement ? J'allais lui briser le cœur, détruire ses ambitions et nos projets de vie commune. Cependant, dans le fond, j'espérais qu'il comprenne.

- WHAOU ! Tu as vu ce putain de but ma puce ?! s'enthousiasma-t-il en faisant sa célébration face à la télévision.

Je lui adressai mon plus faux des sourires en guise de réponse. Il venait d'emporter une énième victoire à FIFA, face à mon petit frère, Benjamin. Ce dernier se renfrognait, prétextant que son jeune âge le désavantageait. Je pris place sur le canapé au côté du footballeur. Je lui caressai légèrement le bras pour attirer son attention.

- Qu'est-ce qu'il y a ?


- J'aimerais qu'on puisse se parler, tous les deux.

- Oui bien sûr ! sourit-il malgré mon air sérieux.

On se leva d'un même mouvement. Il donna la commande de la Xbox à l'un de mes cousins pour qu'ils puissent continuer la partie sans lui. Nous nous dirigions vers l'arrière de la maison. Ça y est. C'était le moment. Mon cœur tambourinait à une vitesse hallucinante, manquant de s'enfuir de ma cage thoracique. Je redoutais tant cette discussion. J'avais rejoué la scène dans ma tête un million de fois, répétant un discours préfabriqué. Cependant, à l'approche de cet instant, mon cerveau ne semblait plus vouloir réfléchir, oubliant tout ce que j'avais pu confectionner dans mon esprit. Comme si mes neurones avaient appuyé sur le bouton riset.

Je l'observai s'étirer, son regard balayant l'état du jardin en cet été chaleureux. Pourtant, je continuai à avoir froid comme si mon cœur ne voulait pas se réchauffer, se laisser aller. Dos à moi, je me glissai contre lui, mes bras entourant son ventre. Je déposai mon front contre sa colonne vertébrale. Je voulais profiter encore de sa présence, sa chaleur, juste un peu. Sans que je la retienne, une larme silencieuse s'écoula sur ma joue.

- Corazón ? Ça va ?

- Oui bien sûr, je suis juste heureuse, c'est tout. Mentis-je en me mordant la lèvre inférieure.

- Lo', tu mens aussi mal que moi !
Rétorqua-t-il en se retournant pour me faire face, il poursuit en me caressant la joue. Qu'est-ce qu'il y a ?

Ses prunelles bleues se bloquèrent dans les miennes. L'émotion qui s'en dégageait me désarme complètement. Elle pétillait d'un éclat de bonheur. Me dire que je serai la cause de sa disparition me serre le cœur. Puis, un soupçon d'inquiétude me pétrifia. Il fronça les sourcils en voyant mes yeux s'humidifie à vu d'œil. Si seulement il savait ce que je m'apprête à faire...

- Non, je ne peux pas ! murmurais-je en éclatant en sanglots, déposant mon front contre son torse.

- De quoi parles-tu ? Tu me fais peur là ! déclara-t-il paniquer, il poursuit en relevant mon visage pour que je croise son regard. Lola, qu'est-ce qu'il y a ?

Son air sérieux et le ton austère de sa voix me firent stopper mes larmes. Je reniflai en essayant de reprendre contenance. Je n'arriverai pas à lui dire.

- Désolé Antoine. Tu ne mérites pas de perdre cette joie dans tes yeux. Murmurais-je à mi-voix.

- Arrête de dire n'importe quoi. Je suis l'homme le plus heureux du monde grâce à toi ! Et ce n'est que le début, j'en suis sûr.

Non, Antoine, non. C'était le début de la fin. Mes larmes menaçaient de couler à nouveau. Je connaissais son attachement pour tous ses projets qu'il envisageait pour nous deux. On en avait parlé tellement souvent que j'avais arrêté de compter. Je tentai de reprendre contenance, en enfouissant toute ma sensibilité.

- Antoine, j'ai quelque chose à te dire.

- Oulala ! Pourquoi entendre ça sortir de ta bouche ne me dit rien qui vaille pour la suite ? demanda-t-il avec un soupçon d'ironie.

- Peut-être que c'est parce que quand on les prononce, ce n'est jamais pour annoncer quelque chose de positif ?

- Peut-être. C'est le cas ?

- Oui... Avouais-je en baissant les yeux.

Je le contournai sans dire la suite. Les mains tremblantes, je vins me poser sur la vieille balançoire en bois que j'avais construite avec mon père dans mon enfance le long de la branche du saule pleureur au fond du jardin. Ce vieux jouet m'avait vu grandir. Je venais souvent y sécher mes larmes, éponger mes peines. Désormais, elle était aussi témoin de ma première peine de cœur. Le silence était devenu pesant et je savais que ça allait être à moi de le briser afin de répondre aux interrogations du Mâconnais.

- S'il te plaît, évite de m'interrompre, d'accord ? C'est déjà assez dur à dire.

Je levai brièvement les yeux pour le voir mimer un cadenas sur ses lèvres avant d'en jeter la clé. J'esquissai un léger sourire à son geste. Antoine n'était pas quelqu'un de méchant. Il avait son caractère, mais j'appréciais ses valeurs et sa façon d'être. Il ne méritait pas d'entendre les mots qui vont sortir de ma bouche.

- Bon, voilà, je ne pourrai pas te suivre en Espagne. Commençais-je en fermant les paupières, je poursuis en déglutissant sans lui laisser le temps d'intervenir. Le soir des prés nationaux, j'avais reçu la visite de Tina Harwood. Une grande patineuse de renommé international. Elle est venue avec le gérant du Complexe sportif Claude-Robillard, situé au nord de Montréal. Elle m'a proposé un gros contrat pour ma carrière en tant que patineuse artistique. Elle m'a dit qu'avec elle, je serai sûr de pouvoir m'élever au meilleur niveau, que je ferai partie des plus grandes. J'étais flatté qu'elle voulût de moi. Cependant, il y avait une condition si j'acceptai. Je pris une grande inspiration avant de continuer. Il fallait que je plaque tout pour les rejoindre au Canada. En sachant ça, j'ai beaucoup pensé à toi, à nous. Ils m'ont laissé le choix, le temps de réfléchir jusqu'à mes résultats de bac. Mais...

- Tu as accepté leur proposition ?

Je levai les yeux pour croiser les siens. Il était accroupi devant moi, l'air grave. Pour seule réponse, je baissai les yeux en acquiesçant d'un mouvement de tête. Oui, j'avais accepté. Je voulais donner toutes les chances à mes rêves de sportif professionnel d'aboutir. Et sans savoir si j'en serai capable en Espagne, je n'avais pas voulu prendre de risque. Je ne pouvais pas risquer de perdre mes ambitions, ma passion, celle de toute ma vie... Pour lui... Peut-être ne l'aimais-je pas autant que je le croyais ?

- Tu sais, tu m'aurais dit que tu aurais refusé, je crois que je t'aurai baffé ! sourit-il.

- Sérieux ?

- Je m'en serai voulu d'être responsable, si tu perdais la chance de ta vie.

- Tu es vraiment extraordinaire ! souriais-je en lui caressant tendrement la joue.

- J'aurai été mal placé de te dire quelque chose alors que je n'ai pas demandé ton avis quand j'ai décidé de partir définitivement en Espagne.

- Pas faux, mais je crois que tu n'imagines pas ce que ça implique.

- Détrompe-toi ! Je crois que je l'ai bien compris. M'assura-t-il d'un sourire timide.

- Je ne voulais pas qu'on en arrive là... Sanglotais-je, laissant couler de nouvelles larmes.

- Moi non plus corazón... Murmura-t-il, il poursuit les larmes aux yeux en me serrant contre lui. Chute ! S'il te plaît, arrête de pleurer, sinon je ne vais pas y arriver.

- Arriver à quoi ?

- À ne pas pleurer, à te dire au revoir, à me séparer de toi. Répondit-il en enfouissant son visage dans mon cou.

- On n'a pas le choix Anto'. Le Canada et l'Espagne, ce sont des pays totalement opposés. Et les relations à distance, ce n'est pas pour moi.

- Pour moi non plus.

- Je suis vraiment désolé. Murmurais-je en emmêlant mes doigts aux siens.

- De quoi ?

- De ne pas pouvoir abandonner mes rêves pour toi. Avouais-je en baissant les yeux.

Je sentis sa chaleur s'éloigner légèrement. Ses doigts prirent mon menton pour m'obliger à planter mes prunelles dans les siennes. Je découvris que finalement, l'éclat pétillant de ses yeux avait disparu pour laisser place aux traces rouges et bouffies des larmes. C'était de ma faute. Mes doigts glissèrent dans ses douces mèches blondes sans pouvoir lâcher son regard. Comment me séparer de lui, celui qui faisait battre mon cœur, mon premier amour ? Si vous aviez un guide sur « comment larguer son mec sans pleurer ? ». J'aurai été preneuse.

Mes doigts se cramponnèrent à sa nuque comme à une bouée de sauvetage, le serrant contre moi. Ses autour de ma taille m'attiraient à lui, me faisant tomber de la balançoire. Je sentis des perles salées luire sur mon épaule. Je m'accrochai à son t-shirt en espérant que ça les arrête de couler. Mais ce fut peine perdue.

- On a jusque quand ?

Sa question sonna comme un rappel de la dure réalité. Comprenant où il veut en venir, je tentai de lui répondre malgré la faiblesse de ma voix.

- Le 27 août.

Son emprise sur moi se resserra. On avait jusqu'à cette date fatidique pour profiter une dernière fois de l'un et de l'autre, tout en sachant ce qui allait nous attendre. Ce fut ainsi, dans la pelouse au fond du jardin de mes parents, que j'ai dû dire adieu à ma première histoire d'amour afin d'aller au bout de mes rêves.

Au bout de mes rêves [A.G]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant