Chapitre 11

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― Merde, Clarence, tu m'entends ?

Clarence hoche la tête et retient une grimace en ressentant la meurtrissure au creux de son cou. Elle y porte une main et tâte sa peau du bout des doigts. C'est désagréable, comme si un hématome s'était formé. Elle imagine déjà les couleurs violacées s'étaler sur sa gorge et lève les yeux au plafond. Pauline soupire sur la chaise à côté d'elle.

― Tu devrais aller voir l'infirmière.

― Non, ça va je te dis.

Bien sûr, s'y rendre serait complètement absurde et Pauline le sait. Elle serait obligée de révéler l'attaque de son frère, et elle ne peut se résoudre à le trahir. Premièrement, parce qu'ils sont unis par les liens du sang. Deuxièmement, parce qu'elle l'a poussé à bout en sachant très bien qu'il finirait par frapper. Et dernièrement, parce qu'il le lui ferait payer. Lui ou ses potes. Et elle n'y tient pas vraiment.

― C'était pour quelle raison cette fois-ci ? dit Pauline d'un air détaché.

Elle note le cours en laissant ses cheveux glisser sur son épaule gauche. Elle glisse un regard à sa droite pour regarder son amie dont le visage s'est assombri. Elle ne sait pas s'il est vraiment sage d'en parler, mais elle en a assez des interdits, des ordres et de toutes ces conneries. Elle en a assez de faire souffrir Léane, et elle est prête à assumer, même s'il faut en payer le prix.

― Pour avoir embrassé Léane.

A ces mots, Mandy, une autre de ses copines, aux cheveux bruns frisés portés au carré et des yeux d'un vert intense, se tourne vers elles.

― Et alors ? Tu lui as dit que c'était notre jeu, non ? Il s'en fiche d'habitude.

Sophie aussi, une blonde aux yeux noisette, s'est retournée pour suivre la conversation. Elle hoche la tête et hausse les épaules.

― Oui, qu'est-ce qu'il y a de différent ? Il sait très bien que tu joues avec les filles, il n'y avait jamais fait attention avant.

Pauline, elle, reste silencieuse. Elle sait, depuis leur voyage en Italie, combien c'est différent de leurs jeux stupides. Elle sait, oui, mais elle n'en dira rien. C'est à Clarence de décider de le faire ou de ne pas le faire. Elle lui laisse le choix, parce qu'elle est son amie, et qu'elle n'est pas sûre que la situation se limite à ce coup de poing dans le couloir du lycée. Non, forcément. Il y a de grandes chances pour que Titouan ait viré dingue, et qu'il attrape Léane à la sortie du lycée. Pauline ferme les yeux rien qu'à y penser. Peut-être que, pire, il enverra ses acolytes s'occuper de la terminale. Et dans ce cas-là, il y a peu de chances pour qu'elle s'en sorte en bon état...

Clarence et Pauline le savent : plus les gens seront au courant de la relation de sa sœur avec Léane, plus Titouan deviendra furieux. Alors, pendant que Clarence reste indécise, Pauline décide d'agir :

― Elle ne les embrasse pas, d'habitude, dit-elle d'un air nonchalant en haussant les épaules. Il a eu peur que ce soit réel j'imagine.

― Oui..., répond Clarence à bout de souffle.

― Quel imbécile ce mec, il va faire foirer tout le plan, lâche Mandy en levant les yeux au plafond.

― Hé, doucement quand tu parles de mon frère, réplique Clarence entre ses dents.

Mais ce n'est pas tant l'attaque contre Titouan qui la dérange ; ça, elle a l'habitude. En revanche, elle refuse de laisser Léane se faire traiter comme un jeux de société. « Faire foirer le plan », mais quel plan ? Elle n'a jamais prévu de draguer Léane, au contraire même, son « plan » était de l'éviter. Peut-être que ses copines pensent qu'elle a fait carrière solo pour ce coup, mais elle se refuse d'y penser. Elle espère simplement que ces termes ne viendront pas aux oreilles de la terminale, pour qui ça ferait sans doute trop à supporter ce coup-ci. Il y aura bien un jour quelque chose qui la convaincra de partir... Mais elle espère de tout son cœur que ça ne sera pas sur un malentendu. Au moins ça.

Pour elle...Место, где живут истории. Откройте их для себя