Chapitre 29

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Dean et Katherine étaient seuls, debout au pied du lit de Sam. Ce dernier dormait profondément, dans un état qui paraissait plutôt comateux aux yeux de son grand frère. En fait, si ça n'avait pas été de sa respiration, lente mais régulière, le chasseur aurait très bien pu le croire mort.

-Ça fait longtemps que tu sais ?

C'était les premiers mots que l'aîné Winchester avait osé adresser à la gamine depuis cette nouvelle (il hésitait toujours à la qualifier de bonne ou de terrible ), que la petite fille lui avait lancée sans un avertissement. Il ne savait pas s'il devait s'excuser de lui avoir caché la vérité (même si, de toute évidence, Katherine était déjà au courant) ou bien continuer de nier les faits.

-Oui.

Cette seule réponse lui convint, lui qui savait ne pas mériter d'explications plus élaborées. Il lui tendit donc la seringue qu'ils avaient pu trouver, l'une de celles que Sam et lui gorgeaient habituellement de sang de mort et dont l'aiguille finissait plantée dans la carotide d'un vampire.

-Et t'es en colère contre moi ?

La fillette releva la manche de sa veste, retira l'embout protecteur de la pointe stérile, puis leva les yeux vers son père, signe muet qu'elle désirait son aide.

-Non.

Dans un soupir de soulagement, le chasseur reprit la seringue entre ses mains et, d'un second coup d'œil, attendit un quelconque signal de la part de la gamine pour enfoncer l'instrument dans ses veines. Signal qu'elle ne tarda pas à donner sous la forme d'un coup de tête déterminé.

-Pourquoi tu me l'as pas dit ? demanda le jeune homme tout en plantant lentement l'aiguille dans le bras de sa fille.

La gamine grimaça au contact froid du métal sur sa peau, mais ne broncha pas autrement. Il ne fallut qu'une seule pression sur le piston pour emplir complètement le cylindre de sang. Dean retira l'aiguille avec la même précaution que lorsqu'il avait percé la chair de la petite fille, puis retira la petite tige d'acier de l'instrument et interpella Bobby pour lui demander de la stériliser à nouveau.

-Tu aurais voulu que je te le dises, toi ?

Le chasseur observa la fillette avec interrogation avant de comprendre qu'elle répondait à sa dernière question.

-Je...Oui ! Bien sûr que oui !

-Ah oui ? Moi, je ne crois pas. Tu penses que tu aurais agi de la même façon avec moi si tu avais su, dès le départ, que j'attendais ton arrivée depuis des semaines ? Que je savais exactement qui tu étais, qui eux étaient et pourquoi ils tenaient tant à moi ?

-Comment t'as su ? Ils sont venus te voir avant moi, hein ? Qu'est-ce qu'ils t'ont dit ?

La gamine secoua la tête.

-J'ai commencé à faire des rêves...avant la mort de mes parents. Ce n'était que des voix, je ne voyais rien, mais ils me parlaient. Je voulais les croire, tu sais ? Je voulais vraiment croire que j'étais destinée à devenir un héros, comme tous les enfants de neuf ans en rêvent.

-Qu'est-ce qu'ils t'ont dit ? répéta Dean en montant le ton.

Les yeux du chasseur se rivèrent sur le sang comprimé dans la minuscule fiole qui était peut-être leur seul espoir de sauver Sam. Le liquide,  au lieu de son habituelle couleur vermeille, reflétait quelques fibres argentées qui illuminaient inexplicablement le fluide. Cette fois, il était impossible de revenir en arrière ou de nier l'évidence. Ce sang n'était pas celui d'un être humain.

-Rien de bien concret, répondit Katherine en s'asseyant aux pieds de Sam. Jusqu'à ce que mes parents...tu sais. C'est Michel qui a pris la relève, à partir de là.

Dean ne sortit de sa transe qu'à l'entente du nom de Michel. Il se redressa brusquement, ses mains se serrant à un tel point sur la seringue qu'il manqua de peu de la faire éclater.

-C'est lui qui m'a parlé de toi, continuait la gamine en se triturant les doigts. Il m'a raconté ma...ma conception et m'a dit ce qu'il attendait de moi.

-Et qu'est-ce qu'il attend de toi, ce fils de pute ?

Le chasseur sentait vibrer ses cordes vocales de colère, mais il s'en fichait, aveuglé qu'il était pas la haine viscérale qu'il éprouvait envers le monde entier.

Juste alors que Katherine était sur le point de répondre, les yeux toujours fixés sur ses mains moites, la porte de la chambre s'ouvrit, laissant apparaître Bobby dans l'embrasure, l'aiguille de la seringue entre les doigts.

-Je l'ai désinfectée, grogna le vieil homme en tendant la pointe de l'instrument à son fils d'adoption. On n'a pas de temps à perdre.

L'aiguille retrouva bientôt sa place au bout de la seringue, que Dean, oubliant tout des paroles de sa fille pendant un instant, planta délicatement dans le cou de son petit frère.

-Allez, Sam ! Allez, réveille-toi !

Dean ne compta pas le nombre de secondes, de minutes et d'heures passées au chevet de son cadet, à ignorer le monde qui continuait de tourner autour de lui. Tout ce temps passé à attendre vainement le réveil de Sam. À attendre ne serait-ce qu'un infime mouvement de doigt de sa part, qu'un minime signe qui prouverait qu'il était toujours en vie. Qu'il y avait toujours une chance de le voir un jour ouvrir les yeux.

-Je t'en prie, Sammy...

Ce furent les seuls mots que le chasseur répéta inlassablement, encore et encore, en espérant voir son jeune frère reprendre vie. À un moment, la petite main de Katherine vint se poser sur son épaule, lui rappelant dans un éclair de lucidité leur dernière conversation.

-Qu'est-ce que Michel attend de toi ? demanda-t-il d'une voix un peu trop chevrotante à son goût.

Une larme coula le long de la joue de Dean, qui ne songea même pas à l'essuyer. Il n'avait pas osé, après tout ce temps, poser l'oreille sur le ventre de son cadet pour vérifier s'il respirait encore. Pour constater si le don de sang de la gamine avait au moins pu garder provisoirement Sam en vie.

-Il m'a demandé...bégaya la fillette. Il m'a demandé de...de prendre sa place quand le temps sera venu. Je...J'ai toujours pas compris ce que ça voulait dire, mais...

Katherine ne put terminer sa phrase. Elle fut interrompue par Sam, qui s'était redressé sur le lit dans un soubresaut, une main posée sur le cœur.

-Sam ? Sam !

Dean n'aurait certainement pas manqué de serrer son frère dans ses bras en criant de soulagement si ce dernier avait réagi d'une quelconque autre manière que celle par laquelle il répondit à son aîné. En effet, alors que ce dernier s'élançait vers son cadet, Sam tourna lentement la tête dans sa direction, un sourire narquois accroché au visage.

-Désolé, Dean. Sam n'est pas disponible pour le moment.

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Ave ! Alors, comment avez-vous trouvé ce chapitre ? Dites-moi ce que vous en pensez ! Et l'histoire, pour le moment, qu'en pensez-vous ? L'évolution des personnages ?

Mille milliards de mercis,

Joe.

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