Electric Shock

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C'était impossible! Ils n'avaient pas le droit! Pas en si peu de jours à l'asile. Impossible. Je refusai catégoriquement. Je demandai à Roland de transmettre un message au docteur Carter. Il me rappela qu'il n'avait pas le droit, mais je lui coupai la parole en lui disant d'imaginer que c'était sa fille qui était à la place de la mienne. Il soupira et me montra que j'avais son attention. J'exigeai de voir le docteur Carter, et dans les plus bref délais. Roland hocha la tête, dubitatif. Il me signala qu'il ne me garantissait rien. Il s'en alla en direction du rez-de-chaussée de l'aile Ouest d'Arkham. J'espérai qu'il transmette bien mon message.

Mon cher docteur Joe Car arriva devant ma cellule et m'appela. Je me relevai de mon lit et collai à nouveau mon visage entre les barreaux de la lucarne de ma porte rouillée. Comme s'il ne le savait pas, il me demanda ce que je voulais.

- Il est hors de question que vous électrisiez cette petite ou que vous la lobotomisiez, refusai-je. suis-je clair?!

- Je ne crois pas que vous soyez la mieux placer... docteur Quinzel, me fit-il remarquer avant d'insister sur mon ancienne identité.

- Si vous touchez à un seul de ses cheveux, je vous jure que je toucherais aux cheveux de vos filles et de votre fils, menaçai-je. Et si je suis vraiment de mauvais poil, je tue votre femme.

- Votre fille est mineure, vous n'êtes pas sa tutrice légale. Ce n'est pas à vous de décider, me signala-t-il.

- Vous avez appelé Margot Quinzel-Foster?

- J'allais l'appeler et lui expliquer la situation avant de parler d'électrisation et de lobotomie, mais vous m'avez interrompu dans la composition du numéro, dit-il avec sarcasme.

Je fronçai les sourcils. Margot a tendance à laisser les médecins faire ce qui était le mieux pour soigner ses proches ou elle-même. Si elle approuvait, ce serait fichu. Je ne voulais pas que ma fille subisse une lobotomie. C'était peut-être égoïste, mais il valait mieux mourir que d'être un légume, une bouche inutile et en trop à nourrir à Arkham. Il était hors de question que ma chair, mon sang, mon rêve soit un légume vivant dans l'assistance. La colère monta en moi. Je retirai mon visage des barreaux de la lucarne. Il fallait que je sorte Lucy de là. Le psychiatre s'éloigna de ma cellule avec un sourire satisfait. Il remonta au rez-de-chaussée. Je me rallongeai dans mon lit et réfléchis. Il fallait que je sorte d'ici avec Lucy et que je lui trouve un abri, je ne pouvais pas l'emmener au Silver Laugh.

Le lendemain, un garde me réveilla en me signalant que j'avais de la visite. Il ouvrit la porte et me prit par le haut du bras. Il m'emmena à la salle des visites, de l'autre côté de l'aile Ouest de l'asile, au même étage que les salles de consultation. Je vis ma soeur de l'autre côté de la vitre. Elle était seule, assise sur la chaise et m'attendait, les larmes aux yeux. La vitre était dotée de trous pour que nous puissions communiquer.

- Tu te retiens de pleurer, remarquai-je. Pourquoi?

Elle se mordit les lèvres et regarda en l'air, vers sa gauche. Elle haussa brièvement les épaules et me fit à nouveau face. Une larme coula de sa joue.

- Je... je... j'ai accepté, sanglota-t-elle en cachant son visage.

Si je n'avais pas ma camisole, mes bras en seraient tombés. Comment pouvait-elle accepter ces deux thérapies? L'un est un acte insupportable, qui pouvait autant améliorer les choses comme les aggraver, et l'autre un acte inhumain, une pratique interdites dans plusieurs pays du monde... dans plusieurs États d'Amérique. Et elle voulait laisser faire? Je secouai la tête, ne la comprenant pas.

- Tu m'avais dit que tu veillerais sur elle, lui rappelai-je. C'est en acceptant l'électrisation et la lobotomie que tu t'occupes d'elle?

- Tu n'as pas vu sa rage, sa colère, ce jour-là!

- Et toi tu n'as pas eu le sang de son crâne sur tes cuisses après l'avoir entendu se cogner partout dans les murs de sa cellule, crachai-je. J'ai vu la détresse qu'elle avait! Toi tu n'as vu que sa dangerosité, lui reprochai-je.

Elle était choquée de savoir que ma fille s'était éclatée la tête contre les parois de sa cellule. J'ajoutai que j'étais là quand elle ne l'était pas. Ma sœur me demanda comment elle pouvait expliquer ça au boulot! Je n'en crus pas mes oreilles. Elle pensait plus à son boulot de vendeuse pour les femmes qui n'ont aucun goût qu'à sa fille '

- Comment j'ai pu te la confier, soupirai-je.

- Et toi, comment peux-tu être aussi égoïste, rétorqua-t-elle.

Alors là, c'était le bouquet! Ma soeur qui me reprochait d'être égoïste. Est-ce qu'elle savait au moins que ce ne serait plus sa fille ou sa nièce qu'elle verrait, pour le peu qu'elle venait la voir? Ce n'était pas Lucy qu'elle verrait. Si on devait arriver à la lobotomie, elle verrait juste un corps dépourvu de toute vie... juste d'un cœur qui bat, des poumons et des reins qui fonctionnent... Je lui décrivis à quoi ressemblait une personne qui a subit une lobotomie. Elle pleura de plus en plus.

- Si c'est les seuls moyens sont l'électrisation et la lobotomie, je suis prête à prendre le risque. J'en accepterai les conséquences.

Je me levai de ma chaise, j'étais remontée contre ma soeur. Je m'abaissai, mon dos formant une perpendiculaire avec mes jambes. J'étais face-à-face de Margot, le visage proche de la vitrine au point que mon expiration fit de la buée sur la vitre.

- Tu veux la condamner? Donne-moi un flingue et je me charge de la descendre. Ce sera plus simple, grognai-je.

Son visage était grave, ses yeux grands ouverts. Je vis de la peur et de l'horreur dans son regard.

- Lucy ne subira pas ces conneries, que tu le veuilles ou non.

Je me mis droite et me tournai vers le garde qui me surveillait. Je demandai à retourner dans ma cellule. Il me prit le bras, au même endroit, et m'emmena à ma destination. J'étais remontée et encore plus déterminée à sortir ma fille de là. Mais il allait me falloir de l'aide...

Lucy Quinzel

Un jour ou deux plus tard, je retournai encore dans ma cellule après la vaine séance avec le docteur Carter. Ce dernier m'avait parlé d'électrisation et de lobotomie, que ma mère avait accepté. Il m'avait expliqué ce en quoi ça consistait. L'électrisation servirait de thérapie d'aversion: on obligerait mon cerveau à rejeter Joe et tout ce qui le concerne, au point de réagir négativement à la moindre mention de son nom ou à l'entente de sa voix. Pour ce qui était de la lobotomie, on me couperait je ne sais plus quelle section du cerveau pour que je sois comme déconnectée. Mon corps vivrait et continuerait à fonctionner, mais je ne serais plus personne. Je serais comme morte. En fait, ce serait peut-être une forme de coma, mais réveillé.

Mes premières séances d'électrisations commenceraient dans deux jours, d'après lui. Je n'avais pas vraiment de réaction. Même s'il m'avait expliqué ce que c'était, je n'avais pas vraiment peur. J'attendais de le vivre en quelque sorte. Le lendemain, mes parents vinrent me voir pour essayer de me rassurer, de me détendre avant que mon "traitement" commence. Je restai silencieuse devant eux. Je n'avais rien à leur dire.

Puis le jour-J arriva. Les gardes m'emmenèrent tandis que ma mère biologique les insulta de tous les noms et leur promit qu'elle tuerait leurs proches. Une fois dans la salle prévue pour mon électrisation, des infirmières m'allongèrent sur une table en fer et bouclaient les sangles autour de mes poignets et chevilles. Le docteur Carter m'observa derrière un miroir comme celui des flics dans les films. Je ne le vis pas, mais je sentis son regard. Les infirmières me préparèrent à ma thérapie d'aversion. Une fois prêt, un médecin vint au-dessus de ma tête et mit un objet dans ma bouche pour éviter que je me morde la langue jusqu'au sang. L'homme me prévint qu'on allait commencer et ordonna à une infirmière de charger. Puis je sentis mes membres et mon tronc se contracter. Mes mâchoires se serrèrent, mes dent pressèrent l'objet dans ma bouche. Ma gorge vibra tant je voulais crier, mais impossible avec la chose en plastique qui m'empêchair de me mordre la langue. Joe rit et réclama encore les décharges. Durant toute cette séance, je ne voulais qu'une chose: mourir.   

The Joke's On LucyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant