Chapitre 1

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La rousse souffla doucement en posant son sac sur le guéridon de son entrée et elle ôta rapidement ses escarpins, retrouvant avec un soulagement évident le contact du sol. Elle détestait les talons mais ils faisaient apparemment partie de l'uniforme que son patron s'évertuait à la faire porter : jupe ou pantalon noir, chemisier blanc ou pastel, et talons. Il adorait que son assistante soit élégante et prenait plaisir à voir les gens se retourner sur elle dans la rue lorsqu'elle l'accompagnait à certains rendez-vous. Mais elle, elle détestait ça. Tout comme elle détestait ce boulot, chaque jour un peu plus peut-être que la veille. Son boss était un insupportable connard arrogant, avocat d'une petite trentaine d'années, qui pensait que le monde ne tournait qu'autour de lui et qui prenait un malin plaisir à la mettre mal à l'aise en se montrant bien plus tactile qu'il ne l'aurait fallu. Elle avait beau être compétente et demander à être investie un peu plus dans les dossiers, il s'acharnait à ne faire d'elle qu'une potiche qui répondait au téléphone et gérait les chèques de sa femme de ménage. Elle n'avait qu'une envie, lui claquer sa démission ou mieux encore, abandonner son poste. Oui, ça aurait été jouissif de lui dire "à demain" en sachant qu'elle ne reviendrait pas et d'imaginer sa tête le lendemain lorsqu'elle ne serait pas la à son arrivée, prête à l'accueillir avec un café serré. Un sourire se dessina malgré elle sur son visage à cette idée mais bien vite la réalité la rattrapa. Elle avait désespérément besoin de ce boulot pour payer le loyer de ce studio et aussi une partie du centre ou était hospitalisée sa mère depuis plusieurs années maintenant. Son grand frère lui envoyait un peu d'argent chaque mois pour participer aux frais médicaux, a défaut de leur apporter sa présence et son amour, mais même avec ça, les fins de mois étaient compliquées. Et plus encore depuis que son père avait décidé de refaire sa vie et de tourner la page sur la précédente, oubliant ainsi qu'il avait une fille, un fils et une ex femme malade. Elle lança un coup d'œil au portait de famille affiché dans son salon, un brin nostalgique à la vision de ses parents enlacés et de son frère qui lui faisait des oreilles d'ânes, un sourire moqueur clairement affiché sur son visage d'ado de 15 ans. Elle, elle n'avait que 12 ans à l'époque, et à ce moment-là, tout paraissait tellement simple. Elle n'avait pas encore conscience de la gravité de la maladie de sa mère, ses parents s'aimaient encore et son frère faisait partie de son quotidien. Son cœur se serra en pensant à lui, Connor lui manquait parfois terriblement et elle n'avait qu'une envie dans ces moments là, c'est de l'appeler et de lui dire qu'elle l'aimait. Mais, elle ne le faisait pas. Et ce soir ne dérogerait pas à la règle. Elle se dirigea vers la cuisine, ses pieds nus glissant sur le carrelage froid de la pièce principale qu'elle avait réussi à aménager de façon plutôt chaleureuse. Derrière un paravent, elle avait même réussi à se faire une petite chambre, minuscule certes, mais c'était mieux que rien. Elle ouvrit le frigo et soupira en constatant qu'il était presque vide et qu'elle allait devoir se contenter ce soir encore de pâtes avec un peu de fromage. Parfois cela la frustrait un peu. Elle adorait cuisiner et si elle avait eu plus d'argent, elle se serait fait un plaisir à se cuisiner des bons petits plats chaque soir. Mais ce n'était pas le cas, Alors tant pis, les pâtes c'était mieux que rien et de toute façon son estomac affamé criait famine depuis plusieurs heures déjà puisque son patron ne lui avait pas laissé de répit aujourd'hui. Pendant que l'eau des pâtes chauffait, elle attrapa son PC portable et se connecta rapidement, jetant un coup d'œil à ses mails avant de se brancher sur Facebook. Son téléphone portable, loin des smartphones connectés, ne lui permettait pas de pouvoir accéder à Internet la journée donc le soir, elle s'occupait à surfer un peu avant de regarder une ou deux sérieux ou de bouquiner en fonction de ses envies. De toute façon, il fallait l'avouer, la jeune femme n'avait pas beaucoup d'amis. À seulement 23 ans, elle avait déjà une vie bien trop sérieuse et rangée puisqu'elle bossait déjà depuis plusieurs années et qu'elle avait quasiment perdu contact avec la majorité de ses amis du lycée. Eux, ils étaient partis à l'université, ils vivaient des choses qu'elle aurait aimé vivre, ils sortaient, ils s'amusaient, ils riaient. Ils étaient jeunes, tout simplement. Mais elle, elle se sentait terriblement vieille avant l'âge. Peut-être parce que quand elle était au lycée et que ses parents commençaient à se déchirer, elle avait dû prendre en charge sa mère et sa maladie, et qu'elle avait préféré s'éloigner de ses amis pour ne pas leur imposer ce qu'elle vivait. Ou peut être qu'elle avait honte tout simplement, et que ne pas en parler lui permettait de se protéger, de protéger sa mère. Du coup, contrairement aux ados de son âge qui commençaient à découvrir la vie, à sortir et à traîner en bande, elle, elle avait été particulièrement isolée et aujourd'hui, elle en payait le prix. Elle n'avait que deux amis vraiment proches qui connaissaient tout d'elle, Tabitha, qui étudiait à Londres dans une grande école de commerce, et Noam, qui avait ouvert son salon de tatouage dans le centre ville et qui connaissait un certain succès, les empêchant de pouvoir se voir autant qu'ils l'auraient souhaité. Elle s'aperçut alors que quelqu'un lui avait envoyé un message sur Facebook, quelqu'un qu'elle ne connaissait pas, chose rarissime vu le peu d'amis qu'elle avait sur le réseau social, et, curieuse, elle cliqua sur la petite notification afin d'autoriser le message à s'afficher.

" Chère Shanleigh,

Ça fait tellement longtemps que j'avais envie de te contacter, et jusqu'à maintenant je ne l'avais pas fait. Peut-être que j'avais peur au fond. Mais cette fois, j'ose et j'espère que tu prendras ce message au sérieux car je sais qu'il risque de te surprendre et de bouleverser ta vie. Comme ma vie a été bouleversée lorsque j'ai appris que je n'étais pas simplement cette orpheline que j'imaginais. J'avais une famille. J'avais un grand frère, et surtout j'avais une jumelle... Toi. Je t'ai aperçu un jour de loin et tu ne peux imaginer ma surprise lorsque j'ai constaté que tu étais comme moi, une photocopie presque identique de celle que je suis. Alors, j'ai fait des recherches encore et encore jusqu'à trouver. Nous étions deux, et lorsque j'avais seulement quelques mois, quelqu'un m'a kidnappée, m'enlevant la vie que j'aurais dû avoir à tes côtés, aux côtés de ma famille. J'ai grandi avec cette personne qui a pris l'identité d'une mère pour moi, jusqu'à que l'alcool finisse par la tuer. Ensuite, j'ai eu le droit aux familles d'accueil... Mais je ne me plains pas, j'ai pas été si malheureuse que ça. J'avais juste cet espèce de vide en moi que je ne parvenais pas à expliquer ni à combler, et aujourd'hui je sais que le vide, c'était toi.

Viens demain soir, #2353 Baychurch Road. Ils penseront tous que tu es moi, ça sera marrant. J'ai hâte de te rencontrer. J'espère vraiment que tu vas venir Shanleigh, j'ai vraiment besoin de toi dans ma vie. XxXx

Sio' "

Interloquée, la jeune femme relut le message, encore et encore, incapable de croire ce qu'elle venait de lire. Une jumelle ? Elle ? Elle s'empressa d'aller voir le profil de la jeune femme, Siobhan in Neverland, mais vu qu'elle n'était pas amie, elle n'avait qu'un accès limité, et tout ce qu'elle pouvait voir, c'était une simple photo de profil, une nana de dos avec des cheveux aussi roux que les siens. Pouvait-elle dire la vérité ? Mais pourquoi son père ne lui avait jamais parlé de ça ? Elle se mordit doucement la lèvre et elle attrapa son téléphone, tapotant rapidement un SMS.

À Connor

Hey, on peut s'appeler bientôt ? Tu me manques et il faut que je te parle de quelque chose. Je t'aime ! Shan'

Elle reposa son téléphone et elle relit encore une fois le message. Peut être qu'elle devrait y aller ? Ou peut être pas ... Tout ça était tellement étrange. Elle se demandait bien comment cette nana avait pu réussir à la retrouver. Elle referma son PC d'un mouvement brusque et elle se dirigea vers la cuisine ou l'eau bouillait déjà depuis plusieurs minutes. Il fallait qu'elle se sorte ce message de l'esprit pour l'instant. Elle aviserait demain, se promit-elle intérieurement, bien qu'au fond sa décision était déjà prise. Car il fallait l'avouer, cette fille avait su lire en elle. Tout comme elle, ce foutu vide qui l'habitait depuis toujours et qui ne la quittait pas sans qu'elle ne parvienne vraiment à mettre des mots dessus, elle le connaissait trop bien. Et plus que tout, elle voulait désespérément le combler.

Liars, Liars Where stories live. Discover now