Chapitre 8-2

6.8K 865 29
                                    




N'ayant plus vraiment d'autres options à notre disposition, nous nous mîmes en marche en silence. Elana semblait avoir perdu toute sa combativité et paraissait anéantie, quant à moi, je ne me sentais pas en meilleur état. À vrai dire, j'avais tellement peur que je n'arrivai plus à réfléchir clairement. J'essayais pourtant, aussi fort que je le pouvais. Si je parvenais à démêler et à comprendre tous ce que Quint venait de dire, peut-être arriverais-je à trouver une raison à toute cette folie et peut-être même un moyen de nous tirer de ce mauvais pas.

À moins que de se laisser effacer la mémoire soit la solution ? C'est vrai, plus d'interrogation, de peur et d'inquiétude...la tranquillité quoi. Oui mais à quel prix ? Un arrêt brusque me sortit de mes réflexions et je levais la tête. Nous nous trouvions à présent dans une partie de l'établissement que je connaissais bien, pour y avoir travaillé assez souvent. Quint venait de s'arrêter devant la porte de l'infirmerie. Mais que diable faisions-nous là ?! Il en ouvrit la porte, jeta un coup d'œil à l'intérieur (certainement pour vérifier qu'elle était vide) et nous fit signe d'entrer. Il se dirigea alors à grandes enjambées vers le mur du fond dont il déplaça avec force l'une des étagères métalliques. Une porte dissimulée, fermée par un système électronique, apparut alors.

Un frisson me parcourut tout le corps et j'eus alors un mouvement de recul involontaire, vite stoppé par le garde qui se trouvait entre moi et la sortie. Il ne fallait pas que nous passions cette porte, je le sentais au plus profond de moi. Je pris subitement la main d'Elana et m'apprêtais à sortir de là par n'importe quel moyen, lorsque quelqu'un frappa à la porte et se mit à actionner la poignée dans le même mouvement. Quint eut juste le temps de remettre l'étagère en place avant qu'une jeune fille, tenant un mouchoir ensanglanté devant son visage, n'entre dans la pièce.

— Oh excusez-moi ! Où est Madame Mary ? Je me suis subitement mise à saigner du nez et ça ne veut pas s'arrêter, expliqua-t-elle d'une voix étouffée.

— Écoutez, elle n'est visiblement pas là pour le moment. Alors revenez plus tard, lui rétorqua sèchement Quint.

— Mais je ne peux pas ! Ça commence à tra...

Elle fut interrompue par l'entrée de l'infirmière, qui s'arrêta un instant sur le seuil, surement surprise de trouver autant de monde dans son infirmerie. C'était une femme très gentille d'une bonne cinquantaine d'années, grande amatrice de lecture et de gâteaux aux chocolats. Ce qui se voyait aux miettes constamment accrochées à son gilet bleu, ainsi qu'à son embonpoint. L'espoir et le courage me revinrent dès que je l'aperçus. Je la connaissais un peu pour avoir effectué plusieurs stages à l'infirmerie et j'avais eu le sentiment qu'elle m'aimait bien. Nous avions peut-être une chance finalement...

— Eh bien que de monde ici, que se passe-t-il donc, demanda-t-elle de sa voix douce et légèrement voilée, en lançant un regard surpris et interrogateur à Quint.

— Je crois que cette jeune filles à besoin de vos compétences, dit-il en lui désignant d'un signe de tête l'étudiante saignant du nez. Nous nous pourrons repasser plus tard, termina-t-il en se dirigeant vers la sortie.

— Non c'est idiot. Dit-elle d'un ton autoritaire qui ne cadrait pas avec son physique. Surtout que cela doit-être grave ou inquiétant pour que vous soyez venus à trois pour les escorter jusqu'ici ?

— Nous avons toutes les deux fait un malaise et comme nous avions encore des vertiges, Monsieur Quint a jugé plus prudent de demander à deux de ses hommes de nous accompagner...au cas où, mentis-je spontanément et avec un aplomb dont je ne me serais jamais crue capable.

C'était la première fois qu'un mensonge me venait si rapidement et si naturellement. J'avais même réussi à prendre Elana de vitesse, c'est dire !

— Toutes les deux en même temps ? Nous demanda-t-elle d'un ton suspicieux en fronçant les sourcils, comme si elle avait décelé mon mensonge ou suspectait un stratagème pour sécher les cours.

— Non, moi ça m'est arrivé dans le parc et Elana...

— ...Dans les toilettes, me coupa-t-elle en me voyant en mauvaise posture.

— Ha...Bon, asseyez-vous là pendant que je m'occupe de votre camarade, nous dit-elle en nous désignant l'un des lits d'un signe de tête.

Nous allâmes nous y installer, tandis qu'elle conduisait la jeune fille vers l'autre lit, lui tendait une serviette et lui demandait de pencher la tête en avant tout en se pinçant fort l'arête du nez pour arrêter le saignement.

— Quant à vous messieurs, je pense que votre mission est terminée. Je vais prendre soin de ces jeunes filles et je les renverrais dans leurs cours respectifs. Vous pouvez y aller, ajouta-t-elle en constatant qu'aucun n'avait bougé d'un pouce.

Quint semblait sur le point de s'étrangler de rage. C'était plus fort que moi mais je ne pus m'empêcher de lui lancer un petit sourire triomphant...qui fût de courte durée lorsque je compris, à sa posture et à son air déterminé, qu'il n'avait pas l'intention de quitter les lieux sans se battre.

— Nous allons attendre. Nous ne sommes pas pressés, dit-il d'un ton acide toute en s'adossant au mur à droite de la porte. Nous ne voudrions pas que ces pauvres jeunes filles ne se blessent bêtement en partant d'ici. N'est-ce pas, persifla-t-il en me gratifiant d'un sourire sadique.

— Bien comme vous voulez. C'est votre temps après tout, leur rétorqua-t-elle sur le même ton agrémenté d'un soupir excédé.

À l'entente de ces mots j'attrapais instinctivement la main d'Elana. Nous échangeâmes un regard d'où tout soulagement avait à présent disparu et nous n'eûmes plus qu'à attendre avec angoisse la suite des événements.

Isolated System Where stories live. Discover now