Chapitre 3-1

11.1K 1.1K 70
                                    







J'ouvris la porte le plus doucement et le plus silencieusement possible et me glissais comme une voleuse dans le couloir, le regard rivé sur la porte d'en face, m'attendant à la voir s'ouvrir à la volée à chaque instant. Constatant, à ma grande surprise, que celle-ci restait close, je ne perdis pas de temps à attendre bêtement que cela change, et m'empressais de rejoindre l'Atrium aussi rapidement que me le permettaient mes jambes flageolantes et mon souffle court. Au moment de franchir les doubles portes, j'eus un moment d'hésitation...visiblement ils n'avaient pas menti sur l'absence de caméra dans l'aile nord. Donc dès que je franchirais ces portes, toutes celles disséminées dans le reste du bâtiment n'auraient d'yeux que pour moi, épiant mes moindres faits et gestes et mes moindres réactions...et surtout confirmant leurs soupçons ! Il fallait donc que je me comporte de façon qu'ils ne puissent pas deviner que j'avais surpris leur conversation et que je savais qu'ils m'observaient.

Je pris une grande inspiration, poussais les portes et me dirigeais avec précipitation et sans hésitation vers le banc où j'avais laissé Elana, comme si j'étais persuadée qu'elle s'y trouverait encore...évidemment elle n'y était plus ! Je fis donc semblant de la chercher, de l'appeler tout bas tout en ayant le sentiment d'être une parfaite idiote et surtout une très mauvaise actrice ! A part pour la confusion et le stress, qui eux, étaient malheureusement tout à fait naturels ! Au bout de quelques minutes, j'estimais autant que j'espérais, que mon petit numéro pathétique avait duré assez longtemps pour être crédible et commençais donc à me diriger d'un pas incertain vers mon dortoir. A chacune de mes enjambée, j'avais l'impression que mon cœur battait un peu plus vite et que ma respiration se faisait de plus en plus difficile. C'était idiot d'y retourner, si je n'avais pas surpris cette conversation, jamais je ne l'aurais fait.

Mais qu'aurais-tu fais d'autre alors, pauvre gourde! Me sermonnais-je moi-même. Tournée en rond jusqu'au matin !? Cette situation n'avait vraiment aucun sens ! Plus j'avançais et plus la désagréable sensation d'être observée montait en puissance. Comme si j'avais un écriteau planté dans le dos qui proclamait " Elle sait, elle sait !". Je me sentais prise au piège, obligée de faire ce qu'ils attendaient de moi comme un bon petit toutou et je me rendais compte que l'obéissance forcée ce n'était pas du tout mon truc ! Le problème était que je n'avais pas vraiment d'autres alternatives. Je ne m'en étais en fait pas laisser d'autre, en réagissant impulsivement à ce que je venais d'entendre. Même si il y avait de quoi être déboussolé, c'était idiot. La réaction logique aurait-été d'aller frapper à cette porte et de demander de l'aide comme j'en avais initialement l'intention. Là ils allaient forcément comprendre que quelque chose clochait ! A moins que ce ne soit déjà le cas et que le deuxième homme en noir ne soit caché derrière la porte du dortoir, prêt à me sauter dessus dès que je la franchirais !

Il était de toute façon trop tard pour faire demi-tour, constatais-je en arrivant en vue de la porte du dortoir 6. Tout en me dirigeant vers elle, je me demandais pour la énième fois, où ils avaient pu planquer des caméras dans ces couloirs dépouillés. Car partout où se posait le regard, ce n'était que béton brut et murs blancs. Même la lumière provenait de spots enchâssés dans le plafond, ne laissant aucun endroit où dissimuler quoi que ce soit. A moins qu'elles ne soient directement incorporées aux luminaires ? Oui c'était surement ça, me dis-je en baissant rapidement le regard que j'avais laissé un peu trop longtemps s'attarder sur le plafond.

Je poussais doucement la porte en tendant instinctivement le dos, persuadée que le ciel allait me tomber sur la tête...mais non ! Je fis bien attention à ne prendre que de petites inspirations superficielles, car ce n'était pas parce qu'il n'y avait plus de trace visible du gaz soporifique, qu'il n'en restait pas un peu dans l'atmosphère. Il n'y avait pas un bruit dans le dortoir, hormis quelques grincements de dents et léger ronflements de mes camarades endormies. Je m'approchais du lit d'Elana, qui était le premier sur la gauche, sachant que nous étions surveillées même dans nos chambres et que c'était ce qu'ils s'attendaient que je fasse. Elle était allongée sur le dos, paisiblement endormie. Je la secouais doucement pour tenter de la réveiller, mais sans succès. Je savais que j'aurais dû rejoindre mon lit immédiatement mais je ne pouvais m'y résoudre, et au lieu de cela me dirigeais une nouvelle fois vers la salle de bain.

Je vérifiais dans un premier temps que personne ne se cachait dans les cabines. Puis une fois sûre d'être seule, je relâchais le contrôle féroce que je m'étais imposé et m'écroulais plus que je ne m'assis sur le sol, où j'entourais mes genoux de mes bras et me laissais aller. Je ne sais combien de temps je restais là, à verser des flots de larmes silencieuses, mais cela dû être long. Enfin, ne sachant pas quoi faire d'autre, je me relevais. Mes jambes me donnaient l'impression d'avoir été transformées en guimauve, elles me transportèrent néanmoins jusqu'a l'un des lavabos, où je me passais de l'eau froide sur le visage avant de rejoindre mon lit d'un pas lourd. Je m'allongeais, et fixant le plafond, me demandais où pouvaient bien être placées ces foutus caméras. C'est là, une fois au calme, que l'énormité de ce que je venais d'apprendre et la réalité que cela impliquait, me frappa de plein fouet accélérant mon cœur et me donnant la nausée.

Durant toutes ces années nous avions été observées, scrutées et analysées comme des animaux de laboratoire et maintenant que je le savais...ça me rendait malade ! Comment allais-je bien pouvoir faire pour me comporter normalement...et surtout aurais-je la force de ne rien dire aux autres ? Mon dieu, faites que tout cela ne soit qu'un horrible cauchemar, me dis-je tout en sentant les larmes recommencer à dévaler mes joues.

Mais lorsque la sonnerie de 6H30 me tira en sursaut de la semi-torpeur dans laquelle j'avais réussi à sombrer, je dus bien me rendre à l'évidence que mon mal de tête, mes yeux bouffis et le profond malaise qui me serrait la poitrine, n'étaient malheureusement pas le fruit de mon imagination. Je m'assis précautionneusement au bord de mon lit, ma tête me faisant souffrir le martyr à chaque mouvement brusque. Je me doutais bien qu'ouvrir les yeux ne serait pas une partie de plaisir, mais je ne m'attendais pas au coup de poignard qui sembla me transpercer le cerveau, lorsque la lumière crue et blafarde de l'éclairage artificiel atteignit mes rétines. Je ne pus retenir un gémissement et me protégeais machinalement les yeux avec mes mains.

— Ça va Hayden, me demanda quelqu'un avec sollicitude tout en posant doucement une de ses mains sur les miennes.

Ce contact me fit l'effet d'une décharge électrique et j'eu un mouvement de recul instinctif qui sembla surprendre mon interlocutrice. Le geste avait beau être doux et partir d'un bon sentiment, je me sentais malade et avais les nerfs à fleur de peau...je ne voulais pas que l'on me touche. J'entrouvris doucement une paupière et croisais le regard inquiet et un peu peiné de la fille qui occupait le lit voisin du mien. C'était une petite rouquine toujours de bonne humeur, mais surtout l'une des rares filles de mon groupe qui ne me traitaient pas comme une pestiférée. Raison pour laquelle, je m'en voulu un peu de ma réaction instinctive.

— Excuse-moi Claudia...mais je ne me sens pas très bien.

— Effectivement je vois ça, me répondit-elle un peu radoucie. Tu veux que l'on t'emmène à l'infirmerie, me demanda-t-elle en venant s'asseoir sur mon lit à côté de moi.

— Non, non, ça va aller ! Manque de sommeil, j'ai fait un mauvais rêve particulièrement réaliste, lui répondis-je précipitamment tout en me levant pour m'éloigner d'elle.

Isolated System Où les histoires vivent. Découvrez maintenant