douze

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- Qu'est-ce qu'il va se passer maintenant ? demandai-je en attrapant mon sac dans ma chambre.
- Tu es officiellement en vacance. Ton évaluation a été envoyé à ton professeur qui jugera si le stage continue en septembre.  m'apprend Mathis, qui passe une main dans ses cheveux.
- Très bien. Et pour mon salaire ? Richard avait bien dit que je serai rémunéré.
- Je vais voir ça avec lui, je pense que dans une semaine ou deux tu seras fixée. Ecoute Mélodie. continua-t-il. Je me retournai. Je sais que tu es déçue de ce métier. Mais tout n'est pas aussi sombre. Parfois tu écris sur des choses que tu aimes, tu construits des articles avec une critique qui te convient. Tu n'es pas toujours obligé de chercher le scandale.

Je me contente de hocher la tête. Je me sens si petite face à lui. Il m'observe une dernière fois. Je relève la tête vers lui. Il ouvre la bouche puis la referme et m'offre un sourire. Je lui rends sincèrement. Mon corps se relâche, tout est fini. Je suis libre. Mathis rentre dans un taxi où Richard l'attend. Je me félicite intérieurement d'avoir refuser de faire la route du retour en leur compagnie. Je m'assois, en attendant que Maël arrive avec son vieux vespa. Je vois les autres journalistes rentrer dans de belles voitures, des taxis, un café à la main, criant dans leur oreillettes. Ils sont si professionnels, si adultes. Petite, je me représentais les adultes de cette façon là, toujours en train de crier, avec de beaux tailleurs et buvant des milliers de cafés. J'ai vingt et un an, j'aime porter des robes à motif liberty, je sympathise avec les "victimes", je suis constamment fatiguée et je ne digère pas le café. Suis-je une adulte ? Quand devient-on réellement adulte d'ailleurs ? On nous fait croire que l'âge adulte est dix-huit ans mais c'est faux, être adulte n'est pas un âge, c'est une maturité.
Que vais-je finir par faire de ma vie ? Etre journaliste n'est pas une vocation, c'est ce qui se rapprochait le plus de mon rêve, car il fallait grandir. Il fallait abandonner. J'observe les joueurs, ils revenaient d'un repas au près du président, certains attendent, d'autres partent. Ils se sautent dans les bras, se tapent virilement dans le dos. Je me demande soudains vers où se dirige-t-ils. Chez eux ? Dans un pays inconnu ? Chez des amis ? De la famille ? Chez des inconnus ? J'aimerai leur parler une dernière fois, leur donner mon numéro. Je ne veux pas les oublier comme ils m'oublieront. Je ne peux pas les oublier. Je ne peux pas l'oublier. Maël m'annonce qu'il a un peu de retard- comme toujours ! Je me relève et fais les cents pas, comme à mon habitude. Il fait chaud. Je retire ma veste en jean. J'ai vécu dans un monde parallèle durant un mois. Je me retourne vers le bâtiment et me souviens de ma première impression en le découvrant. C'est si grand. Effrayant. Je souris en repensant à mon arrivée. Je n'étais encore qu'une pauvre stagiaire déconcertée et sans sentiments. Je recule, recule, recule encore pour essayer de voir Clairefontaine de plus loin. Et je heurte quelqu'un. Je me retourne, en bafouillant mille excuses à la suite.
- Mélodie, c'est rien ! ricane Paul en me tenant le bras.
Je souris, crispée. Paul a deux grosses valises et un sac à dos. Il retire son casque des oreilles pour le laisser pendre sur son cou. Il reste près de moi.
- Tu sais Mélodie, je regrette qu'on ne se soit pas plus parlés. Tu es une fille bien.
- Tu ne peux pas le savoir, tu ne connais qu'une petite facette de moi. répondis-je, un peu trop vite peut-être.
- Je sais reconnaître les gens sympas. Par contre, je ne comprends pas que tu sois journaliste.
J'essaie de comprendre ces mots. Ce n'est pas le premier à me le dire. J'essaie de déchiffrer cette simple phrase.
- Tu comprends ? Tu es sincère. Ou bien tu caches très bien ton jeu, mais dans ce cas là je te conseille plutôt de te diriger vers des cours de théâtre.
J'esquisse un sourire et souffle un bon coup. Il fait si beau aujourd'hui, si chaud. Les joueurs partent petit à petits. Nous ne sommes plus qu'une dizaine devant le bâtiment.
- Tu sais, je crois que tu juges trop vite ce métier. Nous ne sommes pas tous des vautours prêts à tout pour le moindre scoop. Parfois nous construisons des articles, sur ce qu'ils nous plaît. En réalités, les journalistes de magazines à scandales sont sûrement de mauvais journalistes.
- Les journalistes sportifs sont pires que les journalistes à scandales. Ceux-là ils inventent, taquinent, les sportifs attaquent et nous blessent par la vérité.
C'est vrai. Mais je ne dis rien.
- Alors, qu'est-ce que Paul Pogba va faire durant ses vacances, pas de panique, je ne suis plus journaliste le temps des vacances ! l'interrogé-je en mimant un micro dans ma main.
Il émet un rire sonore et fit mine d'attraper le faux micro.
- Je vais me reposer dans un endroit encore inconnu. Avec des personnes dont je n'ai pas encore l'existence.
- Non sérieusement Paul. dis-je en ouvrant ma main. Où pars tu ?
- Je suis sérieux Mélodie, je ne sais pas ce que je m'apprête à faire. Avant l'Euro mes vacances étaient programmés au Portugal mais après ce qu'il s'est passé, j'ai tout annulé.
- Je comprends ! répondis-je en souriant un peu trop sûrement.
- Et que va faire notre journaliste favorite durant ses petites vacances d'été ? demanda-t-il en prenant une voix spéciale.
- Hé bien écoutez chez monsieur, je m'apprête à partir pour une durée de deux semaines dans l'île de Majorque avec deux amis à moi ! lui appris-je en jouant le jeu.
- C'est une super destination, j'y suis déjà allé une fois il y a trois ans.
Je pris mon courage à deux mains et lui lança cette proposition.
- Et si tu venais avec nous ? Enfin, c'est juste une proposition tu vo-
- J'arrive toujours à m'incruster avec les gens. On part quand ?
- Demain seize heure, sois prêts ! m'exclamai-je en tapant dans mes mains.

good job // griezmannWhere stories live. Discover now