neuf

6.9K 407 65
                                    

- Je vais te dire une bonne chose, ton travail c'est de la merde !
Je sais qu'il s'arrache des cheveux en disant ça, je sais aussi que Mathis est à côté et approuve ce qu'il vient de me balancer sans mâcher ses mots.
- Les autres journaux ont des exclusivités, des choses plutôt gentilles, mais on sait tous entre nous qu'à la fin de l'Euro, ils sortiront des entendus très pertinents. Je veux mes entendus ! Enfin, Mélodie, tu as forcément vus des choses spéciales, entendus des mots. Du scandale quoi !
Richard manque de s'étouffer tellement il parle vite. Je l'entends reprendre son souffle tandis que je rédige un compte rendu, tout aussi ennuyeux que les cinq derniers envoyés. Je pourrai presque comprendre sa réaction.
- Je fais de mon mieux. je répond dans une toute petite voix.
- Non ! Tu sais ce que je pense Mélodie ? Je pense que tu sais vraiment beaucoup de choses, que tu traînes avec ces joueurs et que certains sont même devenus des "amis". Je pense que tu n'ose pas balancer des infos qu'ils t'ont confiés, car ils ont confiance en toi. Tu n'y arriveras jamais dans ce boulot avec ce comportement. Ces joueurs qui sont si gentils avec toi ne te calculerons plus dès la fin du championnat, tu n'es rien, même pas une poussière dans leur putain de vie. Ils rencontrent tellement de personnes, si tu crois que auras de leurs nouvelles après, tu te mets le doigt dans l'oeil. Ce sont des manipulateurs, comme nous. N'attend rien d'eux. Ne les protèges pas, ce ne sont pas des personnes comme les autres, ils ne sont pas fragiles, ce ne sont pas des humains comme toi et moi.

Il ne me calculera plus après la compétition. Je ne serais qu'une conquête de plus.

Je n'ose rien répondre, trop humiliée, trop gênée d'avoir pu croire que ces joueurs attendait quelque chose de moi. Antoine le savait. C'est comme si lui, Raphaël ou même Paul, avait directement déterminé le genre de fille que je suis, naïve, gentille, impossible de faire du mal. C'est comme si toutes ces affections n'étaient que purement fausse et avec intérêt. En y réfléchissant bien, ils ne m'ont d'ailleurs rien vraiment raconté de sérieux, de personnel sur eux. Je suis toujours celle qui parle, celle qui explique.
- Je sais que tu débutes mais il faut te réveiller maintenant Mélodie.
Je ne veux plus de ce métier me crie ma conscience. 
- Oui. C'est clair.

Je raccroche et me tourne vers ma porte, grande ouverte. Antoine se trouve ici, il est en tenue d'entraînement et semble être arrivé à la fin de la conversation. Je souffle en le voyant. Ces derniers temps, il prend un malin plaisir à me taquiner, me lancer des piques comme un enfant.
- Qu'est-ce que tu veux Antoine ?
Il s'approche sans fermer la porte et s'assoit sur mon lit.
- Des ennuis au boulots ? Ils t'en veulent de n'avoir pas expliqué en détail tes nuits avec moi ?
En gros c'est ça.
Je ne répond pas et lui fais signe de bouger de mon lit. Il me fait une moue et m'attire à ses côtés.
- Si tu veux on peut recommencer pour te rafraîchir la mémoire... Il essaie de m'embrasser.
Je le repousse violemment et me lève en m'assurant que personne n'est passé dans le couloir à ce moment.
- Dégage Antoine, c'est vraiment pas le moment. Je m'arrête un temps pour réfléchir tandis qu'il est toujours à me regarder sans me prendre réellement au sérieux. Et d'ailleurs, tout ce qu'il y a pu avoir entre nous, ça ne se reproduira plus. En tout cas, si tu ne veux pas voir tes exploits sexuels en première page de mon journal.

Antoine fronce les sourcils mais ne se lève toujours pas. Il m'observe comme si tout d'un coup j'étais devenu quelqu'un de différent.
- Mélodie, j'peux savoir ce qu'il te prend ?
Ce qu'il me prend ? Est-il sérieux ?
- Il me prend que je ne veux plus coucher avec un mec qui semble m'ignorer, me juger la journée et que dès le soir venu, viens m'embrasser.
Et surtout, tu manipules mon cœur. Tu m'attires trop alors que je ne suis qu'un passe temps pour toi.
- Mélodie... Il se lève et s'approche de la porte. Il me fait face et me regarde dans les yeux. T'attends quoi de moi ?
- Juste que tu partes.
Il semble surpris de ma surprise et se mord l'intérieur de la joue. Il murmure un "Ok", plutôt contrarié de ma réponse. Et il sort. Je le regarde descendre les escaliers. J'ai l'impression de l'avoir perdu. Après tout il a raison, qu'est-ce que j'attends de lui ? J'ai toujours su que je n'étais qu'une fille parmi tant d'autres pour lui.
Cet endroit est toxique. Cette chambre me rend nerveuse et je ne souhaite qu'une chose, partir le plus vite possible. Mais je ne peux pas, car je suis une journaliste. Je prends sur moi et descends prendre le repas du soir.

                                                                                  ♦♦♦♦
Au bout de quelques semaines, j'ai enfin pu réellement dialoguer avec mes collègues. Ils ont arrêtés de me considérer comme un déchet après la victoire de la France contre L'Islande. Je crois que ce soir là, avec les cinq buts, nous n'étions pas réellement dans nos états normaux. Nous avons commencé à discuter après le match du bonheur des gens dans le stade, et le bonheur des joueurs et certains journalistes se sont excusés de m'avoir pris pour un imposteur. Ensemble nous sommes allés interviewés "nos" joueurs et nous avons tous fêté la victoire et la France en demie-finale.
Assise à côtés d'eux, je ne peux m'empêcher de les trouver ennuyeux, mais j'essaie pourtant de m'intéresser à leur conversations. Jacques, un quarantenaire, journaliste pour BFM TV, nous parle des matières utilisés pour faire les chaussures des joueurs. Passionnant. Alors que je manque de prétendre un mal au ventre pour quitter la table à toute vitesse, je sens qu'on tape mon épaule. Je me retourne si vite que je manque de tomber. Raphaël se tient devant moi. Il a un petit sourire, comme si il avait compris la galère dans laquelle je me trouve.
- Excusez moi, je peux vous l'emprunter, je voudrais vérifier quelque chose avec Mélodie. s'adresse-t-il à la table.
Oui, emprunte moi, ne demande même pas. Mes collègues s'arrêtent pour me regarder, ils semblent presque se rappeler de ma présence et répondent affirmativement au défenseur, pour se remettre directement à débattre sur les chaussures.
- Merci, Merci, Merci, tu viens de me sauver d'une conversation où je risquai à tout moment de mourir d'ennui.
Il rit et nous nous installons à une table vide. Je me souviens soudain de ce que m'a dit Richard. Il n'en a rien à foutre de moi lui non plus. Mais je reste, après tout, je suis quand même assez grande pour m'apercevoir des gens mauvais. Raphaël me demande comment je vais, des questions tellement banales mais tellement évidentes. Je remarque qu'il ne semble pas bien et qu'il a choisi une table très excentré de la principale où se trouve les joueurs. Il a le regard dur, celui qui ne paraît jamais sur son visage d'habitude.
- Raphaël, tu peux me dire. je dis enfin après un long silence.
J'évite de dire " Dis moi" pour ne pas paraître trop intéressé comme les journalistes le sont.
Il respire un bon coup et appuie sa tête sur ses paumes de mains. Il murmure quelque chose d'incompréhensible. Je reste muette, puis lui demande, doucement, de répéter. Il me regarde alors et me sors :
- Je dois abandonner.
Je ne comprend pas sur le coup, Je le regarde en fronçant les sourcils. Puis soudain je le vois, tenir sa jambe. Celle qui le démangeait tant l'autre jour.

good job // griezmannWhere stories live. Discover now