Irréversible (Sous contrat d'édition)

RETROUVAILLES

Je ne sais pas combien de temps je reste là, je ne peux pas bouger, j'ai la tête qui tourne, j'essaie de réfléchir à ce qu'il m'a dit, mais rien ne vient, j'arrive juste à passer mes doigts sur mes lèvres, je peux encore sentir les siennes, impatientes, brutales et dévorantes.

Je finis par rentrer, je plane carrément. Mais qu'est-ce que c'était que ça ! Arrête tu le sais !

-Est-ce que ça va chérie ?

Je sursaute en attendant la voix endormie de Vina.

-Désolée je ne voulais pas te faire peur. Tu vas bien ? Tu as l'air...

-Je vais très bien !

Je la coupe rapidement pour éviter les questions sur l'état dans lequel je suis, mais je vois bien qu'elle s'interroge, avec un léger haussement de sourcil.

-C'est vrai je t'assure, ça va

Je vois un pli se former entre ses yeux, elle repose le verre d'eau qu'elle était sûrement venue chercher en se levant, et reprend le chemin de la chambre, sans un mot de plus.

Je m'adosse au mur du couloir, la tête en arrière, les yeux fermés et je souffle longuement pour essayer de retrouver un rythme cardiaque normal, avant de filer sous la douche.

« Je voulais vérifier qu'on était sur la même longueur d'onde »

Ses mots repassent en boucle dans ma tête tout au long de la journée. Sans parler du baiser, auquel j'essaie vraiment de ne pas penser, parce qu'à chaque fois que ça m'est arrivé j'ai dû aller me rafraîchir aux toilettes tellement j'avais chaud. Non sans préciser que je vais devoir également changer de culotte ! C'est pas vrai ! Je perds la tête ou quoi ?

On toque à la porte de mon bureau.

-Callie, j'ai une personne à l'accueil qui demande à te voir.

Je relève les yeux de la maquette sur laquelle j'essayais de me concentrer.

-Euh, oui. Elle n'a pas de rendez-vous ?

Elle paraît hésiter avant de me répondre.

-Non, mais il a insisté en disant que tu serais ravie de le voir.

« Il » Je réfléchis à mes connaissances, mes amis, mais je ne vois personne qui viendrait à mon travail sans s'annoncer avant.

-D'accord, laisse-moi finir ça, et envoie-le moi dans une dizaine de minutes.

-Très bien, je vais préparer du café si tu veux.

-Parfait, merci Andrea

J'ai comme un mauvais pressentiment quant à cette visite, si je me réfère au courant froid qui circule dans mon bureau. Je termine de vérifier la maquette, en annotant les corrections à apporter avant d'envoyer en impression, et Andrea fait son entrée avec le café.

-Tu peux apporter ça à Sandrine s'il te plaît, lui dire de corriger ce que j'ai noté, et l'envoyer en impression juste après ?

Je lui tends la maquette corrigée.

-Pas de souci. Je t'envoie ton ami ?

-Oui vas-y, merci.

J'ai réellement très froid d'un coup, je tremble. J'ai sûrement dû attraper quelque chose en allant courir à 4h du matin en short.

L'air est encore plus froid quand la porte de mon bureau s'ouvre, il y a peut-être un problème avec la climatisation, je la ferais vérifier demain.

-Bonjour Lillie !

Non !!! Non, non, non ! S'il vous plaît, non !

Je me lève tellement brusquement que la chaise de mon bureau se fracasse parterre.

Mes yeux sont écarquillés et sont déjà en train de se remplir de larmes, ma bouche devient sèche, je tremble de tous mes membres, j'ai les mains moites.

-Qu'est-ce que tu fais ici Tom ?

J'ai vraiment eu du mal à sortir ces mots, ils m'ont brûlé la gorge.

-Je passais dans le coin, et je me suis dit qu'après tant d'années, ça serait sympa de te faire une petite visite surprise. J'avais aucun moyen de te trouver, vu que quand tu es partie tu n'as dit à personne où tu allais, mais j'ai vu ta photo dans un article du journal le mois dernier et je me suis dit que c'était l'occasion de venir prendre de tes nouvelles, savoir comment tu allais.

Je n'arrive pas à bouger, je suis debout derrière mon bureau, statufiée, au bord de l'évanouissement à mesure que les souvenirs reprennent possession de ma tête. Je me tiens pour ne pas tomber et j'essaie de ne pas lui montrer mon trouble, mais avec Tom c'est impossible, il devine tout.

-Je vais devoir te demander de partir Tom.

J'essaie de garder ma contenance mais c'est peine perdue.

-S'il te plaît...

Il se rapproche de mon bureau jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que ce meuble qui nous sépare. Il se penche légèrement vers moi, les mains dans les poches de son costume. Il transpire l'assurance et la confiance en soi, tout ce que je viens de perdre en une minute. Il est grand, fort et imposant, ses cheveux bruns lui tombent un peu dans les yeux, mais son regard, lui, n'a pas changé. Chargé de haine, de colère et de frustration, je pourrais jamais oublier sa façon de me regarder.

-Tu sais bien que j'aime t'entendre me supplier, mais je suis venu chercher une chose bien précise en venant ici, et j'espère bien l'obtenir.

Je déglutis difficilement.

-Qu'est-ce que tu veux ?

Ma question n'est qu'un souffle, et comme il ne me répond pas tout de suite, je crains même qu'il ne m'ait pas entendu.

Il sort une main de ses poches et viens poser son doigt sur ma joue pour le faire glisser le long de ma mâchoire. Je me crispe instantanément et me recule brutalement.

Un sourire sarcastique se dessine sur son visage haineux.

-Toi ! Toujours toi Lillie !

Je suis pétrifiée, j'ai arrêté de respirer, mes jambes vont bientôt flancher tellement je tremble.

-Je reviendrais bientôt te voir.

Il me fait un clin d'œil et sort de mon bureau, aussi tranquillement qu'il y était entré.