REPRENDRE SON SOUFFLE

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Pendant les deux heures qui suivent cette rencontre improbable, je sens ses yeux sur moi, un incendie parcours mon corps de haut en bas sans que je puisse expliquer à quoi est dûe cette sensation.

Bien sûr que si tu le sais, tu ne veux juste pas le reconnaître ! Ah tais-toi tu ne sais rien !

Le problème c'est que, comme j'ai très chaud je n'arrête pas de boire ! Je dois en être au moins à ma quatrième coupe de champagne et j'ai toujours aussi soif ! Il va falloir que je ralentisse sinon je vais rouler parterre ou monter sur le bar bien plus tôt que prévu ! Même si ça ne fait pas du tout partie du programme de notre soirée ; on était censées ne pas rester trop tard, rentrer ensemble avec Vina, se plonger dans un bon bain et regarder son film préféré avant de finir évidemment par faire l'amour sur notre lit entouré de fleurs et de bougies ! Mais je vois qu'elle s'amuse vraiment, donc on peut remettre cette fin de soirée à plus tard, voire même à demain, rien ne presse.

Vina quitte la piste de danse, soit disant elle a mal aux pieds, sauf que je connais sa capacité à tenir toute une soirée sur des talons vertigineux, je sais très bien qu'elle a trop u et qu'elle fait une petite pause, peut-être même une micro sieste dans la voiture, pour revenir d'ici 20 minutes plus en forme que jamais. Vina est très forte pour reprendre le contrôle quand elle voit qu'elle commence à perdre pieds, alors je sais que si elle s'éclipse un moment c'est pour pouvoir mieux revenir et de nouveau maîtriser la situation.

Je continue de me déhancher, ma coupe à la main, la musique est vraiment bonne ce soir, le DJ est un collègue de Vina, qui se fait un peu d'argent les week-ends avec des soirées comme celle-là. Du coup, comme ils sont devenus assez proches, il n'a pas d'heure ce soir, il jouera jusqu'à ce qu'il n'y ait plus personne dans la salle.

En plus du brasier qui s'est invité dans mon corps, je sens un frisson remonter le long de mes bras jusque dans mon cou, ce qui me confirme qu'il est tout près. L'incendie qui me consumait descend instantanément dans mon bas-ventre et je sens déjà mon sexe pulser à travers ma culotte.

Mais enfin merde qu'est-ce qui m'arrive ? C'est un mec bordel ! Un putain de mec ! Et je n'aime pas les hommes, je n'en veux pas, jamais !

Ma respiration se coupe immédiatement en sentant qu'il glisse son doigt de la base de mon cou jusqu'à la chute mes reins. Je me dégage brutalement, les souvenirs reviennent en flash dans ma tête et je ne mets pas 10 secondes pour avoir envie de vomir. Il me regarde comme si une deuxième tête avait poussé à côté de la mienne, il doit sûrement croire que je suis folle ou un truc du genre. Entre mon incapacité à aligner deux mots tout à l'heure et maintenant ma fuite aux toilettes parce qu'il m'a effleuré, il doit vraiment me prendre pour une dingue.

Je regarde mon reflet dans le miroir, mon mascara a légèrement coulé, mes pommettes ont rosi et un léger voile de transpiration recouvre mon décolleté. Rien de choquant, à part le fait que je sois blanche comme un linge, livide, en croirait que mon sang a quitté tout mon visage.

Voilà l'effet que produit ces cauchemars sur moi, j'étais trop bien, trop en confiance, j'ai rien vu venir, mes défenses n'étaient pas en place. Résultat j'ai dû passer pour une névrosée une fois de plus. Allez ressaisis-toi ! Respire ! Tout va bien, il n'est pas là, ça n'est pas lui ! Il n'est pas là !

Je souffle doucement et j'inspire profondément. Une fois, deux fois, trois fois...

Quand je me sens reprendre de l'assurance je passe mes mains sur ma robe comme pour la défroisser, j'inspire encore une fois et je me dirige vers la sortie. Je m'attends presque à le trouver à m'attendre sauf que je suis seule, le couloir est vide, bizarrement ça me soulage, je n'avais aucune envie de l'affronter et devoir trouver une excuse bidon quant à ma réaction. Même si je ne lui dois rien, mais si nous devons nous voir plus souvent en tant que voisins, autant éviter de passer pour une cinglée.

Je retrouve le bruit, la musique et les visages rassurants de mes amis dans la salle. Le feu qui brûlait en moi a disparu, j'ai retrouvé mon calme et ma respiration a repris un rythme normal.

Je me dirige vers le bar, il faut absolument que je prenne un verre pour retrouver ma contenance et ma confiance, mais je suis stoppée dans mon élan par une main sur mon poignet. Je me retourne en me dégageant brusquement pour tomber nez à nez avec Matt.

-Excuse-moi Cal ! Je ne voulais pas te faire peur.

Il lève les mains en signe d'apaisement pour me faire comprendre qu'il ne me veut aucun mal.

-Alex m'a dit que tu ne te sentais pas bien, je voulais vérifier que ça allait.

Je parcours rapidement la salle pour l'apercevoir mais je ne le vois nulle part. Je reporte mon attention sur Matt en me frottant les bras, j'ai bizarrement froid tout à coup.

-Ça va, je vais bien, un peu trop de champagne sans doute.

Je tente un sourire rassurant mais sans grande conviction. Il fronce les sourcils et me regarde en plissant les yeux pour essayer de déceler le moindre indice qui lui permettrait de mettre ma parole en doute, mais j'accompagne mon sourire d'un léger baiser sur sa joue, ce qui me vaut une moue perplexe. Je vois qu'il n'est pas dupe mais il a l'intelligence de ne pas insister. Il pose prudemment sa main sur mon bras et m'entraîne avec lui vers le bar.

-Viens on va prendre un verre ma belle, j'ai l'impression que tu en as besoin.

-Merci

Je souffle ma réponse, soulagée que la conversation s'achève ainsi.

Je vois Vina passer la porte de la salle, elle irradie, elle a dû faire sa micro sieste parce qu'elle a l'air reposé et apaisé. Elle me fait un petit signe de tête pour me signaler qu'elle retourne danser, je lui fais comprendre que je reste un peu au bar et que je la rejoindrais plus tard. Matt nous a commandé deux shot de Tequila. Il prend son verre et me tend le mien, on trinque et j'avale mon verre en une seconde, contente qu'il ait décidé de ne pas parler. C'en suit deux ou trois autres, je ne sais plus, mais avec mes quatre coupes de champagne de début de soirée je sens les effets de l'alcool se propager rapidement dans mes veines.

Un frisson maintenant familier m'arrive dans la nuque, ce qui me fait légèrement chanceler de mon tabouret sur lequel j'étais installée. Je veux me lever mais j'ai l'impression qu'en posant mon pied parterre, tout l'alcool que j'ai bu descend directement dans mes pieds. Je suis un peu étourdie et je ne me rends pas compte tout de suite que je suis en train de tomber, avant que deux bras puissants m'encerclent la taille et m'évitent de m'écraser parterre. A la façon dont l'électricité se met soudain à circuler en moi je sais qui m'a rattrapée.

Merde mais c'est pas vrai ! A croire que je le fais exprès !

Irréversible (Sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant