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Le lendemain, on nous a toutes réveillées en sursaut, à l'aube. J'ai mis rapidement mon niqab et je suis sortie rejoindre le petit groupe de femme devant la tente. Une femme militaire américaine au teint basané, sûrement maghrébine, se tenait devant nous. Elle avait ses cheveux à découvert, et un pantalon comme les hommes, et je peux vous dire qu'on en voit peu en Syrie. Elle était très jolie mash'Allah, un visage fin mais sévère, des lèvres fines, des yeux marrons, et des cheveux bruns qui avaient l'air abîmés et secs regroupés dans un chignon désordonné, caché sous sa casquette. Je n'avais pu que l'admirer, une femme comme moi qui défend son pays pendant que nous restons apeurée dans les souterrains lors des bombardements...
Elle a commencé à nous parler en syrien... Elle nous demandait d'aider à réparer le camps et à nettoyer et elle a précisé que tout va bien et qu'il n'y a plus de danger. Avec Aliyah et Sanaa, je me suis exécutée. On a commencé par ramasser les débris, les morceaux de murs qui sont tombés, on a réparé la toile des tentes déchirées... La tâche la plus dure reste le ramassage des cadavres, les hommes et les américains s'en occupaient.
Sanaa pleure parce-qu'elle a soif, mais il n'y avait pas d'eau dans le camps pour le moment. Mais peut-être que les américains en ont... J'ai regardé autour de moi à la recherche de la femme militaire de tout à l'heure, et contrairement à mes attentes je la trouve en train de parler avec le jeune homme qui m'a sauvé. Je ressens un pique de jalousie, ou peut-être d'agacement, j'ai attendu qu'il parte, et je me suis approchée une fois qu'il se soit éloigné.

Moi: "Excuse moi, je voulais savoir si tu n'avais pas de l'eau pour la petite... Elle a rien bu depuis deux jours.."
Elle m'a détaillée du regard, puis Sanaa. Elle a attrapé sa gourde et lui a tendu. Sanaa n'a même pas remercié et s'est jeté sur l'eau.
Une fois fini elle a tendu la gourde à la femme.

Je m'apprêtais à partir quand la femme m'a retenu le bras.

Elle: "Tu peux boire aussi si tu veux..."
J'ai décliné et je suis partie rejoindre les autres.

Il était tard, tout le monde dormait... Sauf moi. J'étais assise sur un rocher, à contempler les étoiles, le visage en larmes. Je replongeais encore une fois dans les horreurs de mon passé. Quand cessera-t-il de me tourmenter?

Quand j'ai entendu des pas s'approcher, j'ai vite essuyé mes yeux avec ma manche. Quelqu'un s'est assis à côté de moi et m'a fixé. C'était la militaire.

Elle: "Pourquoi tu pleures?"
Cramée.
Moi: "Je pleure pas."
Elle a haussé un sourcil mais a quand même abandonné l'affaire.
Pendant dix minutes, on a contemplé le ciel, dans un silence de mort.

Moi: "Je m'appelle Thalia... Et toi?"
Elle m'a regardé bizarrement pendant quelques secondes.
Elle: "Yasmine."
Jolie prénom...

Yasmine et moi, on est pas devenue amie malgré notre discussion, mais elle restait aimable.
Sanaa pleurait de plus en plus le soir dans son lit, elle réclamait sa maman et son papa, sans qu'on puisse lui donner ce qu'elle demande. Je reste près d'elle, accompagnée d'Aliyah, on essaie de combler ce vide. Je donnerai cher pour un sourire de sa part.

Encore une journée de travail pour les habitants du camps. Aliyah ramasse les briques tombées et brisées et les jettent dans une brouette pour les emmener sur le grand tas. Sanaa est partie aider les femmes à cuisiner avec le peu de nourriture qu'il nous reste pour le dîner, Yasmine la militaire surveille les alentours son arme à la main, et je vois au loin le soldat qui m'a sauvé qui distribue de l'eau aux soldats et aux réfugiés.
Je n'y prête pas plus d'attention et me remet au travail.
Cela va faire trois jours qu'on travaille et les plus âgées commencent à avoir mal au dos. Khelti Asmaa s'est d'ailleurs tout d'un coup effondrée essoufflée contre le muret. On devinait son visage tout rouge et trempé de sueur sous son niqab. J'ai pas réfléchi, j'ai couru chercher de l'eau. Quand LE soldat m'a vu arrivé en courant, il m'a vite servi l'eau dans un gobelet en plastique, et m'a demandé ce qu'il se passait en me détaillant avec ses yeux noisettes.

Moi: "Khelti Asmaa fait un malaise!"

Il m'a regardé inquiet puis s'est précipité pour chercher de l'aide à l'infirmierie, et moi j'ai couru ramener le verre d'eau qu'Asmaa a bu d'une traite en me remerciant.

Tard dans la nuit, alors que tout le monde dormait, Sanaa a commencé à pleurer. Mais pas de la même manière que d'habitude. Inquiète, je l'ai rejointe pour être sûre que tout allait bien, et je l'ai trouvée en sueur, les lèvres gercées et toutes sèches. J'ai vite compris qu'elle était en déshydratation alors j'ai couru chercher de l'eau au puit. Dans le silence de mort qui planait sur le campement on entendait que mes pas rapides sur le sol et ma respiration saccadée.
C'était une nuit glacée, et ma djelaba ne suffisait pas à me protéger du froid.
Près du puit, j'ai ralenti. J'allais attraper la corde, quand j'ai entendu des chuchotements. Rien d'alarmant, mais ça a quand même attirer ma curiosité alors je me suis approchée discrètement, pour trouver deux hommes de dos derrière un rocher.

1°homme: "Les explosifs sont prets?"
2°homme: "Oui, j'attend que votre signal."
1°homme: "le temps est venu d'éliminer ces traîtres qui s'opposent à Allah azzawajel. Nous allons accomplir notre mission."

Un craquement s'est fais entendre au loin, et paniqués ils se sont enfuis.

Qu'est ce qu'ils préparent ?

Complètement perdue dans mes pensées, dans mon lit. Je trouvais plus le sommeil. Ce que j'avais entendu m'avait perturbée.
Sanaa, après avoir bu, s'est rendormie.
J'ai veillé toute la nuit en me demandant si je devais les dénoncer alors que j'avais pas vu leurs visages, si je devais garder tout ça pour moi, ... Je suis perdue...

Thalia: Trahie Par Mon Père J'en Ai Perdu Mes Repères Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin