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- Okay alors pour commencer, il me tend un bout de papier avant de reprendre, voici mon numéro de téléphone. Ça évite que tu tapes et effaces à chaque fois. Et puis si il t'arrives quelque chose tu sauras qui contacter.

Nous sommes tous les deux posés sur mon lit. Assis en tailleur l'un en face de l'autre. Il m'explique ses conditions.

- Deuxièmement, je veux que tu manges.

Je manque de m'étouffer.

« - Pardon ?! »

- Je suis pas aveugle, tu es anorexique Kalter-Angel. Tu as la peau sur les os.

« - Mais qu'est-ce que ça peut te foutre ?! »

- Les amis font ça !

Je lui lance un regard qui veut tout dire. Je n'ai jamais eu de putains d'amis !
Il prend ma main et je la retire brutalement.

« - Je suis pas sûr que les amis font ça. »

Il acquiesce mais baisse tout de même la tête. 

« - Bon on va faire simple. 1) Tu m'appelles Kalt ou Kalter, je déteste mon prénom entier. 2) Tu commences à devenir suspect et je t'arrache la langue. 3) Tu évites tes leçons de morales. 4) Tu ne me brusques pas, je parle si j'ai envie mais tu as le droit de poser des questions, on est dans un pays libre. 5) Tu évites de me suivre partout. 6) Merci.»

Il lit le message et relève la tête. Il me sourit.

- Kalter-Angel c'est singulier.. J'aime ton prénom entier alors je ferai en sorte que tu l'aimes toi aussi.

Je roule des yeux, signe qu'il peut toujours essayer. Il a de l'espoir lui.
Il rigole et son rire est assez bizarre mais il ferait plus rire qu'une blague. Il arrive même à me faire sourire mais seulement quelques secondes.

- Tu es muet de naissance ?

« - Non du tout. Ça fait deux ans. C'est un mutisme sélectif. Mais ça devait pas durer aussi longtemps. »

- Mais il t'est arrivé un truc grave ? Enfin j'ai entendu dire que c'est à cause d'un traumatisme..

« - Ouais mais ça je le garde pour moi. Sincèrement c'est pas intéressant et en plus on s'en fout. »

- Non, pas moi...

« - J'ai dit on s'en fout. »

- D'accord, veux-tu regarder un film ?

Je hoche la tête. Il me dit qu'il va d'abord aller prendre sa douche et préparer son sac et qu'il reviendra avec son ordinateur dans une petite heure.

____

Dès que la porte se ferme je m'empresse de la verrouiller et cours vers mon tiroir. J'en sors ma lame et un peu de poudre. Je reproduis la même chose que la veille et plane. J'en avais besoin.
Je ne tiens pas correctement debout mais j'aime tellement cette sensation.

Je me dirige lentement vers la salle de bain avec un marcel et un jogging. Je ne me taille pas les bras, toute personne intelligente ne le ferait pas. C'est trop voyant. Trop tape-à-l'œil. Se mutiler sur les bras c'est soit quand on est trop pressé, soit quand on lance un appel à l'aide. On sait que quelqu'un risque de le voir. On veut que les gens le voient. Ce n'est pas mon cas. Enfin si, quand j'ai réellement voulu en finir mais mes poignets sont cachés par des dizaine et dizaine de bracelets "gothiques". Sinon je m'attaque à mes cuisses, mollets, mes hanches, mon sexe aussi... Mes fesses également. Je ne suis pas cinglé. Je veux juste ne pas entendre à nouveau ce qu'ils me disaient.

" Regarde-moi ce petit cul ferme ! "

Bande de bâtards ! J'aimerais encore crever aujourd'hui. Je ne perdrai jamais de vu mon objectif : mourir. Je ne fais que semblant pour que personne ne se doute de rien. En deux ans rien n'a jamais fonctionné comme prévu. Mais aujourd'hui je suis seul. Complètement seul et ça peut peut-être m'être d'une grande utilité. C'est toujours avec mes pensées morbides que je rentre dans la douche et que je commence à me laver. Après avoir fais mes cheveux, je lave mon corps. Je ne me lave pas après m'être fais des lignes, le savon ça pique. Celui qui fait ça avant de se laver est un fou, il souffre deux fois plus. Peut-être que c'est fait exprès après tout.
Je prends ma lame en main et trace au moins deux lignes sur chaque endroits ayant été cités. Le bien que cela me procure est peut-être néfaste mais j'en ai rien à foutre. J'en ai toujours rien à foutre de toute façon.
J'aurais jamais du naître et elle aurait jamais du me garder en vie. Naître à 6 mois... Combien de chances y avait-il pour que je continue de me développer et que je vive ? Pratiquement zéro mais quand on a l'argent, il y a des miracles, tu parles d'un miracle ! Inégalité de merde !

De toute façon, fric ou pas au final tout revient au même. Je suis différent mais je ne suis pas le seul à vivre ça. Je fais partie de la catégorie "suicidaire".

Je sors de mes pensées quand j'entends la porte de ma chambre claquer. Il est déjà là. Je ne l'apprécie pas mais je ne le déteste pas, je le trouve banal malgré sa petite part d'ombre.

Je trouve notre situation stupide et gênante. En même pas trois jours ici je me suis fait repérer, insulter par une chinoise psychopathe et Ethan se prend pour mon garde du corps ou mon psy, au choix. Où va le monde ? Ils s'occupent tous du cul des autres mais jamais du leur. Ethan bizarrement, j'ai l'impression qu'il a toujours été ainsi, qu'il a été élevé ainsi alors je peux pas lui reprocher mais les autres sont justes de foutues commères !

Je sors de la douche rapidement et soigne mes plaies afin qu'Ethan reste ignorant de ce que je me suis fais. Je ne le connais que depuis disons quarante-huit heures mais je sais déjà qu'il serait capable de me faire chier pour quelques lignes, rien que sa réaction par rapport à ma maigreur était chiante alors j'imagine même pas.

J'enfile mon pyjama et sors de la salle de bain. Mes cheveux toujours mouillés trempent mon marcel.

- As-tu une serviette propre ?

Je hoche la tête et lui montre la salle de bain de mon pouce. Il y entre sans que je comprenne puis une serviette atterrit sur mes cheveux. Ethan les frictionnes tandis que je me débats. Quand il a enfin fini, je le vois fier de lui et un sèche-cheveux à la main.
Je cours prendre mon portable.

« - Même pas en rêve ! »

- S'il-te-plaît. Je veux juste les sécher et les coiffer.

« - Mais t'es gay ou quoi ? »

- Oui. Mais faut arrêter avec les stéréotypes, les coiffeurs ne sont pas tous gays et je veux juste les coiffer, pas les raser.

Je secoue la tête désespéré.

« - Okay mais répètes ça à qui que ce soit et je te jure que ta vie se terminera très tôt ! »

- Merci !

Quelle idée pourrie. Malgré tout, j'ai apprécié. Mais je ne lui dirai pas.

HARD TO LIVE (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant