Umbrae Proles 1 : L'héritier du loup

17 - La confrontation

— Ils voulaient me tuer, murmura enfin Lugan.

Enide émit un rire.

— C'est un piège, de toute évidence.

Lycaon fronça les sourcils d'un air soupçonneux. Lugan sentit son aura frôler son esprit. Il comprit ce que l'alpha essayait de faire et s'abandonna à son pouvoir. Les images défilèrent devant ses yeux. Il en éprouva un sentiment de honte et se cacha le visage entre les mains. Il n'arrivait même pas à compter le nombre de créatures surnaturelles, non, de personnes qu'il avait froidement assassinées. Certaines le méritaient, mais d'autres... beaucoup d'autres... Il en prenait enfin conscience : s'il avait protégé d'innocents mortels, il avait, à l'inverse, tué sans le moindre remords nombre d'êtres simplement parce qu'ils n'étaient pas comme lui. Mais, pire encore était de se voir abdiquer face à la cruauté de Demetrio pour devenir un pantin de plus.

Lycaon se releva tout à coup. Son emprise sur Lugan disparut, mais le chasseur resta prostré sur lui-même. La céphalée revenait, plus vive que jamais. Gagné par la nausée, il vomit de la bile dans l'indifférence générale.

— Lycaon ? s'enquit Ambroise avec expectative.

L'alpha ignora les jumeaux pour fixer Mirelha.

— Il dit vrai. Il a trahi les chevaliers de Saint George à cause de toi. Malheureusement, l'inquisiteur a usé de sa magie noire pour le suivre sans qu'il s'en aperçoive.

— Maintenant qu'ils ont Cassian, ils ne tarderont pas à nous retrouver, intervint Enide. Nous devons partir.

— Non ! protesta Mirelha. Nous devons retrouver Cassian.

Enide secoua la tête en ricanant.

— Ne sois pas stupide ! Les chevaliers surveilleront les portes de La Chaise-Dieu.

— Et même si nous parvenons à y entrer, il nous faudrait encore nous faufiler dans l'abbaye. Et en ressortir. Pourquoi risquer nos vies pour lui ? Il a décidé de partir, ajouta Ambroise.

Mirelha préféra les ignorer pour se planter devant Lycaon, poings sur les hanches, et le foudroyer du regard.

— Tu ne peux pas l'abandonner.

L'alpha soutint ses yeux enragés et posa une main sur son épaule.

— Je n'ai jamais dit que je comptais l'abandonner, mais je refuse de vous mettre en danger. Je veux que vous emmeniez la meute loin d'ici. Sans m'attendre.

Mirelha écarquilla les yeux, puis chassa la main de Lycaon d'un geste brusque.

— Il est hors de question que tu y ailles seul !

— C'est précisément parce que Cassian a refusé de suivre mes ordres qu'il se retrouve dans cette situation, souligna Lycaon.

— Non, c'est parce que tu as refusé de l'écouter alors qu'il te présentait des arguments raisonnables, rétorqua sèchement la louve.

Lycaon se crispa ; à croire que tous les Sangs mêlés éprouvaient le besoin de critiquer ses décisions, remettre en question son autorité et tester les limites de sa patience. Partageant toutefois les angoisses de la jeune femme, il inspira profondément pour se maîtriser. De plus, elle ignorait tout de ses suspicions. Il avait plongé dans l'esprit du chasseur et savait, désormais, qu'il n'avait pas survécu grâce à ses seuls talents. Il craignait de deviner ce qui se tramait. Et s'il ne se trompait pas, ils courraient tous un danger bien plus grand encore que celui posé par Demetrio et ses chevaliers.

Mirelha jeta un regard à Enide et Ambroise, qui disparaissaient déjà dans les bois, reporta son attention sur Lycaon et baissa enfin la tête vers Lugan. Le chasseur, toujours agenouillé, l'air hagard, semblait perdu dans ses pensées tourmentées. Elle éprouva un frisson à l'idée de partager un lien du sang avec ce sinistre individu qui prétendait être son frère. Hélas, il représentait leur seul atout. Elle marcha droit sur lui et, voyant qu'il ne réagissait pas à son approche, lui envoya un coup de pied dans les côtes.