IV - Alexandria

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Quatrième épisode
« Alexandria »


Je marche depuis plus d'une douzaine de jours.

Je suis épuisée et je ne suis même pas certaine d'être dans la bonne direction. J'ai suivi les indications du soleil, comme Liam s'entêtait à le faire lorsqu'il menait le groupe. Le soleil se couche alors que j'atteins une toute petite ville. Je ne sais même pas s'il s'agirait plutôt d'un village. Ça ressemble à un entassement de maisons d'une valeur intéressante. Peut-être qu'en fait il ne s'agit que d'une banlieue. Sérieusement, je m'en fiche.

Je choisis une maison au hasard. C'est la plus haute et la plus étroite. Je la fouille et la vide des deux Marcheurs qui l'habitaient toujours. Je saccage tous les placards avidement en espérant trouver des vivres. Il n'y en a pas vraiment. En fait, je ne trouve qu'une conserve de sauce aux tomates. Je soupire bruyamment. Ce n'est pas avec ça que je ferai taire la faim, mais c'est mieux que rien. J'attrape l'ouvre-boîtes dans mon sac et me taille un accès jusqu'à mon maigre butin. Je n'avais jamais bu de sauce en boîte avant que tout ne parte en vrille, mais maintenant, c'est devenu monnaie courante.

Tout en la sirotant lentement pour en profiter le plus longtemps possible, je continue de fouiller. Quand j'ouvre les portes sous l'évier, mes yeux s'écarquillent et je passe à deux doigts d'échapper ma conserve. Là, sous une couverture de poussière, est-ce bien ? Une caisse de bouteilles d'eau ? Elle est entamée, mais il en reste six. Six bouteilles d'eau. Je tire sur la caisse pour en extraire le précieux liquide. Je me retiens de hurler ma victoire. Je n'ai pas envie d'attirer qui (ou quoi) que ce soit ici.

Je m'approche de Vita en dansant. Couchée bien confortablement, elle me regarde sans trop comprendre. Je cherche rapidement autour pour trouver un bol quelconque et y déverse une bouteille que je place sous son nez. Elle se redresse avidement : elle vient de comprendre. Je m'assois près d'elle pour savourer quelques gorgées alors qu'elle passe vivement sa langue dans l'eau pour en boire jusqu'à la toute dernière goûte. Quand j'ai terminé d'ingurgiter ce savoureux repas, j'essaie de dormir, mais, rien à faire, je n'y arrive pas. Ma tête ne cesse de divaguer. Elle repasse en boucle les derniers événements. L'image de cet homme mordant la gorge de Joe comme un Marcheur affamé me revient continuellement. Peut-être n'étaient-ils pas si méchants ? Peut-être aurais-je pu faire un bout de chemin avec eux ? À cette simple pensée, je tremble. Non. Cinglés comme ça, mieux vaut en rester loin. Les yeux bleus du type à l'arbalète me reviennent en mémoire. Il n'y avait rien à l'intérieur. Ils étaient éteints. Enfin, jusqu'à ce qu'il trucide les Archers sur la route. À cet instant là j'y ai vu la rage.

Je me surprends à secouer doucement la tête. Qu'est-ce que j'ai à me poser des questions ? Ils étaient dangereux. J'ai fait le bon choix.

Au bout d'une heure, j'en ai marre de me retourner. Je me lève et grimpe les marches jusqu'au troisième étage. J'y avais repéré un balcon à mon arrivée. C'est vers lui que je me dirige. Une fois à l'extérieur, l'air un peu plus frais qu'en journée me fait du bien. Je m'appuie à la rambarde et regarde au loin. Je plisse les yeux en voyant quelque chose toucher le ciel. C'est une infrastructure, je n'en doute pas, seulement on dirait... Je regarde mieux. C'est lui.

C'est l'obélisque de Washington DC. Celui qui se dresse inlassablement devant le Lincoln Memorial. J'esquisse un petit sourire. Je ne me suis pas perdue. Je suis à mi-chemin. Je soupir de soulagement. J'ai bien envie d'aller à Washington. Voir ce que c'est devenu depuis la dernière fois où j'y ai mis les pieds, peut-être même m'autoriser une visite de la maison blanche, mais une ville comme celle-là contient beaucoup trop d'habitants. Je ne peux pas m'y risquer. Je devrai la contourner. Pourtant je me plais à m'imaginer revisiter tous ces lieux que j'ai vus en tant que touriste. Pendant quelques minutes, je me surprends à repenser à la vie d'Avant sans un seul grain de tristesse. C'est la première fois que je réussis un tel exploit depuis un an.

Dead LandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant