I - Mort ou vif

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[ Attention !

L'épisode qui suit traite de sujets sensibles en lien avec les violences sexuelles et le syndrome post-traumatique.
Si vous êtes victimes de pareilles situations, s'il vous plaît, n'hésitez jamais à demander de l'aide aux organismes professionnels de votre région. ]


Premier épisode

« Mort ou vif »

Les mains appuyées sur le comptoir, encadrant le lavabo, je regarde fixement devant moi. Le miroir est fissuré, éclaté, certaines parcelles sont même tombées.

Mais je la vois quand même.

Cette pauvre fille crasseuse aux vêtements déchirés.

Kenna, c'est son prénom.

Ses cheveux bruns et sales encadrent son visage, ses yeux bleus, vides, et pourtant déterminés semblent vouloir me figer sur place. Ses lèvres sont sèches, sa peau est salie par la terre et la sueur. Il n'y a plus rien de civilisé sur elle. Pas même à l'intérieur de sa tête. Son cerveau ne veut plus être normal, il en a marre. Il veut mourir. Mais son hôte l'en empêche.

Pour eux, elle doit rester.

Pour tenir sa promesse, elle doit vivre.

Eux ne peuvent plus, alors elle se doit de le faire à leur place. Pleurer lui ferait du bien. Pleurer lui rappellerait qu'elle est vivante. Mais rien à faire, ses yeux sont aussi secs que son âme.

Je pleurerai bien sur son sort, mais tout cela reviendrait au même. Parce que cette pauvre fille dans la glace, c'est moi. J'ai les mains qui tremblent. J'ai mal, j'ai froid, j'ai peur. Ils me manquent tellement. J'en ai assez d'être toute seule. Je ferme les yeux pour ne plus la voir. Pour interrompre ce supplice. Si je veux survivre, je ne dois plus rester seule.

Plus maintenant en tout cas. Plus depuis que cet horrible type me court après avec son groupe. Mes sourcils se tordent. Les images me reviennent. Les cris. Le sang. J'ouvre mes paupières d'un coup. La souffrance. Encore et toujours. Pourquoi je m'obstine ? Pourquoi je continue ? Ils seront bien plus heureux de me voir revenir vers eux plutôt que de m'observer de je ne sais, à craindre encore et toujours que je ne crève. Je soupire. Je sais bien que je ne le ferai pas. Je dois me mettre en route avant qu'ils ne me retrouvent. Ils ne doivent pas être loin.

Ils sont peut-être imbéciles, mais ils savent traquer. Je prends mon sac à dos, m'assure que mes lacets vont tenir la route à défaut des pieds qu'il y a dedans. Je glisse mon pistolet à ma ceinture, presque au même niveau qu'un couteau de cuisine assez robuste. J'attrape finalement mon fusil et m'apprête à quitter la pièce, déjà sur mes gardes quand je vois la douche trônant dans un coin. Je soupire. Ce que je donnerais pour une simple douche chaude. Malheureusement, les vieilles maisons abandonnées n'en offrent plus depuis longtemps. Je sors de ce qui était autrefois la salle d'eau et traverse la maison.

Deux yeux pour 360º, c'est vachement pas assez. Ouvrant la porte d'entrée, je regarde les environs avant de m'avancer à l'extérieur. Le jour ne s'est pas encore levé. Je sais qu'ils dorment la nuit, ça me permet de me reposer quelques heures. Le problème, c'est qu'ils ne se réveillent jamais au même moment. Je suis donc condamné à reprendre la route avant même que le soleil ne montre son nez.

Une fois dans la rue, je fais halte. Portant deux doigts à ma bouche, je lance un sifflement dans le silence qui m'entoure. Je reprends ma marche, doucement. Je ne dois pas m'arrêter. Si je le fais, je n'y survivrai probablement pas. Et au diable les promesses. Bientôt, un mouvement à ma droite attire mon attention. Ce sont deux grands chiens aux muscles bien précis ainsi qu'au pelage crasseux. Avant, on les aurait identifiés comme étant respectivement un doberman et un berger allemand. Aujourd'hui, ils ne sont que des chiens. À la différence de plusieurs de leurs confrères, cependant, ils ne sont pas sauvages. Ce sont les miens. Ils ralentissent près de moi et je leur accorde un peu de l'attention qu'ils réclament avant de les voir papillonner tout autour à la recherche de quelque chose d'intéressant.

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