Chapitre 26 : Demain, dès l'aube...

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Derrière, au loin, baigné dans la foule, Newt détaillait le dos carré et musclé de Thomas. C'était un coup du destin, si on peut dire qu'il y a un destin, une épreuve de plus, une peine à ressentir encore. Le vent venait ébouriffer les cheveux blonds de Newt. Il ne quittait pas des yeux le brun, devant, au bord de la fosse, creusée en ce début décembre dans la terre dure et stérile de l'hiver. 
Cale Rosenwood avait rendu son dernier souffle quelques jours plus tôt. Derrière lui, il laissait un fils orphelin, Thomas. Mort subitement, d'un arrêt cardiaque dans sa cuisine, un soir en rentrant du boulot. Schéma classique d'une vie qui part dans un instant anodin, suspendant les souffles, arrêtant les cœurs.
Thomas regardait le cercueil de son père descendre rejoindre celui de sa mère. Il songea un instant qu'ils étaient enfin réussi, que c'était peut-être le chagrin qui avait emporté son père. Cale était un bon vivant,  un homme franc, généreux et impétueux. Et aujourd'hui, il laissait son fils dans un monde injuste, seul et loin. La figure de proue de la vie de Thomas venait de disparaître dans les entrailles de la terre. 

" Adieu papa." Furent les seuls mots que prononça Thomas ce jour-là, comme s'il était trop atteint pour parler. Thomas ferma les yeux alors que la première rose atterrissait sur le cercueil de bois de son père, suivi par d'autres, des gens qu'il ne connaissait pas, lui présentaient tour à tour leurs condoléances, Thomas se contentait de leur sourire tristement. Sa main dans celle d'Emily qui perdait son père, elle aussi. La jeune blonde était effondrée. Il n'y avait pas eu de discours hypocrites, ni d'éloge, juste quelques mots prononcés par des amis, son frère ou des connaissances, des mots vrais, des mots qui décrivaient cet homme taillé dans le roc, que la vie avait beaucoup heurté. Thomas inspirait alors que les gens quittaient peu à peu le cimetière. Il se retourna pour contempler l'étendue de la place où reposaient les morts, alors qu'on replaçait la dalle de la tombe de ses parents et aperçut une tête blonde qui attendait, assis sur les marches, surplombant la deuxième partie du cimetière. 

Newt l'attendait, les autres étaient partis, il avait aperçu ses amis, comme Teresa et Minho mais aussi Liam dans les proches de Thomas, Charlie et Joe du garage étaient là aussi. Le blond savait que sa présence ne réparerait pas le vide qui s'était créé dans la poitrine de Thomas mais s'il pouvait étancher sa peine quelques instants, il avait juré d'être là. Thomas déposa les derniers bouquets de fleurs sur la tombe de ses parents et tourna les talons. Il était seul désormais, sans père pour l'aider, l'engueuler, l'aimer tout simplement. Car cet amour, l'amour que Cale portait à Thomas, c'était quelque chose d'éternel, d'infini, un amour inconditionnel. Jamais, Cale n'avait abandonné son gamin, dans toutes ses conneries, dans toutes ses épreuves, dans tous ses moments de doute, il était resté là, droit et fort comme un phare. 

Thomas se laissa tomber à côté de Newt et posa sa tête sur l'épaule du blond. Newt le regardait sans rien dire, les yeux clos de Thomas l'inquiétaient. Il ne l'avait pas vu pleurer depuis la mort de son père. Il l'avait vu s'énerver, casser un milliard de choses dans sa maison avant de s'endormir dans les chemises à carreaux de Cale, cherchant son parfum comme ancre à sa vie. Il l'avait entendu hurler, insulter le monde entier de cette injustice mais jamais une larme n'avait dévalé sa joue. Peut-être était-il encore sous le choc. Mais Thomas n'était qu'érosion, érodé par la vie comme la mer le fait sur le bord des falaises, enlevant particule par particule pour n'en faire que sable et poussière. Thomas était friable, chaque coup dur l'anéantissait un peu plus. Les doigts de Newt se glissaient entre ceux de Thomas et les serraient fort. 

Ils sont restés plusieurs heures en silence dans le cimetière, assez pour l'air se refroidisse et que la nuit commence à tomber. 

***

Thomas ferma la porte d'entrée de sa maison, déposant sa valise à ses pieds, son chien assis, l'attendait. Il tourna la clé dans la serrure et la remit à la petite dame en tailleur, cheveux bouclés et poitrine proéminente qui se tenait là. Il soupire, las, et empoigna sa valise, son chien noir sur ses talons, levant une petite main à l'adresse de la dame de l'agence. Devant, accrochée à la boite aux lettres, une pancarte "A Vendre". Il montait dans sa voiture et démarra, voyant que son chien s'était installé sur la page arrière, il soupira. Il prit la route du garage. 

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