Chapitre 11-

3K 288 93
                                    

Autour, il n'y avait que le bordel, inconstant et chaotique. Son souffle s'arrêtait sur cette scène désastreuse. Ses meubles étaient sans dessus-dessous, des feuilles de papier recouvraient le sol avec insolence, ses piles de vêtements jadis bien pliées étaient en vrac sur le plancher. Qu'est- ce qu'il s'était passé ? Emily ne savait pas. Elle rentrait chez elle, un soir comme les autres, les jambes lourdes d'avoir trop marché, le cœur en miettes depuis des années, les yeux cernés par son manque de sommeil. Elle ne cherchait plus de solution à sa douleur, de baume à mettre sur son cœur. Son garçon de quatre ans accroché à sa hanche. Elle vivait sans vraiment voir le jour, perdue depuis des années dans des souterrains trop sombres. Elle travaillait trop, élevait son fils seule. Pourtant, elle ne rêvait pas de ça, depuis l'enfance, elle avait vu son avenir différemment, mais aujourd'hui, tout était gris. 
Pourtant, elle ne voulait que le silence. Il était parti et n'avait laissé que sa voix, enregistrée sur le répondeur, sa voix rauque, presque caverneuse, comme s'il ne parlait jamais, comme la voix que l'on a au réveil. Emily savait qu'il ne reviendrait pas, qu'il s'était éteint en même temps que son souffle, que plus rien ne le ramènerait à elle et pourtant, pourtant, elle ne cessait d'espérer...
Elle posa son fils dans la cuisine et retourna dans sa chambre saccagée, comme s'il n'en avait pas déjà assez fait. Il l'avait mise enceinte, l'avait abandonnée et depuis quelques mois, il errait comme un fantôme, lui faisant regretter encore plus de l'avoir un jour, aimer.
Emily passa un main distraite sur son visage fatiguée. elle savait que c'était son oeuvre, elle avait dû oublier de fermer la fenêtre. Elle était trop distraite, trop étourdie et il en jouait, il en jouait depuis qu'il savait qu'il avait une attraction sur elle, que par amour, elle pouvait tout accepter de lui.
Même d'être un connard de la pire espèce.

Thomas sortit de la voiture de Liam, la tête encore salement amochée, il avait l'impression de vivre à deux à l'heure, lui qui était si vif, si combatif. il décidait d'aller voir le médecin que demain. Il salua son ami aux cheveux bouclés d'un signe de main et rentra à l'intérieur de la maison. La porte était ouverte, Cale devait être là. Thomas s'attendait à ce que son père l'engueule pour sa journée d'absence au boulot, de l'avoir laisser sans nouvelle mais Cale ne fit rien de tout ça. Il était assis à la table de la cuisine, un paquet de feuilles, sans doute des papiers bancaires ou des devis pour le garage. Thomas enleva ses baskets et détailla la blonde, le visage caché dans ses bras contre la table. Il l'entendait pleurer. 

Emily. 

Il savait qu'elle ne l'appréciait pas. Qui l'appréciait lui de toute façon ? Ce mec sans savoir-vivre, incapable de sourire sans hypocrisie, détestable et détesté, humainement imbuvable. Sa jeune voisine ne l'aimait pas, il était insignifiant et violent, le genre à taper. Pourtant Thomas ne l'avait jamais regardé avec méchanceté, il savait ce qu'elle pensait de lui, qu'il n'était pas le genre à se poser avec quelqu'un. Pourtant, elle, il ne l'avait jamais regardé méchamment, elle lui faisait pitié, une gamine déjà mère, bien trop jeune pour assumer la vie. Marius était assis sur la troisième chaise, le regard tourné vers l'extérieur, ses jambes se balançaient dans le vide. Tom s'approcha, entra dans la cuisine et s'assit sur la dernière chaise. Son père le regarda surpris avant que son expression ne se fige en voyant la pâleur de son fils. Tom lui intima de se taire, que ce n'était rien, qu'il lui expliquerait. Il se servit un verre d'eau et le vida d'une traite. 

Marius le détaillait, alors que Thomas le portait pour qu'il joue avec lui dans sa chambre, laissant sa maman vider son sac avec son père. Cale n'était pourtant pas le meilleur psychologue du comté mais il faut dire qu'il était patient avec la jeune femme, il veillait sur elle depuis quelques années déjà. Marius s'assit en tailleur sur le lit défait de Thomas, regardant celui qu'il appelait Omas avec interrogation. Il avait vu qu'il était fatigué, qu'il était comme vanné. Ce garçon avait grandi trop vite, il comprenait trop rapidement pour son âge. Il n'avait que trois ans et semblait ne plus s'étonner de rien. Thomas se laissa tomber sur son lit, sur le ventre et Marius se mit à lui pincer le nez. Le gamin rigolait, Thomas aussi. C'était leur habitude. Lorsqu'Emily venait là pour vider son sac, pour pleurer ou pour essayer de s'y retrouver avec sa vie, dans ses emmerdes ou qu'elle avait besoin de soutien, Tom emmenait Marius pour jouer avec lui. Dans le fond, ce petit garçon était un peu le seul espoir pour Thomas d'avoir confiance en l'humanité. Même s'il savait qu'en grandissant, il changerait d'état d'esprit, qu'il le détestera lui aussi, comme les autres. Il se mit à chatouiller le gamin qui gigotait comme un asticot sur sa couette. 

SAVAGESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant