Chapitre 1

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Depuis le départ à la retraite de mon chauffeur de car scolaire, je suis contrainte à marcher de chez moi à l'arrêt de bus de la ligne normale. Je n'aime pas marcher, je ne me sens pas en sécurité lorsque je sors seule, surtout que j'ai remarqué cet homme sur le banc du coin de ma rue. Il n'est pas vieux, il doit avoir trente ans tout au plus, mais il est ridé, des lignes très marquées se forment dans le coin de ses yeux. Il me regarde toujours marcher, il me met mal à l'aise, son regard est persistant, il m'examine dans les moindres détails. Quand je le vois de loin, il semble distrait, il regarde sans voir et s'affale sur le petit banc. Mais dès qu'il me voit, il se redresse, se penche légèrement en avant, les coudes sur ses cuisses et ses yeux me fixent intensément.
Je rentres chez moi et j'explique tout à mère, je veux qu'elle m'emmène au lycée en voiture.
"-Maman, je t'en supplie, il me fait peur !"
"-Tu m'embêtes toi ! J'ai pas l'temps pour ça, grandis un peu."
Elle ne m'écoute jamais, j'en ai marre. Je suis parti en furie pour m'enfermer dans ma chambre. Elle ne veut jamais me prendre au sérieux, je sais qu'il me veut quelque chose, il est louche.

Le lendemain matin je me préparais pour aller en cours. Je m'habille dès à présent de manière à cacher mon corps le plus possible de ce malade mental. J'ai pris soin de placer un petit spray au poivre dans une des poches avants de mon jogging. Je suis armée et mal habillée, il ne peut rien m'arriver. Je passe devant le petit arbre qui sert de parasol à ce fou avant de me rendre compte qu'il ne s'y trouvait pas. Je fus bien soulagée. Alors que j'étais à deux pas de l'arrêt de bus, j'aperçu ma meilleure amie, Tasha. Elle me fis un signe de la main l'air paniqué, j'ai couru vers elle sans me retourner, je fouillais mes petites poches à la recherche de mon spray poivré mais en vain. Je sentis une main puissante sur mon avant bras tandis que Tasha appelait à l'aide. Tout d'un coup, j'ai ressenti une douleur forte au crâne et ma vision s'est mise à se brouiller, j'ai pu entendre le cri strident de mon amie avant de m'évanouir.
Quand j'ouvris les yeux, il faisait noir, j'entendais un parquet grincer tandis que des chaînes glissaient le long d'un mur. J'avais une ceinture d'acier à la taille qui affaiblissait ma respiration. L'oxygène parvenait à peine à irriguer mon cerveau. Ma tête tournait et alors que ma vue s'adaptait à l'obscurité de la pièce, une silhouette se dessinait devant moi.
"-Chuuuut....reste calme, reste calme, je suis Dylan, tu me reconnais ?"me susurra-t-il à l'oreille."Tu peux me dire ton nom à toi petite ?"
"-Qu'est-ce que vous me voulez ?"
"-Réponds moi ma petite",il s'approcha de moi et me caressa les cheveux délicatement en me regardant droit dans les yeux."Parles moi s'il te plaît."
"-Je m'appelle Sonia."
Il s'accroupit devant moi, le visage entre ses deux mains. Puis il écarta ses doigts pour pouvoir me voir. Son regard s'est éclairci, mais il commença à pleurer. Je le voyais se recroqueviller sur le sol, les larmes aux yeux. Il répétait toujours la même chose "Pardonne moi Maria je t'en supplie.", pendant plus de dix minutes je l'ai regarder s'effondrer à chaque seconde.
"-Qui est Maria ?"lançais-je.
"-Maria...", puis il s'emporta "Toi! Tu n'as pas besoins de savoir, tu ne sais rien! Tout est de ma faute... Non,non,non, mais qu'est-ce que j'ai fait merde !?"
Il se frappa la tête contre un mur, plusieurs fois, il saignait, le pauvre... Je me suis levée et j'ai couru vers lui. Et de mes bras, j'ai entouré sa taille, et ma tête se posa automatiquement sur son dos. Il s'arrêta.
"-Tu as faim ? J'ai des pâtes d'hier dans mon réfrigérateur."dit-il calmement.
Il n'a pas attendu ma réponse et s'est dirigé vers un escalier dans le coin de la salle. Les escaliers descendaient, je savais maintenant que je me trouvais dans une sorte de grenier. J'étais enchaînée à l'unique poteau au milieu de la pièce. La chaîne était assez longue pour que j'en fasse le tour. Il n'y avait pas de fenêtres, pas de portes, pas de meubles, juste un tas de petits coussins poussiéreux empilés dans un coin. Il y avait une ampoule accrochée au plafond, je tirai sur la ficelle et la pénombre fit place à la lumière.
Mon ravisseur revint avec un plateau repas, il y avait une pleine assiette de pâtes, quelques légumes, une bouteille d'eau et une petite fleur sur le côté.
"-Maria était végétarienne, alors je n'ai pas mis de viande."il me tendit le plateau sans me regarder. Il me prenait pour elle, ou peut-être voulait-il que je devienne comme elle. Combien de temps compte-t-il me garder captive ? Il n'y pas moyen que je m'échappe. La chaîne qui me retient est rattachée à une ceinture métallique entourée à ma taille. La ceinture ne peut pas s'ouvrir, sa boucle est recouverte de soudure. Je dois attendre les secours patiemment, si ma mère m'a entendu, elle saura exactement à quoi ressemble l'homme qui m'a enlevé. J'attendrais, je me ferais patiente, je ne tenterais rien contre lui, c'est la meilleure chose à faire. Je suis persuadée qu'il n'a pas l'intention de me tuer. J'ai toute ma stratégie en tête, je me libèrerais en temps et en heure, peu importe si je passe des semaines, des mois ou même des années.  Le plus important est que je m'en sorte saine et sauve.
"-Tu n'as pas faim ?"
"- Si si, je me demandais juste... Pourquoi me garder ici ? Pourquoi moi ?"
"- Tu ressembles à Maria."
"-Que me voulez vous ?"
"-Tutoies moi s'il te plaît."il leva sa tête, "Je ne sais pas, je t'ai vu, je voyais Maria, je voulais qu'elle soit près de moi, c'est tout. Je m'excuse de t'avoir frappé Sonia."
Il balaya de ses deux doigts les quelques mèches de cheveux qui tombaient sur mon visage.
"-Je ne sais pas quel âge tu as, et tu le sais sûrement mais, tu es si belle, tu égaleras et surpasseras sans doutes la beauté de ma chère et tendre."
"-J'ai dix-sept ans, j'en aurais dix-huit dans deux mois, le 23 décembre."
Un sourire en coin se traça sur son visage. Il échappa un petit rire en serrant mes petites menottes dans ses grandes mains. Cet homme est ravagé par son passé, il sent l'alcool à plein nez mais ne semble pas si bourré que ça. Malgré ses rides profondes, il était séduisant, sa carrure n'a pas vieillie, ses cheveux sont aussi noir que l'ébène, ses yeux sont aussi clairs que l'eau d'un petit ruisseau. Je le regardais avec insistance, il m'intriguait, il me fascinait d'une certaine manière.
"-Maria, c'était ma fiancée."commença-t-il. "Tu lui ressembles énormément, c'en est troublant."
Il continua son long monologue sans que je ne l'interrompe une seule fois. J'étais captivée. Il me racontait comment ils s'étaient rencontrés au lycée, qu'il était fou d'elle et qu'elle l'aimait de tout son cœur. Ils voulaient se marier après avoir une situation stable, économiquement parlant. Ils s'étaient fiancés après leurs études et ont acheté une maison. À l'enterrement de vie de jeune fille de Maria, le bruit courrait que Dylan la trompait avec une strip-teaseuse. Mais elle savait que tout était faux. Tous les deux se rendirent compte que seul leur amour comptait et que les autres ne feraient que troubler leur paradis. Alors Dylan a pris le volant et est allé chercher sa promise. Il avait bu quelques verres, mais elle n'avait rien remarqué. Et c'est dans la rue où il s'assoit chaque jour sur ce banc que l'accident se produisît. Un homme traversait la rue, alors Dylan qui n'eût pas le temps de freiner, fit un virage qui les envoya brutalement contre un poteau électrique. Étant déjà mal en point, le poteau s'écroula et embrocha le corps déjà inerte mais vivant de Maria. Elle mourut sur le coups et Dylan fut le spectateur de cette horrible scène. Il sait que tout est de sa faute et il s'en veut terriblement. Ce souvenir le hante depuis, boire, encore et encore l'aide à oublier.

StockholmWhere stories live. Discover now