Prologue - « Cupcake à la framboise »

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Il est de ces matins où l'on sait que l'on a rendez-vous avec le destin. C'est ce qu'Anna pense tout le long du trajet en tramway qu'elle fait pour aller au centre-ville. Il va se passer quelque chose, elle le sait. Alors que la majeure partie des personnes qui sont compressées à ses côtés dans le tramway reprend le travail ou l'école, Anna, elle, se rend comme si de rien n'était à la boutique où elle travaille maintenant depuis plusieurs mois.

Cette charmante boutique appelée Joe's Cupcake se situe dans le centre-ville, il faut passer l'immense fontaine de la place Grenette, traverser la rue suivante et au bout de celle-ci, Anna est arrivée. Ce trajet, elle le connait par cœur, si bien qu'elle peut le faire les yeux fermés. Ses jambes la guident tandis qu'elle observe ce qu'il se passe autour d'elle. Quelques commerces ouvrent, des personnes pressées courent et d'autres prennent un café bien au chaud. Anna pousse la porte en verre de la boutique et est saisie par une douce odeur de caramel et de chocolat.

Joe's Cupcake a été ouverte par Joe lui-même, le patron d'Anna. C'est un américain, tombé amoureux d'une française et puis de la France. Depuis tout petit, il rêvait de faire quelque chose de grand et puis, en arrivant en France, il a trouvé son idée. Il a alors ouvert ce cupcake shop, tout d'abord dans le but de faire découvrir le cupcake aux français et puis, il a apprit à transformer ce joli gâteau, à lui donner un aspect différent et son but est désormais de faire du cupcake un atout de la pâtisserie française, il veut le franciser. Il veut que le cupcake devienne le « nouveau croissant », comme il le répète souvent.

- Je suis là !, s'exclame Anna en enlevant son manteau et l'accrochant à une patère

- Good morning, Anna !

Joe sort de la cuisine en souriant et Anna devine qu'il a encore créé un nouveau cupcake. Joe sourit tout le temps, il a un sourire spécial pour chaque évènement et ce grand sourire qui dévoile ses dents et qui fait aussi sourire ses yeux signifie qu'il est fier de lui, qu'il a abouti à quelque chose. Sans un mot, Anna le suit en cuisine et reste émerveillée devant le charmant cupcake violet en forme de figue qui s'offre à elle.

- Figue et foie gras. Je sais que les fêtes de fin d'année sont passées, mais pourquoi ne pas tenter ?

Anna lit dans le regard de Joe ce petit quelque chose qui lui demande d'être d'accord avec lui. Cela fait deux mois que Joe ne parvient pas à créer, à innover, tandis qu'Anna progresse en cuisine et atteint des sommets et crée de magnifiques gâteaux, mais ce n'est pas suffisant pour ramener de la clientèle, une clientèle qui commence d'ailleurs à manquer, lassée des cupcakes.

- Je pense qu'on peut tenter. Il n'y a pas de mois pour manger du foie gras, répond Anna en souriant légèrement

Joe est prêt à répliquer, mais le carillon accroché à la porte d'entrée tinte, indiquant qu'un nouveau client vient d'entrer. Anna sort de la cuisine en enfilant son tablier à l'effigie de la boutique et salue le client qui est penché sur l'étalage de cupcakes, protégés par une plaque de verre. Le client se redresse et Anna est saisie par la clarté de ses yeux. Il a des yeux bleus, de magnifiques yeux bleus qui s'accordent parfaitement avec ses cheveux bruns en bataille.

- Bonjour, dit le jeune homme avec un léger accent anglais

Anna secoue légèrement la tête avant de se ressaisir et adresse un sourire au jeune homme qui n'a pas l'air d'en faire cas. Il a une expression froide, presque dure collée sur le visage. Il semble en colère, mais ses yeux disent autre chose, ses yeux appellent à l'aide. Anna voudrait tout savoir de lui, lui demander de s'asseoir à une table et lui servir un café bien chaud, mais en entendant le carillon tinter une seconde fois, elle se décide à prendre sa commande.

- Alors, vous avez fait votre choix, monsieur ?

- Oui, je voudrais un cupcake classique avec un nappage à la framboise, répond le jeune homme toujours très froidement

- Très bien, sur place ou à emporter ?

- A emporter, et ce sera tout, merci.

Anna hoche la tête et quelques insultes lui traversent l'esprit. Quel malpoli c'est ! Il a beau être charmant, il n'est même pas capable de faire preuve d'un peu de sympathie. Ah ! Ces anglais, ils ont tous un balai dans le derrière ! La jeune femme fait glisser la vitre, enfile un gant en plastique, saisit le cupcake demandé, le met dans un carton prévu pour n'accueillir qu'un seul gâteau, le referme en faisant un petit nœud avec la ficelle, puis le tend à son acquéreur.

- Voilà, cela vous fera un euro cinquante, dit Anna en souriant

- Tenez, merci, au revoir.

Le jeune homme fait tomber quelques pièces dans la main d'Anna avant de partir rapidement, laissant la jeune femme agacée. Elle déteste que les clients n'aient pas le sourire. Elle déteste le lundi matin parce que personne n'a le sourire et ce qu'elle déteste par-dessus tout, c'est qu'elle n'a pas le droit de faire de remarques aux clients.



CharlieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant