Chapitre 15

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- Parle moi de toi, m'entendis-je dire brisant la tranquillité de la nuit pesante.

Je savais pertinemment qu'Ed se forgeait une carapace, de celles qui sont dures, insensibles et si lourdes qu'on ne la supportait plus. J'en étais persuadée car moi même je me subordonnais à en façonner une. Souvent, les aléas de la vie nous marquent et parfois certaines blessures ne cicatrisent jamais. Le seul moyen pour les oublier c'est d'abord de les affronter. J'avais ce besoin irrépressible de tourner les pages de son histoire et découvrir qui était réellement celui pour qui mon cœur battait affolement vite. Mais, pour se faire, il fallait commencer par le début, par une étape ultra-essentielle dans tous fondements d'une quelconque amitié : les présentations.

Il se tourna vers moi, une lueur inquisitrice dans la pupille.

- Que veux-tu savoir, mon ange ?

- Qui tu es vraiment ? Ce serait déjà un bon début.

- Ed Larkin, beau gosse séducteur, d'une intelligence supérieure à la normale et d'un charme inédit. Quoi d'autre ?

Il tourna son visage de mannequin dans ma direction et je me pinçais pour ne pas approuver, attitude qui me fit d'ailleurs rager. Il m'aurait dit de l'embrasser que je l'aurais fait, ce bien que ma raison s'exaspérait a me tenir hors du gouffre dans lequel il m'emportait.

- Imbécile ! Sifflai-je en le poussant. Ne te crois pas si attirant.

- Je ne le crois pas. Je le suis. C'est physiquement impossible pour moi d'être moche. Je ne sais pas pourquoi, je crois que ça relève du divin.

Quelle arrogance, je n'en revenais pas. Lui arrivait-il quelques fois d'être humble ? A bien y réfléchir ce mot ne devait pas exister dans son vocabulaire journalier.

- Tu prétends peut être que je n'ai aucun effet sur toi ? Dit-il en tournant mon visage vers le sien, me forçant à le regarder.

Grossière erreur. J'avais pris connaissance depuis quelques semaines que Kayla Green possédait des personnalités multiples. Dans le jargon médicale, on appelle ça "trouble dissociatif de l'identité". Je n'avais jusqu'à présent pas pris conscience de toutes celles qui croupissaient en moi sous une éternelle quiétude silencieuse, mais en me frottant aux barrières incassables d'Ed Larkin, je me rendis compte à quel point j'avais changé. Et j'aimais ça. Alors, dans notre échange visuel plus qu'intense, je tentais de déceler la faille qui me confirmerait que dans cette histoire je n'étais pas la seule à me teindre en rouge pivoine. Ce n'était pas chose vaine. Je vais mourir vieille fille, si ça continue comme ça.

- Je ne prétends pas. Tu n'en as aucun, l'imitai-je, mi-boudeuse mi-sournoise.

C'était sûrement le mensonge le plus éhonté jamais prononcé en dix-neuf ans de vie dans le corps de Kayla Green et j'avais la forte intuition que je n'étais pas la seule à le savoir. Le fait qu'il soutenait encore mon regard et mon menton me fit perdre pied. Je sus qu'il l'avait vu lui aussi. Il avait vu cette étincelle furtive traversé mes yeux, signe que j'étais déjà perdue. L'évidence s'imposa alors dans toute sa splendeur, Ed avait fait naître en moi tous les symptômes de désir que j'avais tant redouté : la tachycardie, les palpitations oppressantes et surtout l'incapacité à connecter mes neurones.

- C'est la deuxième fois que tu me mens, mon ange. Arrête de te voiler la face, tu flanches, sursurra t-il tout bas, d'un ton diaboliquement séducteur.

Ces trois mots me firent l'effet d'une bombe atomique. Des milliards de particules semblaient me séparer de ces douces lèvres pulpeuses et je voulais m'en rapprocher jusqu'à mettre un terme définitif à cet affrontement torride. Mais, il ne le fallait pas. Soit, il avait compris que je n'étais que guimauve à ses côtés mais il comprendra également combien ma fierté comptait davantage que son attraction magnétique.

HEAVEN [en pause]Where stories live. Discover now