Chapitre 13

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Je me pétrifiai sur place.

Pas étonnant que mon père appréciait autant Emma : elle lui était de toute évidence très utile. A dire vrai, ma famille avait toujours idolâtrée son caractère farfelu et pétillant. En leur présence elle jouait de ses atouts en exagérant juste ce qu'il fallait afin de ne pas être diagnostiquée comme étant une désaxée. Évidemment, s'ils connaissaient comme moi l'énergumène qu'elle était, ils m'auraient sûrement incitée à ne pas poursuivre cette amitié. Et, cette amitié se révélait en l'occurrence de taille. En outre, elle avait connue beaucoup de virgules mais on s'était promises à ce qu'elle ne rencontre jamais de points. Au delà de son caractère explosif, Emma Clouds était un petit bout de femme aimante et acharnée qui savait me réconforter, m'écouter et dans certains moments -comme celui-ci- me remonter sans vigueur les bretelles.

La dernière fois qu'elle m'avait regardée ainsi, pas plus âgée de neuf ans, j'avais par jalousie emprunter une de ses poupées. Pendant un semaine, elle l'avait pleurée à chaudes larmes comme s'il s'agissait d'une personne décédée pour qui elle avait une très grande affection. Raison pour laquelle, quand elle a vu sa jolie petite Barbie, aux cheveux roses, aux pieds de mon lit, elle a mis les mains sur ses hanches, a relevé hautainement son menton puis l'air grave a déclaré "Kayla, tu es une voleuse !". Ce qui, en fin de compte, était faux parce que je n'avais pas commis ce vol. Mais, elle n'avait jamais acceptée reconnaître la nuance flagrante entre emprunter et voler.

Quoi qu'il en était, l'attitude immature de mon père m'exaspérait. Comment pouvait-il se permettre d'utiliser mon amie pour espérer apaiser la situation ? Je ne l'en croyais pas capable et pendant une seconde je me demandai si sa nouvelle compagne ne l'y avait pas poussé. Peut-être espérait-elle recevoir mes faveurs ? Cette seule idée me hérissait.

- Je ne comprends pas. Pourquoi tu ne m'as rien dit ? M'apostropha Emma en me tirant subitement de mes pensées.

Autant en finir tout de suite. Sur la défensive, je refusai de me laisser sermonner.

- Dire quoi ? Que mon père nous abandonne ? Excuse moi mais je ne veux pas de ta pitié !

- Tu sais très bien que c'est faux. Je croyais qu'on se disait tout, persista t-elle.

- J'avais besoin de temps, O.K ? Est-ce que tu peux comprendre ça ?

- Bien sûr mais...

- Non, Emma, écoute moi, la coupai-je durement. Je ne veux pas savoir ce que tu penses ni même ce que mon père pense. J'en ai marre de toujours devoir vous écouter déblatérer sur ma vie merdique. Pour une fois, fichez moi la paix !

- Kayla ! Mais qu'est ce qui te prends ?

-J'en peux plus ! Je croyais qu'on était d'accord sur un point. Maman est irremplaçable ! Je l'interdis de tourner la page si facilement. Il n'a pas le droit de nous faire ça.

J'avais prononcé ces derniers mots en un murmure plaintif. Ma voix déraillait, ma gorge se serrait et les larmes menaçaient de dévaler la pente rugueuse de mes joues. Je crispai mes lèvres, me forçant à me contenir.

- Il a le droit d'être heureux, Kay... Et toi aussi.

Celui qui parvenait à faire taire Emma méritait d'être connu ! Cette fille avait réponse à tout. Ça en était presque exaspérant. Rectification, ça l'était.

- Laisse tomber. Je vois très bien ce que tu essayes de faire et je t'arrête tout de suite, déclarai-je d'un ton que j'espérais autoritaire.

- Je ne te reconnais pas. Tout le monde a le droit d'aller de l'avant.

HEAVEN [en pause]Where stories live. Discover now