Chapitre 4

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Il me fallut un moment pour me rappeler les évènements de la veille. Le souvenir de la partie de billard et du corps d'Ed se moulant au mien me revinrent à l'esprit. Je soupirai, exaspérée et consciente que dès le début de la soirée Ed avait contrôlé la situation à sa guise. Je n'avais rien fait pour l'arrêter, croyant bêtement que j'aurais pu le battre dans un environnement dans lequel il évoluait aisément. Emma ne s'était pas privée pour me le confirmer, sous-estimant mes prédispositions au billard. Je ne lui en tenais pas rigueur face à ma défaite évidente.

Je me préparai rapidement et sortit de la chambre un brin en retard, y laissant Emma dans un stade comateux que constituaient la fatigue et la gueule de bois. La résidence universitaire et l'établissement étaient, à mon plus grand désarroi, séparés l'un de l'autre par une pelouse pour le moins immense. C'étaient des anciennes bâtisses datant du XIXe siècle qui ressemblaient à bien d'autres : anciennes, ternes et traditionnelles. L'intérieur semblait avoir été fraîchement repeint tandis que l'extérieur gardait ses allures antiques.

Je rejoignis d'un pas précipité mon cours de grec ancien -une option supplémentaire que mon amie n'avait pas jugé utile d'ajouter à son cursus- et m'assis sur une des tables encore inocuppées. A mon arrivée à la FIU, le flot d'étudiants était ingérable. Je ne cessais de me perdre avec ou sans Emma comprise. Notre sens de l'orientation s'était révélé dérisoire voire inexistant. Les cours qui s'enchaînaient rapidement étaient pour la plupart durs et les profs étaient peu précautionneux quant à leurs élèves. D'ailleurs, nous nous sentions soulagés quand la dernière heure de la journée nous délivrait. Les premières semaines avaient été désastreuses. A cela s'ajoutait le décès de ma mère qui me hantait. Il m'était arrivé un nombre incalculable de fois de refuser d'aller en cours, passant la journée dans mon petit lit à pleurer tant et si bien qu'à la fin de celle-ci j'avais épuisé toutes les larmes dont je disposais. Le soir, Emma se couchait à mes côtés, me caressait tendrement les cheveux et me racontait les potins, essayant vainement de me distraire.

Ma mère était morte trois semaines avant le début de l'année scolaire, mais la douleur de sa perte était omniprésente. On dit souvent que le temps guéri les blessures. Je n'étais pas d'accord. Avec le temps, les miennes étaient toujours indemnes, se recouvrant peu à peu d'une carapace. Elles ne disparaissaient pas pour autant. Parfois même, dans des instants trop sombres, elles se réanimaient.

- N'hésitez surtout pas à relire quelques fois vos notes, si vous en possédez. Les partiels de cette fin de semestre arrivent à grandes enjambées, nous confia le prof, me ramenant soudainement à la réalité.

Il exhalait de son annonce, affichant un rictus satisfait tandis que nous soupirions tous en choeur. Voici un aspect de l'université que je me serais bien gardée de côtoyer : les partiels. C'était à ces moments que j'enviais Emma qui avait choisi un cursus allégé de quoi travailler que très peu c'est-à-dire deux fois moins que moi. Ma nature profonde m'a sans aucun doute trahie, me poussant à choisir des matières sur lesquels je serais indéniablement examinée. A chaque fin de semestre, nous devions nous y confrontés. Autrement dit,une pression me subjuguait tant et si bien que je redoublais d'efforts à mes heures perdues pour m'assurer la réussite.

Alors que je m'apprêtais à me diriger vers mon prochain cours, John me rejoignit. C'était un bavard, de ceux qui font à la fois les questions et les réponses, alimentant l'essentiel de la conversation.

- Alors, tu as fait connaissance avec le nouveau ? S'enquit-il.

- Tu veux dire Ed Larkin ?

- Oui.

- Connaissance est un bien grand mot.

- Oh ! Le courant ne passe pas à ce que je vois, devina John surpris de ma froideur à l'égard de mon binôme.

HEAVEN [en pause]Where stories live. Discover now