Chapitre 14

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En revenant chez lui, Sebastian se débarrassa de son jogging gris et se regarda longuement dans le miroir de la salle de bains.

Il avait un respectable mètre 85, une peau hâlée, le torse et les bras musclés, les cheveux blonds. Son visage était, selon lui, sans charme particulier : une mâchoire droite et carrée, des pommettes légèrement saillantes qui durcissaient encore la forme de son visage, des yeux verts qui donnaient l'impression d'être perçants à cause des épais sourcils qui les amplifiaient encore davantage, un nez droit, des lèvres fines. Tout sur son visage lui donnait un air dur. Il songea qu'il n'était peut-être pas désagréable à regarder (son expérience avec les femmes le confortaient dans cette idée), mais il ne faisait sûrement pas non plus partie des gens qui vous hypnotisent dès la première seconde où vous apercevez leur visage.

Deux grands yeux charbons lui vinrent en tête. Bon sang, était-il incapable de vivre sa vie plus de dix minutes sans penser à lui ?!

Il poussa un grognement et décida que ce soir-là, il devait se changer les idées. Complètement.

Une femme ? Mauvaise idée, le Big Boss le saurait tout de suite et il en entendrait parler pendant des siècles...

Un ciné ? Même problème, et puis ça le faisait déprimer d'aller au cinéma tout seul.

Une simple balade ? Non. Il avait assez vu la nature comme ça ce matin.

Un bar ? C'était déjà mieux comme idée. Il irait dans le bar qu'il avait fréquenté pendant deux ans, ces fameux deux ans de flottement entre l'armée et Jim. Il jouerait aux fléchettes et paierait ses verres avec ses paris, comme il l'avait fait avant la rencontre.

Le soir venu, il enfila son manteau de cuir brun (le même que celui qu'il portait quand il avait rencontré Jim, songea-t-il) et sortit, GSM, clés et portefeuille au fond de la poche.

Aussitôt la porte de son appartement ouverte, l'air glacé lui mordit la joue. Il serra les dents et verrouilla la porte derrière lui. Les mains meurtries dans les poches de sa veste, il s'aventura dans les rues londoniennes.

Le bar n'était pas très loin de chez lui, c'était d'ailleurs la principale raison qui l'avait poussé à le fréquenter. Et puis, il y avait là-bas une ambiance spéciale. Une ambiance qu'on ne voit plus dans les nouveaux bars ou cafés, quelque chose qui n'existe plus. Une mentalité, un mode de vie.

Oh, rien d'extraordinaire non plus, mais assez pour bien lui plaire.

« The Dotard ». Un nom qui donne envie, n'est-ce pas ? Il n'y avait pas beaucoup de gens qui comprenaient véritablement le sens de ce nom. Pour lui, c'était l'endroit qui ne vieillissait pas. L'endroit où le vieillard du village allait boire son café avec son journal, où les ouvriers de l'usine allaient terminer leur dure journée avec un verre et pourquoi pas une femme, où tout le monde joue aux cartes, aux dés et aux fléchettes,... L'endroit où le temps s'arrête, parce qu'encore aujourd'hui c'est cette mentalité qui est restée.

C'est en poussant la lourde porte de bois au hublot de verre sale qu'il fut enveloppé d'une douce chaleur réconfortante. Il la referma derrière lui puis s'avança vers le comptoir. Le barman essuyait un verre. Il essuyait toujours un verre, rendant hommage au cliché. À croire que les barmen n'avaient vraiment que ça comme occupation, dans les films comme dans la vraie vie.

Il n'avait jamais vraiment sympathisé avec cet homme, mais ils se situaient tous les deux très bien. Après tout, il était un client régulier depuis deux ans, un habitué.

- Bonsoir.

- Bonsoir. Une bière s'il vous plaît.

Le barman acquiesça d'un signe de tête et se retourna chercher une bouteille fraîche. De son côté, Sebastian s'accouda au bar et jeta un coup d'œil autour de lui. Aucun des visages présents ne lui était familier.

La RencontreWhere stories live. Discover now