~ TWENTY-EIGHT ~

Depuis le début
                                        

Je coupe l'eau avant de replacer le pommeau sur son support, puis j'appuie mon front contre le sien en fermant mes paupières. Ses cheveux humides me collent à la peau et son haleine me fait plisser le nez, mais je ne recule pas. Je continue mon monologue dans un murmure :

— T'es tout ce qu'il me reste, Noah... Alors pourquoi ne peux-tu pas simplement m'aimer comme je t'aime ? Je ne te demande pas de t'occuper de moi, juste... de me voir, de me considérer telle que je suis. Je suis ta petite sœur, et je n'ai jamais demandé à ce que tu me détestes, alors pourquoi ? Pourquoi Hope semble avoir de l'intérêt à tes yeux, là où je n'ai suscité que de la haine ? Pourquoi tu sembles l'aimer elle, alors qu'elle ne partage pas ton sang ?

Il me répond par un râle qui me force à reculer pour attraper sa brosse à dents. Je lui nettoie la bouche avec soin, avant de l'habiller d'un caleçon et de le guider jusqu'à sa chambre. Je prends le temps de le remettre sur le côté – on ne sait jamais, des fois que son estomac soit enclin à se vider une deuxième fois –, puis je retourne dans le salon, où règnent une odeur nauséabonde et un carnage visuel. Je grimace devant la bonne demi-heure de ménage qui m'attend, sans compter les liquides poisseux et répugnants que je vais devoir laver.

— Trop bien, vraiment...

Pendant que je m'affaire à nettoyer le désordre laissé par les excès de Noah, mes pensées vagabondent vers Chase, qui m'a dit devoir retrouver sa sœur. Son expression était neutre, pourtant l'étincelle qui dansait au fond de ses pupilles n'avait rien de rassurant. Et l'espace d'un instant, un poids glisse dans mon estomac, tandis que j'imagine le pire.

J'espère que tout va bien.

***

Chase


Une convocation. J'ai reçu une convocation, à vingt heures. J'ai à peine tiqué en apercevant le mail sur mon portable, pourtant quelque chose en moi s'est effrité. Je n'aime pas recevoir des mails de l'hôpital, encore moins à des heures aussi tardives.

Si c'était grave, ils t'auraient appelé.

Ou pas. Ils ont tout ce qu'il faut pour gérer le moindre problème, et m'avoir dans les pattes ne les aiderait pas.

Ils sont obligés.

Pas si ce n'est pas un cas d'urgence. Or, tout ce qui concerne Hope s'apparente à une urgence, à mes yeux.

Quand j'entre dans le bureau du médecin, mon cœur est à ça de s'échapper de ma cage thoracique pour aller étrangler le personnel du corps médical. Pourtant, je sais que ce n'est pas de leur faute, qu'ils font de leur mieux.

— Monsieur Quinn, me salue-t-il en me proposant un siège.

— Non, merci, refusé-je en secouant la tête. Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce qu'elle a ?

L'homme pince les lèvres en enfonçant ses mains dans les poches de sa blouse blanche, le regard fuyant. Il semble chercher les bons mots, sauf que ce n'est pas ce que je veux. Je ne veux pas de la douceur mensongère, je veux la vérité brute, quitte à ce qu'elle me fasse mal.

— Ne tournez pas autour du pot, ça fait trois ans que nous nous connaissons. Qu'est-ce. Qu'elle. A ? insisté-je en plantant mes ongles dans mes paumes, le sang battant mes tempes.

— Il se trouve que Hope...

Il fait une pause d'une seconde. Une seconde terriblement longue, qui s'apparente à une heure interminable. Je me racle la gorge pour le presser de continuer sans détour. Mon coeur n'a pas le temps pour ces conneries.

Broken RulesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant