Broken Rules

~ TWELVE ~

Chase

C'est la deuxième fois que je prononce ces mêmes mots.

« C'est quoi, ça ? »

Cette impression de déjà-vu n'a absolument rien pour me plaire, d'autant que les circonstances sont les mêmes : cette fois encore, mon petit renard arbore des traces qu'aucune peau ne devrait porter, encore moins la sienne.

La pluie s'abat sur nos têtes, le son de l'orage qui s'approche de nous couvrirait presque toutes les insultes qui volent à toute allure dans mon crâne. Presque. Or, rien ne pourra atténuer la rage qui me broie les entrailles à la vue de l'hématome qui noircit le nez de Vix.

— C'est encore Noah ?

— Je suis juste tombée, grogne-t-elle en se hissant sur la pointe des pieds pour rabattre la capuche de mon sweat sur mes cheveux. Tu vas attraper froid aussi, rentre chez toi.

Mes sourcils sont si froncés que c'est à peine si je distingue la façon dont ses magnifiques prunelles fuient les miennes. Quand elle s'écarte, j'agrippe les bords de sa capuche pour la ramener contre moi. Cette fois, ses pupilles s'arriment aux miennes, comme des naufragées à leurs bouées. Ses narines se dilatent, ses yeux me défient, mais jamais sa bouche ne s'ouvre. Pour mon plus grand malheur.

— C'est une sale habitude que t'as, Vix.

— Quoi donc ?

— Tu passes ton temps à me mentir, à protéger Noah. Pourquoi ?

Les gouttes d'eau glissent sur ses cils, comme la rosée sur les pétales d'une fleur à l'aube. Pourtant, elle ne cligne pas des paupières pour les chasser. Elle les laisse alourdir sa vue, comme si ça pouvait camoufler ce qui s'agite au fond de son âme.

— Je te dis que je suis tombée, insiste-t-elle en se renfrognant.

— Putain, arrête de me prendre pour un con, grondé-je. C'est le sol qui t'a fait ces marques aux poignets, aussi ?

Elle tire sur ses manches, mais c'est trop tard. J'ai eu tout le loisir de voir les traces qui encerclent ses poignets, quand elle a levé les bras pour mettre ma capuche. Dans un geste doux, je glisse mes mains à l'intérieur de la sienne, pour prendre son visage en coupe. Je plonge dans cet océan de tourment, dont les vagues s'écrasent contre ses iris, tout en caressant ses pommettes de bout des pouces.

— Je ne peux pas t'aider si tu ne m'en donnes pas la possibilité, Vix...

— Je ne veux pas que tu m'aides.

— Mais quelle jolie menteuse tu fais... ricané-je. J'en viendrais presque à te croire.

Le goût amer de ses mensonges se répand sur ma langue, s'enroule autour de ma gorge, et je me surprends à baisser le regard pour examiner son cou. Ma mâchoire se crispe lorsque je constate la présence de marques similaires à celles qu'elle avait lors de cette soirée où je l'ai sauvée d'un viol plus que certain.

— Et ça ? C'est aussi en tombant que tu te l'es fait ?

Mes doigts effleurent sa jugulaire, comme une caresse destinée à soulager sa douleur. Pourtant je sais que rien n'arrivera à bout de cette peine. Mon petit renard arbore des cicatrices encore fraîches, causées par une torture aussi psychologique que physique. Car derrière les coups se cachent sans doute des paroles bien plus violentes encore. Et chaque interaction avec son frère rouvre les blessures, les approfondit et les transforme en crevasses qui ne se refermeront jamais. Vix portera les stigmates de sa relation avec Noah toute sa vie.