~ THREE ~

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Chase


— Tu reviens quand ?

J'offre un léger sourire à ma sœur, le cœur lourd. Je n'aime pas la voir dans cette chambre d'hôpital, avec cette foutue blouse couleur pistache.

— Bientôt, ma puce.

— Promis ? demande-t-elle en me tendant son auriculaire.

J'y crochète le mien en embrassant le haut de son crâne rasé.

— Je te le promets.

Quand je me redresse pour quitter la pièce, ses magnifiques yeux ambrés brillent d'une intensité qui n'était pas là à mon arrivée. C'est pour ça que je me lève tous les jours, pour ce petit espoir qui la garde encore en vie. Chaque fois que je lui rends visite, mon âme pleure de la voir dans cet état, d'entendre les moniteurs biper à un rythme régulier. Mais mes organes se réchauffent sitôt qu'elle m'offre ces sourires dont elle seule a le secret. Ceux qui propagent une chaleur indescriptible dans mes veines et font vibrer mon cœur de bonheur, à la simple idée de l'entendre respirer un jour de plus.

Ça fait trois ans qu'elle se bat contre sa maladie, qui la ronge un peu plus à mesure que le temps passe. Et pourtant, jamais elle ne s'est départie de cette lumière qui la caractérise tant. Contrairement à moi, elle n'a jamais baissé les bras, elle garde la tête droite malgré son corps qui faiblit à chaque seconde qui passe.

— Je t'aime, Chase.

— Je t'aime aussi, Hope.

« Hope » . Quelle cruelle ironie.

Je crois que j'en voudrai éternellement à l'Univers d'avoir fait de ce petit rayon de soleil une âme brisée, privée de sa vie d'enfant. Mais celui envers qui je nourris le plus de rancœur nous a abandonnés le jour où le diagnostic est tombé.

Merci papa. Grâce à toi, je sais qu'elle ne manque de rien.

C'est une maigre consolation, si on tient compte du fait que nous n'avons plus de parents. Maman est morte en mettant Hope au monde, à cause de la même maladie que celle qui ronge ma petite sœur aujourd'hui. Elle a été diagnostiquée en fin de grossesse, les médecins ont dû déclencher l'accouchement pour la mettre sous traitement en urgence. Mais elle n'a pas survécu. Le dernier souvenir que j'ai de maman est un sourire radieux, quand elle a tenu Hope contre son cœur pour la première et dernière fois.

Papa a toujours été un peu mauvais avec elle, sous prétexte qu'elle lui a « arraché sa femme » . Alors j'ai été son seul parent aimant, depuis qu'elle est née, il y a maintenant treize ans. Maman ne peut pas voir comme sa fille est belle, mais je suis persuadé qu'elle serait fière d'elle, de ce combat qu'elle mène au quotidien.

De mon côté, je sais qu'elle est toujours là, plus ou moins. Le jour où Hope est venue au monde, une autre âme s'en est allée. Mais c'est comme si ma petite sœur l'incarnait, de la plus belle des manières. Elle est son parfait sosie, de ses prunelles ambrées aux jolies fossettes qui creusent ses joues rondes. Elle avait les mêmes cheveux, aussi. Jusqu'à ce que cette foutue leucémie se déclare et qu'elle soit placée sous un traitement intensif.

Les griffes du chagrin s'enfoncent dans mon cœur au souvenir du teint doré qu'elle avait lorsqu'elle passait ses journées à jouer dans le jardin, sans se soucier de la vie et des problèmes qui la composent. Aujourd'hui, elle est d'une pâleur mortelle et elle n'a que trop conscience de combien la vie peut être cruelle. Malgré tout, elle reste optimiste et embrasse chaque bonne nouvelle comme si c'était la meilleure chose au monde.

Broken RulesWhere stories live. Discover now