— Oh, mais qui voilà ! Ça ne serait pas cette petite allumeuse de Davis ?

— Oh mais oui, renchérit Piper, tandis que Tess ricane à côté d'elle.

Je baisse la tête, bien décidée à ne pas leur accorder la moindre miette de mon attention, mais une main s'agrippe à mon bras pour me forcer à m'arrêter. Un frisson de dégoût me secoue quand je reconnais Jasper, qui me regarde d'un œil mauvais.

— Tu vas où, là ? crache-t-il sans desserrer sa prise.

— En cours, lâche-moi, réponds-je en tentant de me détacher de lui.

— Je ne crois pas, non. Tu m'as esquivé toute la semaine, tu t'attendais à quoi ? Faut qu'on parle.

Ses potes me dévisagent avec un rictus moqueur qui me fait sentir toute petite, insignifiante.

Naïve.

Dire que j'ai cru qu'ils pourraient être mes amis. Je leur ai adressé mes sourires, quand eux m'ont prise pour une petite chose minable.

— Je n'ai rien à te dire, sifflé-je en fronçant les sourcils.

Je serre les poings en tirant un peu plus fort sur mon bras, en vain.

— Ah mais je ne te demande pas de parler, Vix, rétorque Jasper d'un air sombre. C'est moi qui vais te parler, en fait. Tu te crois maligne, à m'allumer tous les jours, à me laisser t'embrasser pour ensuite me faire passer pour un violeur ?

Je déglutis, tandis qu'ils m'acculent contre un mur. J'ai l'impression que l'on referme des barreaux autour de moi, je n'ai plus aucune porte de sortie. Mes poumons décident de plier bagage au même moment et je me mets à haleter, à la recherche d'un peu d'air. Mais ils s'en foutent.

— Tu n'es qu'une petite salope, Vix.

Les mots de Jasper font écho à ceux que mon frère m'a déjà balancés à la figure. Ils tournent en boucle dans mon crâne, cruels, tranchants.

— En plus, elle se tape son prof d'histoire, non mais vous y croyez ? s'exclame Billy tandis que Tess glousse à ses côtés, accrochée à lui.

Oh non...

— Je ne me...

— Ouh, la vilaine menteuse, me coupe Piper. Alors pourquoi est-ce qu'il a réagi comme s'il était jaloux quand Jasper a essayé de te baiser, hein ?

Les images de ce fameux soir me heurtent de plein fouet et déroulent comme un film d'horreur sous mes paupières. Je sens à nouveau ses doigts contre ma peau, son souffle dans mon cou, et cette ignoble envie de vomir qui me retourne l'estomac.

— Je ne voulais pas que Jasper me touche comme ça... marmonné-je tant bien que mal entre deux inspirations douloureuses.

— Ah ouais ? Alors pourquoi tu m'as roulé une pelle comme une chaudasse en manque, hein ? réplique le concerné. Pourquoi tu m'as entraîné dehors, si ce n'était pas pour que je te saute ?

Pour la même raison que ce qui me fait mal au poumons maintenant.

J'avais besoin d'air, j'ai besoin d'air. Je suffoque, dans cette cellule formée par leurs corps trop près du mien.

— Elle préfère faire sa petite chienne en chaleur avec son prof chéri, pouffe Tess.

— T'imagines, si le dirlo savait que monsieur Quinn se tape l'une de ses élèves ? ajoute Kasey.

— Ooohhh, la bouleeette ! ricane Logan.

— Oh bah oui, Vix... Ce serait quand même dommage qu'il perde son travail, juste parce que tu ne sais pas garder ces jolies jambes fermées, murmure Jasper en me rapprochant un peu plus de lui.

Je siffle entre mes dents serrées quand il enfonce ses ongles dans mon bras pour me tirer contre son torse.

— C'est con, t'avais l'air d'être une chouette fille, à la base, se désole Piper.

— Qu'est-ce que vous voulez ? grincé-je entre mes molaires.

— Nous ? répond Billy. Rien, vois ça avec le concerné, petit renard.

Le goût de la bile tapisse ma langue et imprègne mon palais à l'entente de ce surnom qui est réservé à Chase. Puis une angoisse dévorante s'en prend à mon estomac quand une pensée traverse mon esprit.

Et s'ils savaient vraiment ? Et si Chase n'avait pas été assez attentif, ce fameux soir ? Après tout, Noah nous a bien vus...

Tous mes membres se mettent à trembler d'appréhension, tandis que des larmes d'effroi dégoulinent le long de mes joues.

— Oh, chérie... ronronne Jasper en léchant les gouttes salées sur mon épiderme. Ne te mets pas dans un état pareil, je te demande juste des excuses, à la hauteur de ta valeur...

Je réprime un haut-le-cœur à la sensation de sa langue contre ma peau, tandis qu'un hoquet se coince dans ma gorge.

— Qu'est-ce que tu veux...?

— Te voir à genoux, comme la bonne petite salope que tu es. Excuse-toi avec ta bouche, Vix... Si tu ne veux pas que ton cher professeur ne se fasse virer par ta faute.

— Allez, à genoux, la chaudasse ! renchérit Logan.

— Mais puisque je... je vous dis qu'il ne se passe rien avec... monsieur Quinn ! sangloté-je alors que la main de Jasper remonte sur mon épaule pour me forcer à m'agenouiller.

— Peu importe, je veux quand même que tu me suces. Tu me dois bien ça, non ?

Non.

Je ne dois rien à personne, encore moins pour avoir exprimé mon non-consentement. J'avais le droit de dire non, même si je l'avais embrassé avant. J'avais le droit de le repousser, même si je l'avais attiré à moi avant. J'avais le droit. On a toujours le droit, rien n'est gravé dans le marbre, rien ne nous force à faire une chose que l'on ne veut pas. Peu importent les circonstances, un « non » a autant de valeur que n'importe quel autre mot. Chaque syllabe a un poids, la voix nous a été donnée pour que l'on s'en serve, pas pour qu'on la taise.

Pourtant, je n'arrive pas à le dire, je n'arrive pas à écarter la main qui s'agrippe à mes cheveux pour pencher ma tête en arrière. Et tous ces visages, qui se tordent d'un rire malsain face à mon malheur... j'en ai la nausée.

Vomis sur sa queue, rentabilise ton repas, Vix.

Et le pire, dans tout ça ? C'est que je sais que personne ne viendra m'aider, parce qu'ils forment un mur parfait autour de nous. Personne ne m'entendra, parce que l'on fait toujours en sorte que mes cordes vocales soient usées, inutiles. Et puis surtout, personne n'en a rien à foutre.

Je te l'avais dit, Chase... Chaque fois que tu t'éloignes, la vie aime me rappeler combien je ne vaux rien.

Broken RulesWhere stories live. Discover now