Elle arrête de bouger, mais son muscle reste tendu, comme parcouru par l'appréhension de ce qui arrivera quand Noah rentrera. Alors je presse mes doigts un peu plus fort pour le masser, afin de l'inciter à se détendre.

— On s'est pris la tête, déclaré-je quand je la sens enfin relâcher la tension de sa jambe.

— À cause de moi ?

— Non.

Ce n'est pas à cause d'elle que nous nous sommes disputés, mais à cause de lui, et de son incapacité à se comporter correctement.

— J'ai pris ta défense, et il n'a pas aimé, poursuis-je en frottant doucement ma main sur sa cuisse.

Malgré son collant, je n'ai aucun mal à sentir la chair de poule qui se répand sur sa peau, comme un indicateur du frisson que mon contact lui procure. Et je n'ai aucun scrupule à m'en délecter, à me satisfaire d'avoir le même effet sur elle que celui qu'elle a sur moi.

— Tu as... commence-t-elle en plongeant ses prunelles orageuses dans les miennes, sans chercher à dissimuler son étonnement.

— Ne fais pas comme si c'était la première fois, Vix... la coupé-je avec une douceur qui me surprend moi-même. J'ai toujours pris ta défense devant Noah. Toujours. Et à chaque fois, j'ai dû justifier l'intérêt que je montrais pour toi. À chaque fois, j'ai dû mentir.

Elle lâche un ricanement froid qui me pousse à enfoncer mes doigts dans sa chair. Oh, comme j'aimerais lui faire regretter toutes ces fois où elle m'a ri au nez en pensant avoir raison...

— Comme si ça te dérangeait de mentir... siffle-t-elle en posant son bol sur la table basse. T'es un sacré hypocrite, Chase. Tu le sais, ça ?

Ses iris me fusillent de cette tornade qui gronde au fond de son âme, comme pour me rappeler combien j'ai contribué à la rendre si furieuse. Je lui rends son regard noir, bien prêt à ne pas lâcher l'affaire. Pas cette fois.

C'est fini.

— Tu veux de l'honnêteté, Vix ? grondé-je en laissant mes yeux vagabonder sur son visage aux traits si parfaits.

— Oui, pour une fois.

Ma main libre agrippe son menton, l'autre toujours posée sur sa cuisse, dont la chaleur irradie dans mes veines. Je me penche vers elle, jusqu'à ce que nos nez se frôlent presque. La télé n'est plus qu'un bruit de fond, un parasite qui ne parvient même pas à briser cette bulle dans laquelle nous nous sommes enfermés dès l'instant où elle a entamé cette conversation. Mes pupilles détaillent chaque pore de sa peau, pour les graver sous mes paupières, tel un croquis qui ferait pâlir la perfection malgré ses défauts. Nos souffles ne forment plus qu'un courant d'air chaud, qui lie nos lèvres là où nous ne savons pas le faire.

Mauvaise idée, arrête-toi là.

— Tu veux de la franchise ?

— Si t'en es capable, oui, murmure-t-elle en lorgnant ma bouche comme une assoiffée devant un verre d'eau. Sois franc avec moi, Chase, arrête de me mentir constamment.

— Très bien.

Mes doigts glissent sur sa nuque, avant de remonter pour agripper sa crinière de feu. Puis mes iris passent des siens au bout de son nez, où se profilent de discrètes taches de rousseur. Et finissent par s'accrocher à ses lèvres, pincées par le scepticisme.

Regarde plus haut. Tu vas faire une connerie.

— J'ai menti à Noah, chuchoté-je sans pour autant écouter ma petite voix intérieure. Pour te protéger. Pour nous protéger.

Broken RulesWhere stories live. Discover now