Broken Rules

~ TWENTY ~

— Bonjour à toutes et à tous.

Je force un sourire chaleureux sur mon visage, pourtant mon organisme se gèle chaque fois que je regarde dans la direction de Vix, qui se contente de griffonner dans son carnet. Sa peau laiteuse est terne, et ses magnifiques yeux aussi cernés que si elle n'avait pas dormi depuis des semaines. Tandis que je l'observe, je ne peux m'empêcher de chercher une éventuelle trace de coup, un bleu, ou encore de reluquer ses lèvres comme un affamé, dans le seul but de vérifier si elles ne sont pas abîmées.

Menteur.

En effet, je n'ai pas menti qu'à Noah. Je passe mon temps à me mentir à moi-même depuis que mon petit renard a déboulé dans ma vie. Et bordel, je n'ai jamais autant aimé le goût du mensonge que quand je dis que je n'ai pas envie de l'embrasser, ou de la prendre dans mes bras pour qu'elle sente comme elle affole mon cœur.

J'en ai marre, putain.

Marre d'avoir les pieds et les poings liés dans cette situation merdique. Marre de devoir me priver de son sourire, alors qu'elle ne réclame que le mien. De devoir éloigner sa chaleur, alors que je n'arrive à m'enflammer qu'en sa présence.

Je la veux. J'ai envie d'elle, de ses rires, de son corps, de son âme.

— Monsieur Quinn ?

Une élève me tire de mes réflexions, et je constate que mon regard était encore ancré dans la peau de Vix, qui a fini par poser sa tête dans le creux de ses bras croisés sur sa table.

— Oui ? réponds-je en me tournant vers l'étudiante en question.

— Vous vous êtes arrêté en plein milieu de votre phrase, on a cru que vous tapiez un bad de ouf.

— Pardon, je ne dors pas beaucoup ces derniers temps, m'excusé-je avant de reprendre mon cours.

Je ne sais pas ce qui m'agace le plus dans cette situation aussi pourrie qu'une brique de lait laissée en plein cagnard pendant trois semaines. Le fait de sentir ma peau crépiter de désirs plus interdits les uns que les autres, à chaque fois que ce foutu parfum de lavande me chatouille les narines ? Ou bien le fait que Vix ne m'accorde rien d'autre que son indifférence ? Avant, j'avais droit à ses regards noirs, à ses moues boudeuses et à ses soupirs exaspérés. Aujourd'hui, je n'ai rien de plus qu'un mur de glace, dépourvu de toute émotion.

Avant, j'avais son attention. Aujourd'hui, je n'ai même plus le droit de sentir la chaleur de ses magnifiques prunelles quand elles se posent sur mon épiderme.

Tu chies dans la colle, Chase. Profites-en pour te détacher, putain.

Je devrais écouter la petite voix dans ma tête, et profiter de cet éloignement pour retourner à ma vie tranquille, qui se résumait à aller bosser, ramener de l'argent pour payer les frais d'hospitalisation de Hope, rentrer, dormir, et rebelote le lendemain. Je devrais ignorer la frustration qui fait bouillir mes veines chaque fois que je constate que Vix ne regarde pas dans ma direction pendant mes cours. Je devrais rendre mes mensonges réels, pour que ma vie soit plus simple. Je devrais...

... lui dire que je l'aime, que j'ai menti pour la protéger, et que jamais je ne l'abandonnerai.

Putain, non.

Puis, je la serrerais contre moi, au plus près de mon âme, avant de l'embrasser comme si elle était le dernier repas du condamné à mort que je suis lorsqu'elle n'est pas dans les parages.

Non, non, non.

Et enfin, je la hisserais sur mon bureau, prendrais le temps de la découvrir, de la goûter, avant de lui faire l'amour pour lui montrer la profondeur de mes promesses. J'imprimerais mon nom dans sa chair pour que plus personne ne puisse l'éloigner de moi.