Oh, putain.

— Vix, préviens avant de faire ça ! m'exclamé-je en tournant la tête, la main sur les yeux.

— Parce que toi t'as prévenu avant de te foutre torse nu devant moi ? réplique-t-elle tandis que je tente de penser à tout sauf à ce que je viens de voir.

— Ça n'a rien à voir, t'es mon élève !

— Et t'es mon prof. Pourtant, ça ne t'a pas empêché de te foutre à moitié à poil.

— Mais merde, t'es la sœur de mon pote, Vix ! grogné-je en reposant mon regard sur elle après avoir entendu la fermeture Éclair de la veste. Je ne devrais pas te voir en sous-vêtements !

Ses sourcils se haussent et un air blasé s'étend sur son visage quand elle murmure :

— Ose dire que ça t'a déplu.

Je serre les dents, puis je réplique :

— Ça m'a autant déplu qu'à toi.

L'esquisse de sourire qui se dessine sur ses lèvres pousse mon cœur dans les escaliers de la tachycardie, et je m'empresse d'y passer un pouce, comme pour l'épingler sur ses traits si doux. Ma respiration se coupe quand elle embrasse mon doigt au passage, et elle incline la tête sur le côté devant mes sourcils froncés.

— Pour te remercier. Ne t'y habitue pas.

— Tu devrais sourire plus souvent, petit renard. T'es déjà magnifique. Mais quand tu souris... c'est le monde entier qui paraît fade, tu n'as pas idée. Les gens devraient payer pour avoir le droit de voir ton sourire.

— Pourquoi tu ne paies pas, toi ?

— Parce que je veux être le seul à le voir, Vix. Je veux que chacune de tes joies m'appartienne. Laisse-leur tes peines, ils ne méritent que ça.

— T'es égoïste, Chase.

Je réprime un sourire froid en balançant mon sac sur la banquette arrière.

— Oh non, crois-moi.

Parce que si j'étais égoïste, je n'aurais pas enlevé ma main de sa cuisse. Je ne me serais pas contenté d'observer ses lèvres avec avidité. Et elle n'aurait pas quitté cette voiture sans avoir mon odeur partout sur son corps, sur chaque parcelle de peau.

Après quelques minutes de trajet silencieux, je repose la question qui me taraude sans cesse :

— C'est Noah qui t'a fait ces traces ?

Vix hausse les épaules, le regard perdu dans le paysage nocturne.

— Je ne te répondrai pas, souffle-t-elle.

— Vix, je t'avais demandé de me le dire la prochaine fois qu'il lèverait la main sur toi.

— Et ? Je ne te dois rien. Alors sois gentil et contente-toi de l'explication que je t'ai donnée.

— T'es « tombée » , hein ? grimacé-je en serrant mes doigts autour du volant.

— Ouais, je suis tombée. Et le sol est un vilain pas beau. Fin de l'histoire.

J'émets un rire sec en levant les yeux au ciel.

— Je ne peux pas t'aider si tu ne coopères pas.

— Je ne veux pas de ton aide, il me semble te l'avoir déjà dit.

— Ouais, et une fois de plus, ton corps a démenti tes mots haut et fort, Vix, grincé-je. Chaque fois que tu me dis que tu ne veux pas de mon aide, tes gestes hurlent ta détresse et ton regard implore mon intervention. Alors je dois croire qui, à la fin ?

Sa jambe se met à tressauter, comme chaque fois qu'elle est nerveuse.

— La sincérité de ton corps, ou les mensonges de ta langue ?

— Ma langue ne ment pas. Je ne veux pas de ton aide.

Je joue avec mon piercing à la langue, une fois de plus. La bille parcourt ma lèvre, puis claque contre mon palais.

— Alors c'est ton corps qui me ment ?

— Non. Je ne veux pas de ton aide. Mais pourtant... j'en ai besoin.

Mes molaires s'entrechoquent, mes iris s'agitent en tous sens, à l'affût d'une solution miracle pour qu'elle accepte enfin de me parler.

— Dis-moi simplement si c'est Noah qui t'a fait du mal, Vix.

Je m'arrête devant l'immeuble de mon ami, puis je me tourne vers Vix pour emprisonner sa mâchoire dans ma main.

— Je n'ai besoin que de ça, petit renard... soufflé-je d'un ton presque suppliant. Tes mots, ta voix... Rien de plus. Je ne pourrai pas t'aider tant que tu ne me l'auras pas dit clairement. Je ne pourrai rien faire, tant que tu t'évertueras à protéger ton frère.

Son gris orageux plonge dans mon vert sapin, tandis qu'elle murmure :

— Alors contente-toi d'être spectateur de mon malheur, parce que je ne dirai rien. Il me le ferait payer trop cher, ça n'en vaut pas la peine.

Broken RulesWhere stories live. Discover now