Florence & Jean-Paul

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C'était le matin, Jean Paul était arrivé plus tôt que d'habitude au commissariat. Il était tout content. Il chantonnait dans le service encore désert. Il n'entendit pas arriver Florence qui l'observa quelques minutes en souriant.


- Bah dites donc Jean Paul, vous êtes de bonne humeur!
- Euh Mme la commissaire, pardon je ... je...
- Ne vous excusez pas Jean Paul, c'est chouette d'être heureux comme ça. Alors dites moi, c'est quoi ? Lui demanda t-elle avec un grand sourire
- Ma fille a accepté de venir manger à la maison avec Judith et moi. Jusque là, elle n'était jamais disponible. J'ai l'impression que c'est une petite victoire!
- Mais c'est génial ça! Je suis contente pour vous. Vous voulez un café?

- Avec plaisir Mme la commissaire! Ils se dirigèrent vers la cuisine. Jean Paul chantonnait toujours, Florence le regardait et elle riait. - Ca va être une bonne journée! Dit il en faisant un tour sur lui-même.
Florence fit couler les cafés et servit une tasse à Jean-Paul. - Tenez.
- Bon et vous Mme la commissaire quoi de neuf? Votre nouvel appartement? Antoine? Le mariage?
Florence accusa un petit temps d'arrêt et un sourire en coin. Elle n'allait pas lui mentir, il n'y avait pas de raison.
- Jules et Lily vont bien, c'est un peu la bataille d'organiser une partie de leur mariage à leur place vu qu'ils sont au bout du monde, mais ils vont bien. Quant à moi ... elle se racla la gorge. Je retourne dans mon chalet. Avec Antoine, c'est fini. Il est parti en Tanzanie pour dieu sait combien de temps. Son regard se perdit dans le vide en repensant à leur dernière conversation qui avait maintenant presque quinze jours.
Jean Paul accusa le coup, il ne s'y attendait pas.- Je suis désolé, je ne savais pas. Je.. Je ne sais pas quoi vous dire? Ca va?
- Vous ne pouviez pas savoir Jean Paul. Et oui ça va, merci. Ne vous inquiétez pas.
- Du coup vous êtes libre comme l'air!
-... Oui c'est ça, libre comme l'air... Elle réfléchit. "Dans les faits, peut-être, mais en vrai...". Pascal était dans sa tête. Encore plus qu'avant. Elle s'était sentie soulagée quand elle lui avait dit pour elle et Antoine, comme libérée d'un poids. Elle pensait de plus en plus souvent à lui. Elle espérait un contact, un regard de sa part. Ce type allait la rendre folle. Et les pensées qu'elle avait envers lui n'était pas toujours des plus chastes, si elle osait se l'avouer.
Jean-Paul la regarda.- Vous savez Mme la commissaire, vous n'auriez aucun mal à retrouver quelqu'un. D'ailleurs avec Judith, on a quelques idées si jam....
- Ah non non non non non Jean Paul! Merci bien, mais non merci. Les rendez-vous arrangés très peu pour moi dit-elle en rigolant. Rencontrer des inconnus et faire semblant de s'intéresser à ce qu'ils racontent en sachant qu'on ira nulle part, c'est pas mon style.
- Ça ne doit pas forcément être des inconnus ... murmura Jean Paul à lui-même en buvant une gorgée de café..
Florence tourna la tête vers lui, le regarda sans parler, et prit à son tour une gorgée de café. Elle voulait changer de sujet.
- Ça faisait combien de temps que vous ne vous parliez plus trop avec votre fille?
- Ca a été très compliqué à la mort de ma femme. On a mis beaucoup de temps à revenir à la normale. Elle a accusé le coup lorsque je me suis mise avec Judith ... Grâce à vous Mme la commissaire! Dit-il en faisant une mini révérence

- Oui c'est vrai, grâce à moi. Vous seriez encore en train de vous tourner autour si j'avais pas été là. Je vous l'ai dit Jean-Paul, on ne peut pas passer à côté d'une belle histoire.

- .... Jean -Paul inspira un grand coup. - C'est vrai, vous me l'avez dit ... Mais alors... Pourquoi vous ne vous appliquez pas cette théorie à vous-même?
Florence se figea. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il l'amène sur ce terrain là. Il était même pas 8h du matin.- Je vois pas de quoi vous parlez, dit-elle en bafouillant à moitié.
Jean-Paul la fixa et buvant son café. Sans rien dire.- Si vous le dites...
Le silence s'installa. Il ne voulait pas craquer le premier. C'était à elle de flancher. Ca faisait des années que Jean-Paul voyait le fils de son meilleur ami s'accrocher à cette femme. Souffrir en silence. C'était pas juste pour lui. Il ne méritait pas d'être traité comme ça, surtout qu'il était convaincu que la femme en face de lui n'était pas insensible au charme de son ami.Comme elle ne disait rien, il fléchit et poursuivit.
- Vous savez je connais Pascal depuis qu'il est gosse quasiment. Je l'ai vu passer par toutes les phases, avec ses parents surtout. Il a fait n'importe quoi. Il leur a donné du fil à retordre. Evelyne en a d'ailleurs beaucoup souffert. Avec son père c'était un peu différent. Et puis il a trouvé une certaine stabilité en revenant de son périple inconnu, même s'il conservait ce côté un peu mauvais garçon. Pascal a toujours été un taiseux. Il ne parle pas trop, ni de lui ni de ce qu'il ressent. C'était parfois compliqué avec son père quand il était commissaire ici. Vous imaginez la scène quand ils n'étaient pas d'accord...
Florence sourit, elle avait une vague idée oui...
- .. Et puis ...Et puis vous êtes arrivée.
Elle tourna la tête un peu brusquement vers lui.
- Oui oui Mme la commissaire... Vous l'avez changé. Il a changé. Aujourd'hui il est plus serein, posé, moins tête brûlée. La façon dont vous l'avez canalisé quand Evelyne a été enlevée à l'époque, personne n'aurait pu avoir cette emprise sur lui. Vous savez, Pascal il fait pas facilement confiance, avec vous, ça c'est fait naturellement...
- C'est pas moi Jean-Paul. C'est le temps. J'y suis pour rien. Il a vieilli, et du coup il a mûrit. C'est aussi simple que ça.
- Non c'est pas que ça Mme la commissaire. Il vous écoute. Même si vous vous engueulez parfois, il vous écoute. Il a confiance en vous. Il vous respecte. Il vous ...
- Il me "quoi" ? Bah finissez votre phrase lieutenant. Elle était intriguée ...
- Faites pas comme si vous ne saviez pas...
- ..... Bah non, vous voulez que je sache quoi?
- Les regards, les joutes verbales, les allusions, les gestes...
Florence termina son café. Bien sûr qu'elle avait conscience de tout ça. Elle en avait d'ailleurs besoin. Elle les espérait chaque jour. Elle aimait s'être rapprochée autant de lui. Elle le savait. Mais il était hors de question qu'elle aille plus loin, elle avait trop peur de tout perdre.
- C'est nos enfants qui nous ont rapprochés Jean-Paul. Ils vont se marier, ils sont heureux. Forcément que ça nous rapproche. On va faire partie de la même famille.
- Il y a pas que ça, et vous le savez. Pascal pourrait quasiment considérer Jules comme son fils. Ils sont tellement à l'aise l'un avec l'autre, ça pourrait être un père de substitution. Depuis le début d'ailleurs. Pourtant en temps normal, Pascal n'est pas comme ça. Je vous l'ai dit. C'est vous. Il n'est comme ça qu'avec vous. C'est un type bien, attachant, sensible derrière ses airs un peu cowboy.

Jean-Paul termina sa tasse, il savait que la conversation arrivait à sa fin. Il avait tout dit. Elle était seule maintenant face à tout ça. Il lava sa tasse, la laissant songeuse avec la sienne, le regard dans le vide. Il se dirigea vers la porte. Avant de la franchir, il eut un temps d'arrêt. Il se tourna, s'arrêta et finit la phrase qu'il n'avait pas osé finir quelques minutes auparavant.
- Il vous aime. Il la regarda droit dans les yeux. - Il vous aime vraiment. Alors ... Si vous me permettez à mon tour ... Ne pas assez pas à côté d'une belle histoire madame la commissaire... Lui dit-il en souriant.
Florence ne dit rien, elle le regarda quitter la pièce. Lorsque Jean-Paul avait prononcé ses derniers mots, elle avait senti une boule énorme dans son ventre, des frissons partout dans son corps. Elle mit sa tête dans ses mains, se frotta le visage, puis s'appuya sur ses mains. Elle leva les yeux et vit le capitaine franchir le hall de l'accueil et commencer à dire bonjour aux collègues présents. Il était terriblement beau, elle devait bien se l'avouer. Il l'aperçut de loin et lui fit un sourire éclatant. Ce sourire... Ça la faisait succomber. A chaque fois. Elle le vit s'avancer et se diriger vers son bureau. Elle se leva et se dirigea vers le sien. "Passez pas à côté d'une belle histoire". C'est vrai qu'elle avait dit ça à Jean-Paul. Mais pourquoi diable était-elle incapable de se l'appliquer à elle-même? Il la faisait fondre, lui déclenchait des papillons dans le ventre. Le temps se figeait quand ils se retrouvaient les yeux dans les yeux.
Elle se leva et s'avança vers son bureau. Elle pénétra dans celui de Pascal par la porte commune, porte qu'elle ferma derrière elle. Elle fit pareil avec la porte principale.Pascal la regarda, intrigué.- Florence? .. Ça va?
- Euh oui, oui ... Je me demandais ...
- Oui? Il la regardait. Il la trouvait belle. Chaque matin, il était heureux de venir travailler sachant qu'il allait la voir. Elle.
- Voilà je me demandais ...

- Oui?
- Est-ce que ... Est-ce que vous accepteriez de venir dîner avec moi ce soir? Il serait temps que j'honore mes paris... Dit elle pour se redonner une contenance, et une raison si jamais il refusait.

 Elle avait le cœur qui battait la chamade en attendant sa réponse.

Il se leva, et s'approcha d'elle. Il plongea son regard dans le sien. Le temps se figea. Jean-Paul avait raison, il ne fallait pas qu'elle laisse passer sa chance. Elle ne pouvait pas. Cet homme était tellement... Elle fut interrompue dans ses pensées par la réponse de Pascal.

- Mais bien sûr commissaire, pour rien au monde je ne raterai ça... Il avait envie de l'embrasser, terriblement envie de l'embrasser. Mais ils étaient au bureau, il était tôt, il n'était pas encore sûr de ce qu'elle voulait...

Elle lui fit un grand sourire. Ce soir, elle serait prête. Elle allait sortir pour retourner à son bureau, mais Pascal referma la porte. Il était proche, elle se sentait toujours tellement vulnérable quand il était aussi proche...

- Dites moi juste, ce dîner ... C'est vraiment pour honorer votre pari ou....? Il avait un peu peur de la réponse, mais il fallait qu'il sache. Il espérait ça depuis tellement longtemps

Elle hésita. Elle voulait qu'il sache qu'elle était prête. Elle ne voulait pas lui mentir. Elle inspira un bon coup, le regarda et lui répondit en caressant sa joue:

- Non... C'est juste que .. Je n'ai plus envie de passer à côté d'une belle histoire. Son cœur battait la chamade, tellement elle avait la sensation de se dévoiler.

Le temps se figea à nouveau. Pascal lui fit un immense sourire, décala sa main pour la laisser sortir. 

Elle ouvrit la porte en grand, le regarda une dernière fois, marchant en arrière jusqu'à son bureau pour ne pas le lâcher ses yeux.

Il lui fit à nouveau cet immense sourire dans lequel elle aimait se perdre.Elle était prête. Elle ne reculerait pas. Elle l'avait dit elle-même il y a quelques temps. Il y en a pas tant que ça des belles histoires.Maintenant, elle avait compris. Elle ne passerait pas à côté de la sienne.

OS - Et les autresWhere stories live. Discover now