Chapitre 6 Elle

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Je sentais mon cœur battre.

Ce qui, en soi, était déjà rassurant. 

Cela signifiait que je n’étais plus en enfer et encore moins morte. Je ne savais pas si cela était réconfortant. Il m’était difficile d’ouvrir les yeux, mes rétines s’étaient habituées à l’obscurité et le moindre rayon de lumière en était douloureux. Je concentrai le peu de force dont je disposais pour tenter de soulever mes paupières. Le passage dans la brèche m’avait affaiblie. Lorsque j’y parvins, mon regard se posa sur mes poignets.       

Enchaînée, comme une esclave ! 

J’avais beau me débattre, je reconnaissais ces chaînes, j’avais assisté au ravage qu’elles pouvaient procurer à ceux qui les portaient. D’où je venais, beaucoup en possédaient encore les cicatrices. Elles avaient été scellées sous une magie puissante et dévastatrice ; plus on se démenait, plus le fer rougissait, lançant une chaleur à nous brûler la chair jusqu’aux os. 

Une voix me sortit de mes songes.

— Je t’ordonne de donner ton nom ! 

Un prêtre ? 

En état de choc, je le transperçai du regard. Pourquoi un homme de Dieu se trouvait-il devant moi ? 

— Ton nom, démon, répétait-il.

Le prêtre se mit à réciter des paroles dans une langue ancienne, qui éveilla quelque chose en moi que je ne pouvais pas contrôler. Mes yeux s’assombrissaient entièrement, je sentis la noirceur les envahir, un pouvoir qui m’était complètement étranger, et qui me terrifia. Mon corps se courba, j’essayais de combattre sa magie et ses mots de toutes mes forces, mais un liquide chaud commença à couler de mes orbites. 

Serait-ce du sang ?

L’odeur de brûlé qui se dégagea de mes poignets me rappela les effluves qui se répandaient dans les limbes. Soudain, un hurlement jaillit du plus profond de mon être, comme si mon corps se protégeait de la parole des cieux. Il retentit dans toute la vallée, le bruit strident de mes entrailles alerta une personne dans la pièce d’à côté qui se précipita là où le prêtre et moi-même nous nous trouvions. À son allure, je dirais un guerrier. 

— Arrêtez ça ! ordonna l’homme en sortant une épée, donnant beaucoup plus de poids à ses mots. 

L’homme de dieu se détendit aussitôt.

— Vous ne comprenez pas ! lui souffla le prêtre. Cette âme est damnée ! Le malheur s’abattra sur nous si nous ne lui ôtons pas la vie immédiatement.

Des bruits stridents se déclenchèrent un à un à l’extérieur comme pour les avertir que quelque chose approchait, ce qui n’annonçait rien qui vaille. Ma souffrance avait dû retentir à des lieux de là, tel un appel à l’aide. 

La porte s’ouvrit, et un autre homme entra pour nous rejoindre. Il était grand et bien bâti, complètement différent de l’autre même si une ressemblance liait les deux hommes. Avant qu’il ne puisse prononcer le moindre mot, ses yeux se stoppèrent net sur les miens. Je ne pouvais pas dire exactement ce qui venait de se passer à cet instant. Ce qui est sûr, c'est que mon corps réagissait à sa présence, comme si on me poignardait en plein cœur, mais que la douleur m’apaisait, comme si elle me devenait vitale.

— Nous ne sommes plus seuls, Almir ! 

Épée à la main, il s’approcha de celui qui avait arrêté le prêtre dans sa torture, sans autoriser ses yeux à me quitter du regard. 

— Je ne sais pas ce qui vient, mais ça arrive de tous les côtés et nous ne sommes pas assez nombreux ! 

— Ils sont... là, p…po…ur, m…m moi ! 

Black Eyes Where stories live. Discover now