Chapitre 2 Aaron

11 2 1
                                    

Partis depuis plusieurs jours maintenant, nous étions envoyés comme éclaireurs dans la vallée d'Ériob, à l'endroit où la brèche avait été découverte. Accompagné de mes frères, d'Ana et de leur fichu prêtre ainsi que de quatre gardiens de l'ordre, sûrement là pour la forme !

Cette région n'était plus réputée pour sa joie de vivre. Une simple frontière, plutôt vue comme la limite entre le nord et le reste, et même si le chemin avait été sans embûches jusque-là, les choses allaient forcément se compliquer. Il était vrai que depuis que le traité de paix avait été signé nous ne traversions que très rarement les contrées. Nous n'étions plus appréciés ici, trop de peuples avaient souffert de la Grande Guerre et étaient incapables de nous pardonner tous ces morts, ainsi que la reddition de certaines contrées envers Métrios.

- Que tout le monde reste vigilant, ordonna, Lucian.

- Pourquoi ça ?

Le prêtre, étonné, arqua un sourcil.

- Vous savez très bien, mon père, que si une brèche a réellement été ouverte, l'accord de paix n'est plus valable et nous ne serons pas les bienvenus dans certaines de ces contrées.

- Vous devriez avoir plus confiance en nos prédécesseurs célestes, ils vous observent et nous protégerons. Ayez la foi.

Le prêtre semblait beaucoup trop sûr de lui.

- Pour ma part, répliquai-je à mon tour. Je n'ai foi qu'en mon épée et n'ai de loyauté qu'envers mes frères.

Ne supportant plus ces hommes qui se croyaient investis d'une mission auprès de quelque chose qu'ils ne pouvaient prouver, je repris en souriant.

- La lame de mon épée, elle, est vraie, et elle ne m'a encore jamais déçu !

- Je n'en doute pas, Aaron ! soupira le prêtre. Ce voyage promet d'être fort intéressant.

Contrée de Mirass, ce village composé principalement de prairies, était bordé de forêts luxuriantes, d'arbres gigantesques aux fleurs enchanteresses. Le peuple se faisait appeler les Miradiens, des personnes connectées aux esprits qui les entourent et ayant la faculté de jouer avec les envies d'autrui, même les plus enfouies.

- Nous passeront la nuit ici, fit Lucian. Cherchez une auberge prête à nous accueillir et montrez vos passe-droits, vous en aurez besoin.

- Oui monsieur, s'exécuta un gardien de l'ordre.

- Êtes-vous sûr qu'il soit judicieux de s'arrêter ? Nous devons mener notre mission le plus rapidement possible. Si la brèche est réelle, elle peut s'agrandir ou...

Lucian interrompit le prêtre.

- Écoutez, mon père. Cela fait plusieurs jours que nous marchons. Mes frères et les protecteurs de Métrios ont besoin de repos. Si les choses viennent à déraper sur place, nous nous devons d'être au meilleur de notre forme.

J'apposai ma main sur la porte vieillie d'une auberge pour y entrer. Là où il n'y avait ni pudeur ni bienveillance, le genre d'endroit où on se sentait dans notre élément. Lucian discuta de la route la plus sûre pour se rendre sur la terre sacrée. Et après avoir convenu du chemin que nous emprunterons à l'aube, on se remémora d'anciens souvenirs, comme on avait l'habitude de le faire à une époque.

Après des litres et des litres ingurgités, Lucian se redressa en titubant, les tournées de liqueur ambrée qu'il avait consommées ne l'aidant pas. Il manqua de peu une chute historique lorsqu'il se coinça les pieds dans sa chaise tombée. Je le toisais, à la fois amusé et nostalgique de ces instants, comment avait-il pu changer autant ? À une époque on était inséparables tous les trois, mais depuis qu'il avait été promu au conseil, les moments ensemble se faisaient rares.

Black Eyes Onde histórias criam vida. Descubra agora