Chapitre 5 Aaron

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— Aaron, attention ! s’écria Ana.

Le sable se mit à tourbillonner tout autour, soulevant une fumée de poussière. La chaleur devint insoutenable. Des hurlements à glacer le sang retentirent dans toute la vallée. 

Comme si l’enfer se propageait sur Terre. 

Le feu jaillit de la brèche, une sorte d’éruption se créa. Des ombres se dispersèrent, comme des fantômes sifflant dans l’obscurité. Les nuages devinrent rougeâtres, et un sentiment de mort s’installa non loin. Surpris par ce changement météorologique, je m’accroupis, protégeant mon visage de mon bras gauche, tandis que le droit brandit mon épée. J’étais prêt à accueillir quiconque s’échapperait de cette brèche, et à offrir beaucoup de sang pour l’y renvoyer. 

La voix de mon frère Lucian fit écho derrière moi.

— Dépêchez-vous, père Lucius. 

Il lui hurla presque dessus. Ce qui ne stimula en rien ce fichu prêtre. Tandis qu’il consacrait toute son énergie au pouvoir céleste qui lui permit selon ces dires de fermer la brèche, nous créions un bouclier entre les ténèbres et le prêtre, se plaçant en première ligne face à ce qui en sortirait. 

— Il… est trop…. tard… je ne peux pas…. la refermer ! 

D’une voix tremblante et à bout de forces, il posa un genou à terre, comme pour renoncer et continuer dans ses supplices. 

— Pardonnez-moi… j’ai… failli à ma mission, souffla le prêtre.

Quand, tout se tut, un silence presque divin s’installa sur la Terre Sainte et le calme revint aussi vite qu’il était parti.

— Vous avez réussi, mon père ? demanda Almir, aussi surprit que nous autres.  

Mon jeune frère se releva d’un mouvement lent en plissant les yeux pour essayer de recouvrer une vue correcte. Quant à moi, je me retrouvais à une distance des plus proches de la faille. D’une main ferme j’agrippai le manche de mon épée pour la planter au sol, cherchant désespérément un minimum d’appui. Je n’arrivais pas à expliquer ce qui venait de se passer, et ce que mes yeux avaient bel et bien distingué. 

N’était-ce qu’un songe ? 

Dans une confusion totale, ma mine se para d’un doute, qui grandit en moi. Je n’avais pas peur, à vrai dire ce sentiment m’était en tous points étranger, mais je préférai que mes frères ne perçoivent pas mon incompréhension. Je me redressai, lentement. Le souffle avait fait tomber plusieurs mèches de cheveux sur mon visage le recouvrant à moitié, et quand ma main libre glissa sur ma joue pour libérer mon champ de vision, je discernai alors quelque chose. 

Une silhouette était allongée là, à même le sol, sans vie.

Tout en restant sur mes gardes, j’avançai en direction de ce que je percevais comme une dépouille, prêt à transpercer le corps de ce qui pouvait en sortir.

— Qu’est-ce que… ? 

Je n’étais pas sûr. La fumée émanait de ce qui ressemblait le plus à un cadavre, et l’odeur, cette odeur de chair brûlée, m’asséchait les narines. Le pire était celle de la mort qui y régnait. Je le reconnais entre mille, ce parfum aux notes amères et âcres, celui que l’on retrouvait pendant des semaines dans l’atmosphère après une bataille sanglante. Je ne pouvais l’expliquer, mais j’y étais presque habitué, cette sensation était devenue omniprésente au cours de ma vie. 

Une fois à bonne distance, cette fois-ci, de ce que je prenais pour une dépouille démoniaque, mes yeux s’écarquillèrent en grand sur mon visage, ne laissant que peu de doute. 

Black Eyes Where stories live. Discover now