Marché

Chapitre 14: Inadéquation

J'en ai marre d'avoir mal.

Je me remets assise, mes jambes ramenées sur ma poitrine alors que ma main enserre mon cœur avec violence.
Pourquoi ne se casse-t-il pas ?

Pourquoi est-ce que mon sang continue de parcourir mes veines alors que mon existence m'a été volée ? Pourquoi mon cœur continue de pomper alors que mon essence m'a été retirée ?

Tout ce pourquoi je me suis battue...La raison de tout ce manège...tout ça est maintenant éparpillé dans l'air, réduit en poussière. Et pourtant je continue de vivre.

— Ressaisis-toi Nessa, s'il te plaît.

S'il te plaît. Et maintenant il me supplie.

Malik Yasseen me supplie.

Que n'aurais-je pas vu de lui aujourd'hui ?

— Je sais que c'est dur...Je sais que c'est difficile mais Ness...j'ai besoin que tu restes debout et fière.

Non. Je ne peux pas le faire. Il ne comprend pas. Je ne suis pas courageuse. Je suis faible. Je suis misérable. Pitoyable.

J'ai basé ma vie sur le pouvoir que j'avais sur mes cheveux, à défaut de mon corps. Rare chose que mon père n'a pas été capable de m'enlever. Maintenant même ça, je l'ai perdu. Je suis inutile. Je suis illégitime. Une bâtarde. Je ne suis connue nulle part dans la vie de ma mère. Je n'en vaut pas la peine dans celle de mon père. Je suis pitoyable.
Pitoyable !

— Ness'... Regarde-moi.

Mes yeux trouvent les siens. Vert, or et sombre. Je m'y ancre. Ils me fixent. Ils ne me dévisagent pas. Ils n'ont pas changé d'aspect. Sinon qu'ils semblent plus doux. Plus rassurants.
Ses yeux. Rassurants...je dois vivre dans un autre univers.

Ses doigts maintiennent mon menton tourné vers lui alors qu'il essaye de me persuader d'une réalité fictive.

J'ai chaud...

— Reprends-toi. Il faut qu'on sorte d'ici...gagnant.

Mais j'ai perdu...

— Tu es une battante Ness'. Je le sais. Je l'ai vu. Bats-toi encore un peu. Je te soutiendrais.

Mon cœur.
Il le nourrit. C'est pour ça qu'il continue de pomper aussi ardemment. Malik Yasseen est en train de nourrir mon cœur de ses mots.
Des mots dont je ne l'aurais jamais cru capable de prononcer.

Il est prêt à me soutenir devant tous ses hommes et ennemis même avec mon air aussi pitoyable. Il est prêt à entacher son nom et sa réputation pour moi.

En quel honneur ?

Je ne sais pas. Mais je sais qu'il le fera. Ses yeux le disent. Alors je les crois.

— J'ai chaud...réussis-je à croasser par-dessus ma douleur.

J'ai chaud...

Et pourtant, jusqu'à ce qu'il me couvre j'avais froid. Là, j'ai l'impression que toute la chaleur de ce mon corps l' inonde et se précipite en un seul point. Mon bas-ventre.