Chapitre 14: Inadéquation

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Nessayem

Parfois, votre cœur tambourine tellement que l'envie de vomir devient oppressante. Comme si on appuyait votre estomac pour qu'il rejette son contenu. comme si on forçait votre corps à dépasser des limites qu'il a déjà outrepassé. Comme si on forçait votre organisme à fonctionner au-delà de ses capacités. Ou comme tout ça en même temps. Et l'organisme le gère mal. Le mien le gère mal.
Il vomit.

Je vomis. Mais je n'ai rien mangé depuis qu'on est parti d'Espagne alors je vomis de la bile. Verte. Sale. Puante. Amère.

Comme moi.

Parfois, le réflexe de respiration s'efface et on s'oblige à respirer pour ne pas mourir. C'est ce que je fait. Je force ma bouche à s'ouvrir. Je force mes narines à se dilater. Je force mes poumons à se remplir et à se vider d'air. Pour ne pas mourir.

Doucement Ness', doucement.

Pour ne pas mourir...

Depuis quand ne pas mourir est ma priorité ?

Ma priorité c'était de ne pas me faire prendre. C'était qu'on ne découvre pas mon trésor. Tel était l'enjeu de cette histoire. C'est pour cela que je me suis damnée avec cet homme. Pour cela que je me suis damnée avec cette famille. Aveuglément. Désespérément.
Pour mon trésor.

L'une des rares choses que j'avais encore à mon contrôle.

Je suis perdue. Je me suis perdue. J'ai chaud. J'ai froid. Qu'est-ce qu'il m'arrive ?

Alors que je frôle la crise de panique, les paroles de Yasseen s'imposent à moi. Il est toujours là. Ses mots me rassurent. Ses gestes me bercent. Son odeur m'enveloppe et son souffle sur lequel je calque le mien...me calme.

Pourquoi ?

Pourquoi est-ce qu'il y arrive ?

Tout va bien, répète-t-il alors qu'il caresse mon dos doucement, retenant mes cheveux pour qu'ils ne se mélangent pas à mon vomis. Tout va bien Nessa.

Au contraire. Rien ne va. Mon corps ne semble plus m'appartenir. Il est douloureux. Il est chaud. Je perds le contrôle. J'ai mal.

Je pleure.
Je déteste pleurer.

Je déteste montrer ma faiblesse. La dernière fois que je l'ai fait, c'était à ce bar avec grand-mère. La fois avant ça, c'était lorsque j'ai supplié Youmna de ne pas se séparer de mon père. J'avais 8 ans.

Après cela, j'ai compris que mes larmes n'aidaient en rien. Zayyir me l'a fait comprendre. Elles montrent une détresse dont tout le monde se fiche. Elles sont inutiles. Elles me rendent honteuse. Incapable. Alors je les ai ravalé. Longtemps. Tout le temps.

Mais elles coulent. Sans mon consentement. Elles coulent. Et comme à chaque fois, elles me brûlent jusqu'à l'âme. Elles augmentent la température de mon corps et fragmentent mon cœur.

Mon cœur...comment peut-il continuer à battre après tout ce qu'il subit ?

Je suis fatiguée. Je veux qu'il s'arrête. Le temps d'une seconde. Le temps d'une éternité. Je veux que tout s'arrête.

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