Chapitre 43 : Âme

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— Oui, puisque vous tenez tant à le savoir : je n'aime pas l'idée de dévaliser un couple de pauvres vieux non-Asters.

Élide gloussa, amusée par sa réponse. Elias balaya les scrupules de son acolyte d'un geste de main.

— Cineád a raison : ces trucs ne leur manqueront pas. Ils finiront par être récupérés par les véritables charognards, de toute façon.

Assise sur le fauteuil voisin à celui d'Oswald, Sahira lui posa une main rassurante sur le bras.

— Je vous aurais pas ouvert cet appart si j'avais voulu épargner les propriétaires.

L'esthésive exerçait comme médium pour les non-Asters aisés en attendant de pouvoir récupérer les biens arrachés à sa famille par Cebalraï. D'après ce qu'elle leur avait expliqué, l'occupant de l'appartement se trouvait hospitalisé depuis des semaines, et ne rentrerait sans doute pas terminer ses jours chez lui.

— Ce n'est pas que je me soucie d'eux, corrigea Oswald. C'est simplement que je trouve ça facile et bas.

Au milieu du salon, Cineád lui adressa une courbette moqueuse, bras écartés, genou ployé.

— Désolé de pas enfreindre la loi et la morale selon ton esthétique de criminel gentleman.

Oswald roula des yeux tandis que Élide s'esclaffait avec délectation. Un coup de sonnette fit s'abattre un silence figé sur l'appartement. L'atmosphère s'alourdit, imprégnant les figures d'ombres graves.

— Nous y sommes, lâcha Oswald en se levant pour aller ouvrir.

Il ne put réprimer un brusque mouvement de recul devant la massive tête de molosse qui apparut sur le seuil. Bien plus haut qu'un canidé ordinaire, la truffe humide et les yeux brillants, le Cane Corso s'avança dans l'entrée. Ses griffes cliquetaient sur sol. Une odeur fauve émanait de son poil noir de jais. Les muscles roulaient sous la fourrure raz. Stoïque, il humait l'air sans remuer la queue.

Derrière lui apparut sa maîtresse, la co-dirigeante de Becrux, Baivari Earl. Dès le premier coup d'œil, Oswald lui trouva l'allure d'une damatrice en puissance. Ses yeux pénétrants, aux paupières maquillées, exprimaient une autorité si pleine d'aplomb, qu'elle paraissait pouvoir plier à sa volonté les humains aussi bien que les bêtes. Le teint bistre, le nez busqué, elle arborait une abondante chevelure striée d'argent.

Baivari adressa à Oswald un sourire qui ourla ses lèvres d'un pli effronté, et entra sans attendre d'y avoir été invitée. Il s'effaça pour la laisser passer. Précédée de son limier, elle se dirigea vers le salon dans un sillage de parfum entêtant. Ses talons aiguilles sonnaient contre le parquet massif. Ses boucles d'oreilles et bracelets d'or, de diamants et de perles capturaient la lumière.

Elias et Élide n'esquissèrent pas le moindre geste quand elle entra dans le salon. Cineád suivit des yeux le molosse qui se coucha docilement, le poitrail droit et la tête haute. Coudes appuyés sur ses cuisses, Elias considéra Baivari d'un air indéchiffrable.

— Nous ne nous attendions pas à ce que vous veniez à cette rencontre en personne... et seule. Enfin, seule représentante de Becrux, ajouta-t-il avec une œillade circonspecte vers l'animal.

Baivari s'installa sur le canapé opposé à celui des jumeaux, et les étudia, le port distingué, la mine souveraine. Âgée d'une cinquantaine d'années, elle se trouvait à la tête de sa Constellation depuis plus de quinze ans. Comme le soulevait Elias, qu'elle se présente elle-même à cette rencontre, uniquement accompagnée de son limier, constituait autant une marque de respect qu'une forme d'intimidation.

— Nous n'aurions jamais envoyé un subalterne traiter avec les fameux Marcdargent, affirma Baivari.

Élide se fendit d'un sourire dépourvu de chaleur.

𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVASOù les histoires vivent. Découvrez maintenant