Chapitre 38 : Azur

99 23 215
                                    



VARMANTEUIL –


L'hôtel La Place, du nom du café restaurant qu'il surmontait, devait avoir été charmant au temps de sa construction, avec ses encadrements de fenêtres en brique et ses deux étages. Désormais, des fissures craquelaient l'enduit de façade, et la toile crasseuse et lacérée des stores pendait inutilement sous le soleil. Les volets de fer écarlates du café restaurant au rez-de-chaussée semblaient ne pas avoir été relevés depuis des années.

Cheveux noués sous son chapeau de paille et lunettes de soleil sur les yeux, Thélia passa à bonne distance du véhicule de l'URIAA stationné à l'extérieur. Les deux agents à son bord ne lui prêtèrent aucune attention quand elle contourna le bâtiment et franchit le portail latéral.

L'âcreté de la nicotine froide imprégnait les couloirs, mêlée aux effluves de pots de bébé. Thélia foula la moquette tâchée jusqu'à la chambre dans laquelle les services sociaux avaient installé Meesha et Belonias. Considérés comme cas complexes suite à l'incident du parc Pegasi, ils avaient été placés en structure éclatée plutôt que de prendre le risque de les renvoyer à la MECS.

Une odeur fauve d'hormones adolescentes et de repas réchauffés au micro-onde prit Thélia aux narines quand elle entra dans la pièce. Elle s'empressa d'aller ouvrir la fenêtre, puis offrit à ses cadets les choux à la crème qu'elle avait achetés en chemin. Meesha s'en bâfra en émettant des sons de délice. La dernière bouchée avalée, elle se pourlécha les lèvres, puis s'affala sur le lit superposé, sa cheville foulée étendue devant elle.

— Tu sais où est Mystès ? On arrive pas à l'avoir, geignit-elle avec inquiétude.

Thélia déposa son chapeau et ses lunettes sur la minuscule commode bon marché dont ils disposaient. Ils y avaient fourré leurs sacs sans prendre la peine de déballer leurs affaires.

— Non, il vient plus au Lucent et je peux pas le joindre non plus. J'espérais que vous auriez des nouvelles.

— C'est pas normal ! s'alarma l'adolescente. Il lui est arrivé un truc.

— Je sais. J'en parlerai à Nori mais, pour le moment, la priorité c'est d'empêcher Becrux de vous atteindre.

Depuis la couchette supérieur, Belonias intervint :

— Mystès a dit que je pouvais lâcher Khaos s'ils reviennent.

— Oui, en dernier recours, lui rappela Thélia avec une grimace. Tu as vu ce qu'il s'est passé à Pegasi.

— Adamer était là ! se réjouit Meesha avec un gloussement d'excitation.

Thélia ne put retenir un soupir de dépit. À son sens, la présence d'Adamer au parc ne constituait pas le point le plus marquant du désastre. Elle renonça néanmoins à morigéner l'adolescente.

— Tu vas être contente : on l'attend. Il vient faire le point avec nous.

L'exaltation s'empara de Meesha. Empêchée de bondir partout dans la pièce par sa cheville blessée, elle se roula sur le lit en agitant les poings, sa frimousse plissée de joie. Thélia considéra sa chevelure en piteux état. Son cuir chevelu manquait cruellement de shampoing et ses mèches coagulaient en masses rêches de nœuds, lui conférant une allure de maraudeuse.

Thélia tira de son sac à main le mince stylet d'argent prêté par Adamer. La poignée d'ébène se moulait avec douceur dans sa paume. Elle l'imprégna de son Essence, et se permit de frapper la pointe contre la commode. Elle dénicha ensuite une brosse et se pencha sous les lattes du lit supérieur pour s'asseoir sur le matelas en mousse.

𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVASOù les histoires vivent. Découvrez maintenant