Chapitre 13 : Le Grinch à Fou-ville

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Une semaine après la dernière consultation d'Hell Wilder, je suis toujours aussi perturbée. Je relis la même phrase pour la troisième fois à la lueur de la vieille lampe en verre teinté. Je me demande pourquoi j'ai choisi une romance de Noël. Je ne suis pas d'humeur pour une histoire d'amour qui finit bien alors que j'ai une poisse monumentale avec les hommes. Ça me dégoûte. « Bah ! », en plus mon café est froid...

Tous les ingrédients sont réunis pour faire de moi un authentique Grinch. M'imaginer couverte de poils verts et fracassant les cadeaux de Dawson chez ses parents m'arrache un sourire mauvais.

Je ferme le bouquin, m'enveloppe de mon plaid et abandonne la méridienne pour regarder le jour se lever par la grande fenêtre de la bibliothèque. Les premiers rayons du soleil font scintiller l'épaisse couche de neige tombée dans la nuit. Fay adorerait ce paysage.
« Fay... »
Son prénom me renvoie à ma solitude comme un clown reçoit une tarte en pleine figure. Sauf que moi, je n'ai même pas de crème à lécher...

Je me rends dans la cuisine pour me faire un latte macchiato bien mousseux et suis déçue de ne pas y trouve Rose. Soit elle dort encore, soit elle n'est pas rentrée hier soir. Le besoin d'une présence se faisant plus pressant, j'attrape un paquet de muffins industriels et le pose sur un plateau à côté de ma tasse avant d'aller allumer la télévision dans le salon.

Je zappe toutes les chaînes qui ne proposent que du téléachat ou de la gym du matin en me gavant plus que de raison. Voir des jeunes femmes rayonnantes comme des soleils s'agiter à l'écran m'agace. J'avais oublié qu'il n'y avait jamais rien d'intéressant dans cette boîte.

Mon choix s'arrête finalement sur un présentateur chauve et ridé à l'air inquiet. Je monte le son pour entendre ce qu'il dit, car le bandeau flash annonce : « le Sleeptight Syndrom : Des centaines de personnes tombées dans le coma sans cause apparente. » Le journaliste fait venir le Dr Ashley Won sur le plateau. Celle-ci explique que le phénomène ne touche pour l'instant que la ville de New York. Cela pourrait être un nouveau virus, mais aucune preuve scientifique ne peut étayer cette théorie. Les victimes n'ont aucun point commun. Qu'elles se soient trouvées seules chez elles ou très entourées, n'importe où en ville, la perte de connaissance survient toujours pendant la nuit. « Nous pensons que beaucoup d'autres cas n'ont pas encore été répertoriés. Appelez ce numéro et dites « Sleeptight Syndrome » si vous avez des informations utiles. » Conclut-elle.

Je sens le malaise monter en moi. « Fay... »

Le journaliste pose la question qui me brûle les lèvres : « Pourquoi ne pas envisager une piste criminelle ? Un poison indétectable peut-être ? ». La réponse est catégorique, mais ne me rassure pas. Les policiers ont écarté cette possibilité parce qu'il n'y avait pas d'empreintes inconnues, aucun de signe d'effraction, ni de lutte quand la perte de connaissance s'effectuait au domicile des victimes. Les caméras de sécurité n'ont rien trouvé de suspect pour les cas dans les lieux publics.

Je manque de sursauter en entendant la notification des messages de Whatsapp :

« Retrouve-moi au Coney Island dans une heure. » m'ordonne Rose sans plus d'explication.

Je relève la tête pour découvrir qu'une publicité pour de la lessive a chassé l'image grave du présentateur et de son invitée. Fébrile, je coupe le poste et me précipite dans l'escalier pour m'habiller avec les premiers vêtements qui me tomberont sous la main. Le « Coney Island Hospital » est l'asile où ma mère réside et est traitée pour ses épisodes de démence. Je prie pour qu'un nouveau malheur ne soit pas arrivé.

***

Ayant enfilé mon trench et pas ma regrettée doudoune, oubliée chez Karen, je grelotte devant l'imposante structure du Coney Island Hospital. J'attends depuis une vingtaine de minutes déjà. Et Rose ne répond pas quand je l'appelle.

La Morsure des PapillonsWo Geschichten leben. Entdecke jetzt