La Morsure des Papillons

Chapitre 8 : Dawson

La première carte tirée est décorée d'un grand cœur rouge encadré de nuages et transpercé par trois épées. Même sans explication, j'imagine bien ce que ça évoque et je ne suis pas surprise par la pertinence de ma main. Rose déclare quand même :

— Le trois d'épée représente ton passé. Cette carte peut être symbole de chagrin ou de deuil ou d'un cœur brisé.

— Pourquoi pas les trois d'un coup ? dis-je. Et je n'ai pas la sensation que ça soit déjà derrière moi.

— Le fait que tu aies choisi cet arcane en premier montre que tu as pris le chemin de la guérison, trancha-t-elle. Maintenant, dévoile-moi ton présent.

Je réfléchis longuement avant de me décider sur une carte cachée sous les autres et difficilement atteignable.

— La Mort ! s'exclama Rose en la découvrant avant moi.

— Super.

— Non, la Mort est une carte excellente dans ton cas de figure. Regarde bien... Elle est sur un cheval, un corbeau est sur son épaule pour la guider. Elle incarne le changement, la renaissance. Elle avance en laissant ses démons derrière elle.

— Et où va-t-elle ? demandé-je, toujours effrayée à l'idée de perdre la vie dans un futur proche.

— Elle suit la rivière qui coule jusqu'aux montagnes, au fond du paysage.

— C'est bizarre, on dirait qu'elle porte un masque en forme de crâne...

— Ça t'évoque quelque chose ? Attends d'avoir terminé pour tirer des conclusions. Place au futur.

Comme une évidence, ma main saisit la carte la plus visible, au centre.

— L'impératrice, lis-je.

— Parfait.

— Je préfère ça, dis-je en admirant la superbe femme nue sur l'illustration. Elle se prélasse sur son trône de coussin en observant les étoiles.

— C'est un arcane majeur. Ton voyage t'amènera à retrouver ta créativité et ton estime de toi.

Un large sourire s'empare des lèvres rouge sang de ma petite sœur. Elle est enchantée. Comme si nous étions désormais certaines que tout allait s'arranger.

— Ou alors, on va bientôt m'offrir une couronne ! me moqué-je.

— ...

Après m'avoir regardé avec instance, les sourcils de Rose se froncent et je la vois poser ses doigts sur ses tempes. Elle ferme les yeux sans un mot.

— Qu'est-ce qu'il t'arrive ? dis-je en posant mes mains ses épaules.

— J'ai eu un sentiment bizarre à l'instant. Comme si... quelqu'un nous écoutait et avait ri en réaction à ce que tu viens de dire.

— Rose ! m'exclamé-je en sursautant. Me dis pas des choses pareilles.

Je me mets à scanner la pièce, m'arrêtant plus longtemps que nécessaire sur la porte de la chambre entrouverte. Un frisson me parcourt.

— Je vais aller m'allonger. Je ne me sens pas bien, dit Rose en s'exécutant lentement.

— C'est l'intrus ? Le fantôme ? m'inquiété-je. Tu as vu quelque chose ?

— Je ne sais pas... Je ne pense pas qu'il faille... avoir... peur, articula-t-elle avant de sombrer dans un profond sommeil.

Il arrive parfois que ses visions la mettent dans un tel état de fatigue. Je remonte la couverture jusqu'à son menton, les mains tremblantes, avant d'ouvrir la fenêtre ronde pour libérer la pièce de la fumée de l'encens. Ses paroles m'ont glacé le sang. Mes yeux se posent sur les trois cartes toujours alignées au sol.