Chapitre 10 : Un appel mystérieux

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Je m'écroule à plat ventre sur mon lit, sans retirer ni mes chaussures ni mon trench. Rose doit être déjà rentrée, puisque les lumières du salon sont allumées, mais je n'ai pas pris le temps d'aller lui parler. C'est le lundi le plus exténuant que j'ai jamais passé. Les images de mes patients défilent dans ma tête. Je réfléchis à comment je vais aborder mes prochains rendez-vous avec eux. Et surtout, je prie pour ne plus jamais revoir Hell Wilder dans mon cabinet...

Je sombre ainsi dans un sommeil contrarié, mais profond.

***

Une voix me fait relever la tête et entrouvrir les yeux.

— Mira, chuchote encore Rose, son visage flottant dans l'embrasure de la porte.

Elle place son index devant sa bouche pour m'intimer de garder le silence, puis me fait signe de la suivre.

Je retire rapidement mes chaussures pour être la plus discrète possible, incapable d'imaginer ce qui peut bien pousser ma petite sœur à agir ainsi.

Elle prend ma main et nous descendons l'escalier sur la pointe des pieds. Je retiens ma respiration, sans savoir pourquoi. Tout devient clair quand elle m'entraîne en direction de l'aile ouest.

C'est le domaine de Fay.

« Elle est rentrée. »

La voix étouffée de ma grand-mère finit par percer à travers la porte de son bureau à côté de la bibliothèque, confirmant à la fois mes craintes et mes espoirs. J'ai envie de la voir, mais j'ai peur d'être à nouveau confrontée à elle.

Fay est au téléphone. Rose me fait signe de m'approcher pour entendre sa conversation.

— ... Je ne m'excuserai pas pour ce que j'ai fait ! s'écrie-t-elle.

Un long silence s'en suit.

— Je ne m'attends pas à ce que vous compreniez mon amour pour Mira, mais sachez que je ne vous permettrais pas de la souiller avec votre nature corrompue.

« Comment ça, nous souiller ? Son amour pour moi? Quelle conversation bizarre ! » Je n'ai jamais entendu Fay parler de moi de cette manière. Je me tourne vers Rose pour voir sa réaction. Si elle paraît aussi tendue que moi, son sourire discret semble dire " tu vois qu'elle t'aime".

— Comment osez-vous ? J'ai toujours été là pour vous servir ! s'énerva-t-elle. C'est par loyauté envers vous que j'ai passé un siècle entier à chercher une solution. Je vous ai consacré les dernières années de ma vie, mais jamais je ne vous laisserais prendre Mira.

« Un siècle ? » Me voilà convaincue que ma grand-mère a perdu la raison.

— Écoutez-moi bien ! Je sais pertinemment que vous êtes venu chez moi deux fois, déjà. Ça n'arrivera plus ! À partir de ce jour, je vous bannis, vous et vos semblables. Peu m'importe votre rang, vous n'êtes qu'un garnement égoïste !

« Qu'est-ce que ça veut dire ? Elle connait l'intrus ? C'est impossible, elle n'était pas là. » Mon sang se glace. Je ne sais plus quoi croire.

— Non ! Ce royaume n'aurait jamais dû exister. Nous aurions tous dû périr ce jour-là. Si je ne m'en étais pas mêlée... Laissez-nous tranquilles à présent... Mon prince, laissez-nous en paix et acceptez la suite avec dignité. C'est la seule issue possible.

Elle raccroche sans attendre de réponse. Et tout à coup, j'entends quelque chose d'encore plus glaçant. Fay pleure. Fay a mal. C'est inédit pour moi. J'ai envie de la rassurer et m'apprête à saisir la poignée, mais Rose interrompt mon geste et me tire en arrière.

La Morsure des PapillonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant