Chapitre 38 : Azur

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— Viens-là, enjoignit-elle Meesha.

Les mèches de l'adolescente commençaient à retrouver leur lustre noir quand un discret grésillement se fit entendre derrière la porte, suivit de coups légers. Des résidus d'Éther frémissaient encore dans l'air quand Thélia ouvrit à Adamer. Comme convenu, il s'était servi de la balise qu'elle avait activée pour s'introduire dans l'hôtel à l'insu de ses collègues.

Il se présenta vêtu en civil, d'un tee-shirt et d'un pantacourt d'allure basique, mais dont Thélia identifia la facture haut-de-gamme. L'ensemble devait coûter l'équivalent de deux mois de son salaire. Sans compter sa montre et ses lunettes de soleil relevées sur son crâne.

Adamer les salua de son sourire le plus enjôleur, brandissant un sac en papier kraft duquel émanait une délicieuse odeur de poulet frit.

— J'espère que vous avez faim ! J'ai apporté le déjeuner, vu l'heure.

Meesha se releva en équilibre sur un pied, les mains plaquées contre sa bouche, ses yeux sombres arrondis d'admiration. Elle sautilla tant bien que mal jusqu'à l'agent pour recevoir sa boîte de nuggets et s'exclama quasiment à son visage :

— Keitan ! Wow, mais j'y crois pas !

— Surpriiise, rit Adamer en usant de son bras libre pour lui donner une accolade de circonstances. Kerdaphy m'a dit que vous aviez besoin d'aide, alors...

La façon dont il déformait la réalité, avec une aisance si nonchalante, fit sourciller la thaumaturge. À l'entendre, il ne faisait qu'apporter son aide charitable à une amie. Elle prit la part qu'il lui tendait par-dessus la tête de Meesha et la remit à Belonias, qui ne se décidait pas à descendre de son abri.

— Mais tu connais Thélia ? s'ébahit l'adolescente. Oh, mais oui ! Je te suis sur Díkti, j'ai vu que tu allais au Lucent. Vous vous êtes rencontrés là-bas ? Tu connaîs Mystès, alors ?

Emportée par sa fébrilité, elle lui agrippa l'avant-bras. La posture d'Adamer se tendit imperceptiblement, ses omoplates se tassèrent sur elles-mêmes avec un spasme nerveux, comme s'il réprimait le réflexe de se rétracter hors de portée de la jeune Aster. Thélia put presque voir sa peau se hérisser à son contact. Elle saisit sa cadette par les épaules afin de l'éloigner d'Adamer.

— Meesha, ça suffit, la réprimanda-t-elle.

L'adolescente plissa les lèvres en une moue de frustration, mais elle consentit néanmoins à respecter l'espace vital de son héros. Le masque d'amabilité de ce dernier n'avait pas flanché un seul instant face à ses manières envahissantes, pourtant, l'espace d'une seconde, ses paupières s'étaient étrécies sur ses yeux emplis de déplaisir.

— Merci d'être venu, reprit Thélia. Je savais pas si t'accepterais que je te sollicite à nouveau.

Adamer haussa les épaules et piocha dans son cornet de frites.

— J'ai pas résolu grand-chose à Pegasi. Je t'en dois toujours une. Dites-moi tout.

— Les agents qui surveillent l'hôtel, ils sont surtout là pour contrôler Bel et empêcher une nouvelle fugue. Est-ce que tu crois qu'ils pourront les protéger de Becrux ?

Il déglutit, la mine pensive.

— Pas longtemps. Soit les gamins vont être laissés à croupir dans cet hôtel jusqu'à leur majorité, et l'URIAA montera pas la garde jusque-là, soit ils vont être renvoyés dans une structure jugée adaptée à leur cas...

— Et Becrux trouvera le moyen de les atteindre.

— Exactement. Les services sociaux font pas le poids contre les Constellations, elles ont pratiquement qu'à se servir. Et vu le climat actuel et la démonstration de Belonias à Pegasi, Becrux sera peut-être pas la seule à essayer de mettre la main sur lui. Mais elle voulait aussi Mish-mish, non ? Tu nous caches quoi, comme Arété ?

𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVASWhere stories live. Discover now