Chapitre 31 : Phaïp

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Je me réveillais en sursaut, les sens en alerte. Mes pupilles se dilatèrent, prêtes à détecter le moindre ennemi. Je me retrouvais dans une pièce circulaire, semblable aux salles d'expériences d'Ewa. Le plafond était si haut, au dessus de grands spots lumineux, que j'en voyais à peine la véritable couleur. J'avais l'impression d'être dans un immense cylindre. 

Cependant, une mezzanine était creusée dans le mur, dissimulée derrière une épaisse grille. Comme une petite arène aux gradins protégés. J'étais libre de mes mouvements, mais débarrassée de mon sac à dos et de mes armes, jusqu'au plus petit couteau caché dans mes bottes. J'avais cependant de la chance, car on m'avait gracieusement laissé ma montre. Je louchais sur l'heure. Huit heures moins cinq. Mon sang ne fit qu'un tour. 

Soit ma montre était cassée, soit vingt-quatre heures s'étaient déroulées. Et le gargouillement de mon ventre, agrémenté de ma gorge desséchée, pencha pour la deuxième option. Ce qui signifiait qu'il restait moins de vingt-quatre heures avant l'attaque.

– On est peut-être allés un peu fort sur la dose de sédatifs, concéda une voix horripilante.

La rage bouillonna dans mes veines, tandis qu'un grondement bestial naissait dans ma poitrine. Je n'eus même pas besoin de lever la tête vers le grillage pour reconnaître la silhouette qui se cachait derrière. Mes narines se dilatèrent, alors que mes yeux devaient sans douter exprimer toute la haine que je ressentais.

– Descendez, lâche, grondai-je sauvagement.

– Je ne suis pas stupide, rétorqua Phaïp.

– Vous êtes un monstre, rectifiai-je avec une froideur meurtrière.

– Je crois que ton expérience d'Ewa a biaisé ton jugement. Les scientifiques sont prêts à faire quelques sacrifices pour arriver à leurs fins. Ce n'est pas quelque chose dont monsieur tout le monde est capable.

– Tuer des enfants n'est pas un sacrifice, mais une atrocité, corrigeai-je, répugnée.

– Amusant, n'est-ce pas ? Ses parents sont allés jusqu'à revendre leur gamine pour gagner de l'argent et pouvoir survivre. Si je ne l'avais pas reprise, elle aurait probablement été prostituée, puis tuée. Au moins a-t-elle vécu quelques jours heureux ici.

– Aucune circonstance ne pourra excuser vos actes ! l'agressai-je.

– Je ne cherche pas des excuses. Je cherche des ré-sul-tats, articula-t-il. Pourquoi cette gamine n'a pas supporté la greffe, comme toi ou Nuna Arrano ?

– Descendez me voir et je me ferai une joie de vous expliquer, crachai-je avec hargne.

– Je passerai mon tour. Un peu plus de deux ans, et nous revoilà au point de départ : toi en tant que sujet, et moi en tant que maestro. Quelle partition allons-nous écrire cette fois ?

Les jointures de mes poings blanchirent sous la tension de mes muscles. Il me fallait rassembler toute ma patience pour ne pas sauter sur la grille et étriper Phaïp. Probablement l'électricité de la clôture que je sentais d'ici était également quelque peu persuasive.

– Quand Esteban t'a envoyé dans nos couloirs, j'ai d'abord cru à une farce. Lui qui avait essayé d'enterrer mon œuvre, me donner le meilleur sujet d'expérience possible ? Puis j'ai compris.

Il laissa une pause théâtrale, qui n'eut comme effet que de raffermir mon envie irrépressible de l'étrangler. Tous mes sens étaient dirigés vers lui, à la recherche d'un moyen pour le faire taire. Il me semblait même encore plus timbré qu'auparavant. Il leva les bras, paumes vers le ciel.

– Un signe du destin ! J'étais autorisé à poursuivre mon ouvrage, avec la pièce manquante !

– Jamais je ne vous donnerai quoi que ce soit ! éructai-je. Vous allez regretter tout ce que vous avez fait, à moi comme à tous ces innocents !

Mutante - Tome 5Where stories live. Discover now