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- Maman ? Tu connais bien les voisins ? demandais-je après de longues minutes d'hésitation.

- Les Richards ? Oui. Ils nous prêtent leur tondeuse tous les étés, répond elle distraitement. 

- Non, je veux dire, les autres voisins. La maison aux volets bleus. 

Ma mère s'arrête de plier le linge pour me fixer :

- Pourquoi tu me demandes ça ? 

- Répond juste à ma question s'il te plaît. 

Elle soupire et reprend :

- On ne les voit jamais. Il y a environ deux ans ils ont perdus un de leurs enfants. Il me semble que c'était un accident sur la route. Depuis ils ne sortent plus de chez eux, et les rumeurs à leur sujet ne sont pas flatteuses... 

Mon cœur tambourine dans ma poitrine. 

- Quelle rumeurs ? 

- On dit qu'ils ont tous les deux sombré dans l'alcool, la drogue et qu'ils délaissent complètement leur autre enfant, avoue ma maman d'une petite voix. 

J'ai soudain du mal à déglutir :

- Mais ce ne sont que des rumeurs...

- Nous n'avons jamais vraiment été amis avec eux ton père et moi alors on ne sait pas, mais il est vrai que plus personne ne les voit depuis deux ans. Ni eux, ni leur fille. 

Mon cerveau tourne à toute vitesse. Si les rumeurs sont vraies, cela peut expliquer à quel point Lucy est livrée à elle-même, et pourquoi ses parents ne s'inquiètent pas de son absence : ils seraient complètement déconnectés par leurs chagrin et leurs addictions. 

- Felix, tu es en train de mettre des chaussettes dépareillées ensembles là... 

- Ho ! Excuse moi ! 

- Qu'est-ce qui te préoccupe autant ? 

- Je t'en parlerai plus tard si tu veux bien. Je dois réfléchir. 

Et c'est anxieux que je retrouve Lucy dans la boutique de Herman. Toujours autant fatigué, il reste assis pendant notre visite, alors que Lucy est toujours plus dynamique. Elle découvre avec joie le matériel de bricolage du jour, et je me demande à quoi ressemble l'avancée de sa marionnette. C'est amusant de penser que tout part de cette construction en carton et ficelle, et que deux semaines plus tard ce n'est plus qu'un prétexte pour rendre visite à un ami. 

J'ai du mal à regarder Lucy. Maintenant que je commence à comprendre ce qui peut se passer dans son intimité, pourquoi elle est si discrète, pourquoi elle a peur de l'abandon, elle me semble bien différente. Pourtant elle reste la même, et la réduire à ses problèmes et son passé n'est pas une bonne chose. 

- On va boire un chocolat chaud après ? demande Lucy. 

Herman sourit faiblement :

- Avec Felix, oui. 

- Je préfère quand tu es là aussi. Je peux m'asseoir sur tes genoux ? 

J'intervient avant que Herman n'ai à décliner une nouvelle fois les envie de la fillette :

- Lucy, et si on faisait un jeu ? proposais je. 

- Lequel ? 

- Tu dois me trouver 3 objets jaunes, trois objets en bois et trois objets que tu trouves très beaux. Attention, prête ? Partez !

Elle part en trombe à travers les petits rayons sous nos regards attendris. 

- Herman, j'avais une question à vous poser, avouais-je une fois que nous sommes seuls. 

- Je t'écoute. 

Je m'assois à côté du vieil homme et me lance :

- J'ai entendu parler d'une tragédie, une famille qui a perdu un enfant à quelques rues d'ici il y a quelques temps. Est-ce que ça vous parle ? 

Il hoche la tête :

- Oui je crois bien. C'était il y a peu, mais ça a bien marqué le quartier. Le garçon a eu un accident sur sa moto, juste en face de la grande fontaine. 

Je trésaille. Si cette histoire est vraie, c'est un véritable drame qu'a vécu cette famille. 

- Les parents avaient d'autres enfants ? 

- Une fille il me semble. Elle était bien jeune au moment de l'accident. Aujourd'hui elle doit avoir à peu près l'âge de Lucy. Mais tu sais, cette famille ne sort plus du tout. Je me demande même si la petite va toujours à l'école. 

J'ai la gorge trop nouée pour répondre alors je me contente de hocher la tête.

- Pourquoi cette question ? 

- Ces gens sont mes voisins, et ma mère n'a pas pu m'en dire plus. Je suis simplement curieux. 

- Reste loin des rumeurs Felix. Souvent elles sont infondées, les gens racontent tout et n'importe quoi. Fais attention à ce que l'on te dit, si tu veux savoir, tu dois t'intéresser par toi-même, à la source.  

Je hoche lentement la tête, le cœur battant.

- J'ai trouvé ! nous interrompt Lucy. Regarde Felix ! 

Elle me tend ses trouvailles avec fierté et je m'efforce de sourire :

- Ho ! Super, bravo ! Tu as gagné un chocolat chaud. 

Elle tape dans ses mains, ravies. 

- Et demain tu viens avec nous Herman, d'accord ? 

- Si je peux, ce sera avec plaisir ma petite. 

Elle hoche la tête, ramasse ses affaires et me prend la main. 

- On y va ? 

- Oui. Nous reprendrons cette conversation demain ? 

- Je crains n'avoir rien d'autre à t'apporter Felix, me répond l'antiquaire.

Je hoche la tête alors que la fillette me tire vers la sortie. J'ai soudain comme l'impression que Herman m'a mit au défi de découvrir la vérité sur le drame qui entoure la famille de Lucy... 

Deux bouts de carton et une ficelle ➳ 𝔉𝔢𝔩𝔦𝔵Where stories live. Discover now