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- J'aimerais bien qu'il neige, chuchote Lucy. 

- Oui, ce serait bien. Mais je ne suis pas inquiet, avec la vague de froid qui arrive je pense que c'est fort probable, dis-je en souriant. 

La main gantée de Lucy dans la mienne, nous avançons vers un petit café à quelques pas de l'antiquaire. Suite à notre achat du jour, le vieux monsieur nous a gentiment conseillé d'aller goûter des chocolats chauds mousseux qui ont pour spécificité des ajouts de toppings  tels que des chamallows ou de la chantilly colorée. Très excitée par cette idée, j'ai senti l'envie de Lucy à travers la manière dont elle me tenait la main. Alors à peine ressortis, nous avons suivit la recommandation du vendeur. 

- Mais tu vas bientôt être en vacances ! m'exclamais je. 

- Oui. 

- Tu continueras de venir ici quand même ? 

- Oui. 

- Tu pourrais aller chez l'antiquaire avec tes parents, suggérais je. 

Elle lève des yeux paniqués vers moi :

- Tu ne veux plus m'y accompagner ? 

- Si, bien sûr ! Ne pense pas le contraire surtout ! Seulement, c'est aussi le rôle de tes parents de t'accompagner en promenade, surtout si tu y tiens tant que ça. 

Et surtout, je la trouve bien jeune pour se balader seule dans les rues de Sydney.

- Hum... 

- Qu'est-ce qui te plaît autant dans cette boutique ? demandais-je alors.

- Elle est belle. 

- Oui c'est vrai, dis-je, attendri. Quoi d'autre ? 

J'ai vraiment envie de comprendre ce qui captive la fillette dans cette vitrine. Je crois avoir comprit son attrait pour Bob, la marionnette en carton, mais je ne suis pas sûr de savoir ce qui justifie cet intérêt. Et je suis sincèrement curieux. 

Je pense que Lucy est rongée par la solitude, mais je suis trop impuissant face à ça. Quand j'évoque ses parents, elle se referme. Je ne suis qu'un adulte qui peut l'écouter et la guider, mon rôle n'est pas celui d'un parent ou d'un ami, je ne suis pas légitime pour ça. J'ignore ce que la petite voit en moi, mais j'ai peur qu'elle s'attache trop. Je n'oublie pas l'étrangeté de notre relation, ni même le fait que je ne sois à Sydney pour un mois seulement. Ces éléments ne sont pas compatible avec l'attachement si rapide de Lucy envers moi. Et même si je l'aime beaucoup, je me dois de la rediriger vers des personnes qui peuvent être réellement là pour elle.  

- Je sais pas. Il y a beaucoup de belles choses. J'aime bien Bob. 

- Pourquoi ? 

- Il a l'air gentil. Je sais que ce n'est qu'un pantin, mais lui au moins il ne se moque pas de moi. 

- On se moque de toi ? 

- Parfois, répond vaguement Lucy. 

- Pourquoi ? 

- Je ne sais pas. J'ai hâte d'avoir mon propre Bob. 

- Comment il va s'appeler ? Tu as déjà choisi ? 

- Non. Mais j'ai une idée, je te dirais plus tard. 

- D'accord, souriais-je.

Nous arrivons dans le café, et une bonne odeur de boisson chaude nous frappe les narines, un subtil mélange de café, chocolat et pain d'épice. Une douce mélodie de Noël résonne dans la petite pièce, et de belles décorations ornent les tables et les murs. L'ambiance est calme, paisible et festive, je sens dans la prise de Lucy que l'endroit l'apaise. Un large sourire se dessine tout naturellement sur mon visage. Une serveuse s'approche et nous place à proximité d'une baie vitrée, ce qui semble ravir la fillette, heureuse d'avoir une vue sur la rue encore bondée, tout en restant dans la chaleur agréable du café. Elle rebondit joyeusement sur la banquette rouge.

Lorsque nos commandes arrivent, la petite a les yeux qui brillent devant le dessin d'ourson qui a été fait dans la mousse de son chocolat chaud. Elle hésite presque à le boire, et après la première gorgée, elle ouvre de grands yeux, visiblement ravie par le goût brûlant qui crépite sur ses papilles. 

- C'est bon ? 

Elle hoche vivement la tête, de la mousse tout autour des lèvres. Je ris, amusé par la scène.

- Je peux goûter le tien ? 

N'aimant pas tellement le café, j'ai choisit un chocolat chaud avec un supplément noisette. 

- Oui, tiens. 

Elle prend une gorgée timide et ouvre de grands yeux :

- C'est bon !! J'ai envie de tous les goûter !

Heureux de voir Lucy aussi ravie, j'acquiesce :

- On y viendras plus souvent alors ! 

Une autre serveuse s'avance vers nous en souriant :

- Tout se passe bien ? 

- Oui, merci beaucoup ! 

Je regarde Lucy qui fixe le gâteau posé sur la table voisine avec envie et ajoute :

- Pouvez-vous nous apporter deux part de pain d'épices s'il vous plaît ? 

- Bien sûr, sans problème ! 

La fillette se tourne alors vers moi, confuse :

- C'est gentil Felix. Mais je n'en voulais pas tu sais. 

- Ne me mens pas, tu en avais envie. Et ça me fait plaisir. 

Lucy rougit, et la serveuse vérifie :

- Deux pains d'épice donc ? 

- Oui s'il vous plaît...

Je prends une seconde pour lire le prénom sur le badge de la serveuse :

-... Erin ! 

- C'est moi, sourit elle, visiblement heureuse que quelqu'un prenne le temps de lire son prénom. 

- L'heureux événement est prévu pour quand ? demandais-je avec un sourire. 

- Dans un peu plus de deux mois. Ma grossesse se passe très bien alors on m'autorise à travailler une heure par jour à condition que je ne fasse pas trop d'efforts. 

Le ventre rond de Erin est imposant, mais elle semble toujours aussi dynamique et motivée. Et surtout, elle a l'air contente qu'on lui parle de sa grossesse, comme si c'était un détail qui passait trop souvent inaperçu ou que les gens n'osaient pas aborder.

- Reposez vous, c'est important. Ne vous surmener pas, vous allez avoir besoin d'énergie. Et toutes mes félicitations !

- Merci beaucoup ! J'aime trop mon travail pour m'arrêter, tant que je peux marcher, je continue ! plaisante Erin. Et la période de Noël est si agréable, j'aime être au café !

- C'est un garçon ou une fille ? demande Lucy qui écoutait silencieusement l'échange. 

- On ne sait pas encore. Mais j'ai le sentiment que ça sera une petite fille, dit elle avec un clin d'œil pour Lucy. 

- Elle va s'appeler comment ? 

- Je ne sais pas. Toi, tu t'appelles comment ? 

- Lucy. 

- C'est un très beau prénom, sourit sincèrement Erin. Je vous amène vos pains d'épices tout de suite. 

Elle s'éloigne et la petite semble complètement excitée par ce court échange :

- Elle est trop gentille ! 

- Oui, c'est vrai. 

- Elle a dit que mon prénom était beau, dit elle avec un immense sourire. 

- Mais oui, c'est le cas. 

Toute contente, la fillette reprend une gorgée de son chocolat en regardant Erin de loin, les yeux pétillants. Visiblement peu habituée aux simples compliments, elle voit désormais la serveuse enceinte comme une super-héroïne, un modèle de motivation et de gentillesse pure.  Et c'est ce genre d'expressions que j'aime voir sur le visage innocent de Lucy. Le bonheur. 

Deux bouts de carton et une ficelle ➳ 𝔉𝔢𝔩𝔦𝔵Where stories live. Discover now