Le 88ème passager

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Au coeur du Manoir occupé par la division spéciale du Colonel Cimino, dans la salle sécurisée du sanctuaire, l'Administrateur Réseau Jeffrey Barnes se leva brusquement sur sa chaise.

Ses algorithmes avaient fini de tourner, le résultat de ses recherches s'affichait sur l'écran.

Cimino, qui se trouvait dans la même salle, se retourna vers le technicien.

J'ai trouvé la faille, lui dit ce dernier.

Des jours que Jeffrey s'acharnait sur cette énigme, concernant les filtres et suppressions de données sensibles dans les DataBases des organisations secrètes de leur nation. Il avait l'impression de se battre contre des moulins à vents, des adversaires invisibles, des systèmes qui fonctionnaient à vide. Et pourtant, tout ce dispositif avait bien été créé par quelqu'un dans un but précis.

Cimino avait refusé d'en référer à son supérieur hiérarchique, conscient que le Commodore pouvait être à l'origine de ce filtre. Le Commodore était pour lui une entité supérieure qu'il servait, mais envers laquelle il conservait ses secrets. Lors de leur cabale contre le Xénovampire, notamment le Commodore avait montré des limites dans sa manière de traiter les données. 

L'objectif du Commodore était purement patriotique, il s'agissait de la défense de leur système de gouvernance avant même la défense du territoire. Le Commodore avait pris le pouvoir dans les coulisses de l'état et entendait le conserver ; sur ce point Cimino partageait son point de vue. Le modèle démocratique, admis et préconisé par le monde entier, avait en effet montré ses limites dès qu'il faisait face à des adversaires puissants. 

Peu importe de quels adversaires il s'agissait - les Sentinelles, certaines organisations secrètes américaines ou étrangères, des nations ennemies, ou des castes puissantes de créatures surnaturelles ? - le fait est qu'on ne pouvait laisser n'importe qui s'approprier le pouvoir. C'est pourquoi le cercle restreint des plus hautes autorités gouvernementales avaient détourné l'exercice démocratique. Leur président n'était plus qu'un homme de paille : le Commodore et ses principaux conseillers dirigeaient en secret le pays. Ils utilisaient pour cela à des cellules sans existence légale, sous couvert du FBI.

La cellule PHénIX, commandée par Cimino, était chargée de lutter contre le péril surnaturel, mais d'autres existaient qui possédaient des champs d'action différents.

C'est ici que la loyauté de Cimino s'estompait. Avec la découverte du Peuple de la Nuit, des Sentinelles, de la Ruche, de Milan Lazsco, une compréhension plus fine des enjeux lui était parvenue. Là où le Commodore n'avait qu'un seul mot d'ordre : éradiquer toute trace de menace, Cimino avait compris quant à lui qu'il fallait classifier ces menaces, afin de déterminer quelles étaient les plus périlleuses. Et que si l'on voulait avoir une chance de triompher des plus grands périls, alors il fallait se compromettre avec d'autres clans susceptibles de les aider dans cette lutte.

Ainsi, Cimino travaillait avec les Sentinelles, et Milan Lazsco, et la Ruche, s'il le fallait, pour vaincre des ennemis plus puissants. Jamais le Commodore n'aurait autorisé cette manière de procéder, c'est pourquoi Cimino dissimulait certaines données à son supérieur. Il l'avait fait notamment pour le Fléau, Solomon. Face à ce que Milan considérait comme l'un des plus grands périls de la planète, il n'avait pas voulu tester la réponse du Commodore. Avec Salem et Lazsco, ils avaient suivi leur propre méthode.

Le risque était important de se faire prendre. En dépit de ses précautions, Cimino savait que leur propre organisation pouvait être surveillée, infiltrée. Le Commodore ne leur accordait qu'une autonomie relative et une confiance plus relative encore - à raison semblait-il - si bien qu'à tout moment, Cimino pouvait être désavoué pour sa politique de compromis. 

Milan Lazsco : La Fugue [E3 Quadrilogie du vampire]Onde histórias criam vida. Descubra agora