Road Trip

75 7 0
                                    



Désert Rouge - Wyoming USA

Quelque part dans le nord ouest américain, la lune argentée éclairait les reliefs arides du désert rouge, qui dans la nuit monochrome se voyait privé des couleurs que le jour lui conférait.

A perte de vue, il n'y avait que des étendues stériles, abandonnées, rongées par l'érosion, par l'alternance de la chaleur et du froid. A l'est et au sud, des plaines qui semblaient n'en jamais finir, couvertes de sable, de pierres, de squelettes d'arbres et de buissons décharnés. Tandis qu'au nord, après une succession de ces mêmes steppes, s'accumulaient des massifs de montagne ténébreux.

La nuit était limpide, le ciel ne comportait pas le moindre nuage. Les étoiles brillaient en silence. Seul sur la Route 191, se faisait entendre le puissant rugissement d'un poids lourd lancé à vive allure au milieu de nulle part.

Et à son bord une radio qui diffusait à tue tête la chanson "Fortunate Son" du groupe Creedence Clearwater Revival.


Le véhicule était aussi volumineux qu'impressionnant. Ce n'était pas un camion de transport conventionnel : c'était un engin Porteur long de plus de vingt mètres et haut de quatre. Quelle que fut sa cargaison, elle était suffisamment lourde pour nécessiter pas moins de huit paires de roues, massives et robustes, protégées sur les flancs par des jantes renforcées.

L'engin tout entier était blindé en réalité : sa carapace métallique scintillait sous les reflets de la lune. Des excroissances lui offraient un aspect profilé en dépit de cette armature, tandis que son cockpit au contraire exhibait une ligne plus agressive que racée.

A bord du véhicule, derrière les vitres sans teint, à l'épreuve des balles, un conducteur pilotait sans effort apparent, confortablement installé dans un volumineux fauteuil. Face à lui, le tableau de bord clignotait de nombreuses lueurs, éclairant manettes et cadrans pour la majorité mécaniques, détonant par l'absence flagrante d'électronique.

Le pilote était un homme dont l'apparence indiquait un âge mûr, quoiqu'il n'eut aucune pointe grisonnante dans ses cheveux très noirs. Il était rasé de près, ce qui conférait à son visage une certaine angulosité, amplifiée par ses pommettes saillantes.

Ce conducteur se nommait Milan Lazsco. Il avait les yeux noirs et les sourcils épais, parfaitement symétriques. Ses mâchoires étaient un peu raides. Au fond de son regard se nichait une sorte de détermination que son attitude semblait s'efforcer de contredire.


Soudain, Milan Lazsco éteignit la radio et s'empara de l'émetteur accroché à son tableau de bord pour lancer une communication.

  – Ici "Papillon de nuit", ici Papillon de nuit, déclara-t-il. "Papillon de nuit" à "Ours bourru", vous m'entendez Ours bourru ?

Après un temps légèrement supérieur à ce qu'il aurait normalement fallu à un interlocuteur pour répondre, au bout des ondes, le retour parvint par la voix du Colonel Cioran Cimino.

  – J'écoute...

Milan émit une légère grimace.

  – Euh... vous devez dire "Ours bourru", Colonel. C'est le protocole. Terminé.

Un grognement se fit entendre dans l'émetteur, qui donna plus d'intensité encore à la réponse.

  – Ici "Ours bourru"... Que se passe-t-il Lazsco ? Un problème ?
  – Moi c'est "Papillon de nuit", vous devez dire... Bon d'accord, on laisse tomber le protocole. Non, pas de problème. Ici tout est OK.
  – Pourquoi vous transmettez, alors ? grommela l'officier.
  – Pour bavarder... la route est longue et ça fait longtemps qu'on n'a pas causé, vous et moi.

Milan Lazsco : La Fugue [E3 Quadrilogie du vampire]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant