Chapitre 20 : MALADIE D'AMOUR

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19 janvier 2022, 16 : 22

Depuis notre presque baiser enflammé au coin de la cheminée dimanche dernier, je ne cesse de me demander ce que Samuel peut bien penser. Lorsque les autres nous ont interrompu, j'ai prétexté une excuse minable, du style « je lui enlevais une poussière dans l'œil » pour justifier notre très grande – trop grande – proximité physique. La plupart ont avalé le mensonge et n'y ont vu que du feu, malheureusement mes plus fidèles amis me connaissent trop bien pour être dupes.

J'ai eu le droit à tout un interrogatoire privé dans la salle de bain vingt minutes plus tard, oscillant entre Paul, fanatique invétéré de toutes formes de ragots et Val, la bonne fée qui me somme d'être prudente pour m'éviter d'avoir le cœur brisé. Malheureusement, je crois que c'est déjà trop tard pour la deuxième partie.

Alors forcément, voir Samuel et Paul échanger des regards affectueux et des gestes tendres pendant tout le reste de la journée, comme si de rien n'était m'a fait enrager. Je décelais tout de même un certain malaise chez lui, peut-être un semblant de culpabilité, mais plus à l'égard de sa copine qu'au mien.

J'ai donc subi en silence, tentant péniblement de masquer mes contrariétés sous un sourire forcé et quelques plaisanteries. Moi qui aurais voulu des explications de la part de Samuel, pouvoir discuter de ce qui s'était passé – et surtout de ce qui aurait pu se passer – je n'ai pas eu la moindre occasion de le voir en tête à tête tant Paul ne le quittait pas d'une semelle.

Nous avons finalement quitté le chalet ensoleillé pour retrouver la capitale sous sa grisaille habituelle. J'ai déprimé pendant quelques jours, peine de cœur oblige. Je suis passée par différentes phases : d'abord « je ne retrouverai jamais un mec comme lui, ma vie est foutue j'ai plus qu'à sauter par la fenêtre ». Puis je me suis rappelée qu'en sautant du premier étage, j'allais au mieux me casser le col du fémur - couillonne 2.0 – mais que la probabilité de me retrouver dans un cercueil demeurait assez peu élevée. Et puis je ne peux pas me permettre d'abandonner mon doudou comme ça, j'ai des responsabilités !

Ensuite il y a eu la période du « de toute façon il ne me mérite pas, mieux vaut être seule que mal accompagnée ». Autant vous dire que j'ai saigné ma playlist post-rupture comme jamais ce jour-là (ambiance Since U Been Gone de Kelly Clarkson).

Mais la réalité m'est vite revenue en pleine face quand je me suis mise à pleurer pendant deux bonnes heures après avoir vu une pub pour des couches anti-incontinence sur laquelle apparaissait un petit couple de vieux adorables. J'ai vite compris que je me voilais la face et que je n'avais pas envie de finir ma vie toute seule sans personne avec qui faire des courses de déambulateurs dans les couloirs de l'EHPAD. Chacun son conte de fées. 

Enfin ce fut l'heure de la troisième et dernière étape dans laquelle je me trouve actuellement, à savoir « j'ai besoin de savoir s'il m'aime vraiment parce qu'on est peut-être faits l'un pour l'autre ». Je suis tombée bien bas, plus bas que terre : ce matin j'ai téléchargé une application de comptabilité amoureuse des prénoms, que j'ai aussitôt désinstallée parce qu'elle n'affichait qu'un score de 17% pour Samuel et moi (j'ai toujours su que c'était n'importe quoi ces trucs-là de toute façon).

Cet après-midi, j'ai déboursé pas moins de 45 euros – c'était le budget esthéticienne, tant pis à défaut je serai au chaud sous ma touffe de poils -pour un appel téléphonique de trois minutes top chrono avec une Madame Irma bas de gamme. Madame en question qui n'a rien trouvé de mieux à me dire que, d'après sa haute expertise « l'amour est une graine dont on récolte les fruits quand ils sont mûrs ». Sans doute une cousine cachée de Fabio. Mon portefeuille et moi la remercions.

Bref, toujours est-il que je suis en plein craquage et que ça ne peut pas continuer de la sorte. Il me faut des réponses à toutes les questions qui fusent dans ma tête, et en réalité la seule personne qui peut me les donner, c'est Samuel.

Alors je prends mon courage à deux mains et décide de lui envoyer un message :

« Hello Samuel, dispo pour boire un verre cette semaine ? J'ai besoin de te parler »

J'ai tenté une formulation un peu casual tout en soulignant l'importance que cette conversation a pour moi. Sa réponse est sans appel : 

« Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. J'espère que tu comprends. »

Au moins je sais à quoi m'en tenir, même si par ce refus c'est comme si on me piétinait le cœur avec des talons aiguilles. J'essaie tant bien que mal de m'auto-persuader qu'il a raison, que tout ça est pour le mieux, qu'il est préférable que je me concentre sur l'arrivée du bébé plutôt que de m'embarquer dans une nouvelle histoire bancale.

En parlant du bébé, j'ai rendez-vous pour mon échographie du deuxième semestre dans une heure. Je finis par m'y faire, à ce ventre tout rond et aux coups de pieds intempestifs qui vont avec. Parfois, j'en oublierais presque qu'il est là tellement il fait partie intégrante de mon quotidien. Seulement il ne sera pas caché là pour toujours, et je ne sais pas si je suis encore prête à affronter la suite.

J'enfile une grosse doudoune bien confortable – je ne suis pas d'humeur à passer trois heures à me questionner devant l'armoire – et descends rejoindre Dorine et Papa qui m'attendent dans leur voiture. Ils ont gentiment proposé de m'y accompagner, geste qui m'a d'autant plus touchée qu'il témoigne de leur soutien et d'une forme d'acceptation de la situation. Vous me direz, ils n'avaient pas vraiment d'autre option !

Nous arrivons à la clinique, le rendez-vous se passe bien : je vois s'agiter sur l'écran les petits doigts du bébé, c'est étrange de s'imaginer un être vivant à l'intérieur de soi. L'obstétricienne m'annonce qu'il se porte à merveille et me demande si je veux connaître le sexe. J'avoue m'être posée un milliard de questions, mais pas celle-ci. Après tout, cette grossesse a été une surprise depuis le premier jour, autant que le suspense dure jusqu'à la fin !

Ma décision semble quelque peu contrarier Dorine qui s'exclame sur le chemin retour :

« Comment je fais moi, pour savoir quelle couleur de laine choisir pour les petits chaussons que comptais tricoter ? Et pour le prénom, tu y as réfléchis tout de même ? »

Finalement, je crois que l'idée de devenir grand-mère lui plait bien. J'essaie quand même de lui faire comprendre qu'à ma connaissance, aucun nourrisson sur terre ne risque de s'offusquer si la couleur de ses chaussons ne correspond pas aux standards bleu ou rose – soit dit en passant assez ridicules - assignés à son sexe. 

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N.A : Alors, votre avis sur la réaction de Samuel ? La compatibilité des prénoms, ça existe selon vous ? 

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A SUIVRE...(prochain chapitre publié le 22/11)

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